Contournement ouest de Strasbourg : pourquoi l'enquête publique dit non

L'enquête publique, lancée le 4 avril dernier et qui a pris fin le 11 mai, sur les impacts sur l'eau et les espèces menacées du projet de Contournement ouest de Strasbourg (COS) est terminée et c'est un avis défavorable. Un de plus. Et sacrément à charge. Décryptage.

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Il était attendu. Très attendu. Le rapport de la commission d'enquête publique sur les impacts sur l'eau et les espèces menacées est tombé aujourd'hui, mercredi 27 juin, discrètement, sur le site de la préfecture du Bas-Rhin.

Avis Defavorable Les Conclusions de l Enquete a La Demande d Autorisation Unique Sollicitee Par La Societe... by Aymeric Robert on Scribd

Et c'est un avis défavorable de plus. Mais celui-là est sacrément à charge. La commission d'enquête, qui a travaillé du 4 avril au 11 mai 2018, a déjà tenté de débroussailler l'épais dossier constitué par plus de quatre décennies de projet. Mission quasi impossible. "Le dossier soumis à l’administration en 2017 est particulièrement volumineux. Il contient bien sûr de nombreux informations et développements sur les questions Loi sur l’eau et dérogations à l’atteinte d’espèces protégées et de leurs habitats. Il a été « alourdi » de pièces complémentaires, de rajouts, de répétitions comprenant quelques divergences, différents niveaux de précision apportés selon les documents, etc.., le tout dans une organisation peu évidente à s’approprier, pour atteindre un poids de 30 kg". Et d'ajouter un peu plus loin:  "les enjeux environnementaux de ce projet sont, à notre avis, d’une portée qui devrait obliger à un très haut niveau d’aboutissement de la forme du dossier, ce qui est loin d’être le cas."

Un dossier non actualisé

Dès le départ, la commission constate qu'Arcos, filiale de Vinci et maître d'ouvrage de la future A355 (GCO), a fait fi des recommandations données ces derniers mois par le Conseil national de protection de la nature (CNPN) tout d'abord et l'Autorité environnementale ensuite qui tous deux ont donné un avis défavorable en l'état actuel du dossier.Les pertes en biodiversité liées à la construction de cette autoroute de 24 kilomètres étant inévitables, le CNPN avait notamment demandé davantage de mesures de réduction ou de compensation. Or dans le rapport, on peut lire : "La commission d’enquête constate qu’aucun complément ou ajustement n’a été apporté aux mesures de réduction". Oups.
Idem avec l'avis réservé présenté par la Commission locale de l'eau (CLE)  en janvier dernier, notamment sur le redimensionnement des bassins de stockage des eaux pluviales en phase chantier jugés insuffisants. "La commission d’enquête constate néanmoins que le dossier présenté, même dans sa partie complémentaire, ne prend pas en compte l’avis de la CLE". Reoups.

Insuffisant globalement dans les mesures compensatoires proposées

Et il s'agit bien cette fois du fond. La commission détaille tous les impacts environnementaux. Notamment sur les zones humides avec un constat sans appel : "les mesures d’évitement ne sont pas suffisamment mises en oeuvre pour ces milieux, qui paraissent tellement singuliers et irremplaçables ; les mesures de compensation ne correspondent pas aux enjeux." De même en ce qui concerne l'impact sur les milieux forestiers : "la commission d'enquête estime que les mesures de compensation en milieux forestiers, particulièrement sur les massifs de Krittwald et Kolbsheim, sont insuffisantes."
Pas de mesures suffisantes non plus sur la protection du grand hamster ou du crapaud vert. "Une meilleure appréciation des réels impacts du projet sur cette espèce semble encore indispensable. Des mesures spécifiques aux amphibiens plus ambitieuses mériteraient, semble-t-il, d’être étudiées".
Et, comble du comble, la commission d'enquête émet des doutes sur l'efficacité du GCO pour désengorger l'A35 au niveau de Strasbourg. "La commission craint, tout comme le public, que le désengorgement de l’A35 ne soit pas suffisamment important pour apporter les conséquences bénéfiques attendues le long de l’A35, et par voie de conséquence sur l’ensemble de l’agglomération strasbourgeoise. Le report des PL en transit sur le COS est certes obligatoire, mais le dispositif de contrôle, encore à l’étude, laisse grandir un certain doute sur son effectivité. Et le report des VL en transit aura peu d’influence lors des bouchons liés aux déplacements pendulaires." Triple oups.

Un avis très très négatif

Du coup au bout de plus de 60 pages de conclusions, c'est bien un avis négatif qui attend le lecteur patient, le temps de déplorer encore une fois le volume de ce dossier, le peu de temps imparti aux enquêteurs pour faire correctement leur travail, le manque de réponses aux question posées et enfin de s'interroger sur l'intérêt même de cette enquête étant donné que le gouvernement a prorogé de 8 ans en janvier la déclaration d'utilité publique (DUP) du GCO et qu'Emmanuel Macron s'est prononcé publiquement en faveur du démarrage des travaux.

Réaction des antis

Evidemment, la réaction des anti-GCO ne s'est pas faite attendre sur les réseaux sociaux.

"On est forcément contents de cet avis sachant qu'on avait fait le pari de mobiliser du monde durant l'enquête publique, ce qui a été fait. Ca nous donne une cartouche de plus, notamment dans notre recours déposé contre la prorogation de la DUP en janvier dernier. L'Etat ne peut pas continuer à balayer nos arguments. C'est quand même le 4e avis négatif", témoigne Bruno Dalpra, l'un des coordinateurs du collectif GCO non merci.
Et Maurice Wintz d'Alsace nature de surenchérir. "C'est un avis clairement défavorable qui reprend des arguments qui nous avions donnés. A savoir que le dossier est complexe et difficile d'accès pour le grand public et que sur le fond, les mesures environnementales d'évitement et les mesures compensatoires ne sont pas suffisantes. L'Etat est donc au pied du mur. Va-t-il respecter le jeu démocratique ou bien Vinci bénéficie-t-il de passe-droits? Finalement cela dépasse le cadre même du GCO. Il s'agit de savoir si la concertation des citoyens a un sens ou non." Associations et collectifs attendent donc la réaction du gouvernement par rapport à cet avis négatif. S'il décide de continuer coûte que coûte l'avancée du GCO, le tribunal administratif pourrait être saisi.
 
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