Colocataires, pour le meilleur et pour le pire. A l'heure du confinement, ces Alsaciens ont décidé de vivre ensemble malgré tout et de se supporter (ou pas) , peu importe le nombre de semaines. Deux colocations nous ont ouvert leurs portes.
Qu'ils se connaissent depuis des années ou depuis quelques mois, ils ont fait le choix de rester confinés ensemble, à Strasbourg. À deux ou à sept, la colocation connaît ses hauts et ses bas, surtout pendant une telle période. Étudiants et salariés, ils nous ont raconté leur confinement par appel vidéo.
"La Coloc Savernette"
Madeleine, 22 ans, et Alexandre, 26 ans, m'accueillent virtuellement au sein de "La Coloc Savernette" de 200 m². "D'habitude on est six, mais là on est sept pour le confinement, il y a la copine d'un des coloc", lance Madeleine, la "petite dernière", arrivée en septembre pour ses études en journalisme. Parce qu'ici, tout le monde se connaît déjà un peu. Les cinq autres colocataires sont là depuis au moins un an. "Avec Madeleine, on ne se connaissait pas du tout avant la colocation. Mais c’est pas plus difficile que ça, estime Alexandre. On n’est pas une bande de potes à la base donc finalement chacun a son intimité et son espace", poursuit Madeleine. Et pour le conducteur de travaux en bâtiment, "c’est aussi volontaire, pour ne pas être trop les uns sur les autres."Le choix de l’indépendance
Et même s'ils se marchent parfois dessus, les sept colocataires ont décidé de rester ensemble pendant le confinement. Un choix qui s'explique notamment par la peur de s'ennuyer ou le besoin d'indépendance."J’ai carrément fait le choix de rester à Strasbourg. J’aime bien mes parents mais j’aime beaucoup plus mon indépendance, ça fait sept ans que je ne vis plus chez eux. D’autant plus que je vais devoir aller au bureau pour le travail, je suis en télétravail en ce moment", déclare Alexandre.Aux heures des repas on se marche dessus dans la cuisine.
- Madeleine, membre de "La Coloc Savernette."
Mais pour la benjamine, si la question de rester ou non a vite été chassée, elle regrette un peu les grands espaces : "Forcément, c’est plus sympa que d’être avec ses parents. Mais là au bout de deux semaines, je me dis que la petite maison à la campagne ça aurait été bien ! Ici, on a juste une petite terrasse. Mais on vit dans 200 m² donc ça va au final, chacun trouve son espace. Après aux heures des repas on se marche dessus dans la cuisine. On ne fait pas tout le temps des repas communs et heureusement qu’on a un lave-vaisselle."
Apprendre à mieux se connaître
"La première semaine on passait plus de temps tous ensemble parce que dans la vie de tous les jours on n’en avait pas toujours l’occasion. Au fur et à mesure chacun fait sa vie quand même", remarque Madeleine. Et si le confinement est propice à toutes sortes d'activités, c'est aussi l'occasion d'en apprendre davantage sur les autres membres de la colocation. "Par exemple, Jonas, c’est le coloc qu’on voyait le moins avant. On passe plus de temps avec donc c’est cool", ajoute Natacha, une autre colocataire qui vient d'apparaître à la caméra. "C'est la quatrième", souligne Alexandre."On a un vidéoprojecteur, on peut se faire des séances cinéma"
Ici, pas de planning, mais chacun commence à avoir ses habitudes avec le confinement. Et parfois, les jeux en ligne ont tendance à remplacer la vie en colocation. "Dans la coloc, Laurent et Alex jouent sur le même serveur. Et ils peuvent rester un après-midi entier sur le jeu", déclare Madeleine. "J’ai un réveil à 8 heures mais depuis le milieu de la semaine dernière je me couche de plus en plus tard. Je me lève, je bosse un peu jusque midi et l’après-midi c’est Minecraft", résume brièvement Alexandre. Outre les jeux vidéo, les sept colocataires s'adonnent à des activités allant de la cuisine à la coupe de cheveux. "On a organisé deux repas où tout le monde a cuisiné. On a fait des rouleaux de printemps et des pizzas maison. On part parfois en courses ensemble, on fait du sport ensemble, on se motive. On a eu un élan de coiffure aussi. Deux personnes se sont rasé les cheveux. Et moi, Natacha m’a coupé la frange.", sourit Madeleine. "Et j’ai coupé le crâne de Laurent aussi", ajoute Natacha, plutôt fière de son oeuvre.Cette semaine, les cours à distance permettent à Madeleine de se remettre dans le rythme : "C’est la première fois qu’on a de nouveau cours. J’angoissais un peu de reprendre, je me demandais sous quelle forme ça allait être surtout. Mais je me suis rendue compte que c’était bien, la journée m’a fatiguée et je vais pouvoir regarder un film sans culpabiliser. On a un vidéoprojecteur, on peut se faire des séances cinéma."
Un mot pour résumer la colocation pendant le confinement :
"Gueek ? - Non ! la bouffe. Le lieu de rencontre c’est la cuisine. C’est drôle parce que c’est la plus petite pièce de la colocation en plus.""Si l’un restait, l’autre aussi"
Dans le quartier du Neudorf, dans leur appartement de 50 m², Killian et David n'ont pas besoin de planning ou d'activité pour mieux se connaître. Ces deux étudiants du Centre universitaire d'enseignement du journalisme (CUEJ) forment déjà un duo gagnant. Alors à l'annonce du confinement, pas question de se séparer."On en a discuté et en fait je pense qu’on avait un peu peur, ça se trouve on était asymptomatique, donc si l’un restait l’autre aussi", déclare David. "On ne voulait pas rester seuls à Strasbourg et au moins attendre 14 jours pour être sûr de ne pas avoir de symptômes mais avec le confinement, on est resté", poursuit Killian. Confinement ou pas, les colocataires comptent bien garder leurs habitudes de vie. "Comme on se connaissait déjà bien, on a un rythme de vie qui nous convient c’est pour ça qu’on n’a pas besoin de planning. On passe déjà beaucoup de temps ensemble même hors confinement donc ça ne soulève pas beaucoup de questions sur la vie en colocation", estime Killian.
Entre les courses et la lecture
Pour David, le confinement entre colocataires n'a rien de très difficile, "être à deux ça aide. Quand on s’entend bien, ça ne pose pas de problème." Si chacun trouve de quoi s'occuper, faire les courses est devenue leur sortie hebdomadaire. "On n’a pas de planning, le seul truc qu’on respecte, c’est la bière", souris David avant de reprendre plus sérieusement : "En vrai pour les courses ça nous fait une sortie à deux. Toute façon on a besoin d’être deux pour ramener les sacs de courses. On y va peut-être une fois tous les dix jours." Outre la sortie courses, David et Killian ont leurs petits moments respectifs. L'un joue aux jeux vidéo tandis que l'autre lis la presse. Mais les activités à deux ne sont jamais très loin : "On fait du sport à deux aussi, comme de la muscu. Des pompes, des abdos, du gainage… pas tous les jours mais tous les deux jours."Être à deux ça aide. Quand on s’entend bien, ça ne pose pas de problème.
- David, étudiant en colocation.
Un mot pour résumer la colocation pendant le confinement :
"Ennui ? Non, je ne sais pas en vrai. - Le passe-temps ?, l’idée c’est ça. Des fois on fait un truc de merde mais au moins on a fait passer le temps, comme tout un après-midi. L’objectif c’est ça, passer le temps. On a hâte que ça se termine quand même.""Ce n’est pas difficile parce que c’est loin mais parce que je suis seul"
Si le confinement est propice au rapprochement pour certains, il est plus difficile à vivre pour d'autres. À l'instar d'Hugo, un étudiant à HEC Montréal, au Canada, et originaire de Colmar. "Il y a très peu de relations sociales à part les Skype. Tout cela c'est sympa mais on n’est pas en face à face pour parler. C'est difficile de se dire j’ai parlé avec du monde mais qu'en fait je n'ai personne." En colocation le reste de l'année, Hugo n'a jamais vraiment connu la solitude. Après les appels vidéo avec sa famille confinée à Colmar et ses cours à distance, dur de trouver de quoi s'occuper.
Je peux toujours décider de rentrer mais je ne suis pas sûr de pouvoir revenir.
- Hugo, étudiant à HEC Montréal
Rester ou partir
"Le plus dur c'est de trouver de quoi faire. J’ai une console de jeux mais je ne vais pas jouer toute la journée. C'est pareil pour les cours ou Netflix, alors je cherche des occupations. Je me suis fait un masque maison", poursuit l'étudiant. Et si la situation est compliquée, elle l'est aussi pour sa famille. Sa mère aimerait qu'il revienne mais le contexte ne lui serait pas favorable. "J’aimerais bien être avec eux, mais est-ce que c'est raisonnable ? Ce n’est pas difficile parce que c’est loin mais parce que je suis seul. Je peux toujours décider de rentrer mais je ne suis pas sûr de pouvoir revenir."Initialement prévue au courant du mois d'avril, la fin de ses études reste incertaine. Hugo peut quand même compter sur quelques amis rencontrés au Canada qui lui permettent de "vivre les choses plus facilement. Ils sont comme une famille, on se tient au courant, on se donne des nouvelles."
Et il va falloir en trouver des activités pour passer le temps. La fin du confinement est pour l'instant arrêtée à la date du 15 avril, à moins que le gouvernement en décide autrement...