Coronavirus : dans le quartier des Poteries à Strasbourg, le confinement a rapproché les habitants

Dimanche 10 Mai, cela fera très exactement 51 jours qu'Alain Jardon, habitant du quartier des Poteries, et DJ de profession, animera sa  "discothèque" en plein air. Chaque soir à 20h, après le rituel des applaudissements, place à la musique qui fait danser sur les balcons, et qui unit les foules.

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Alain Jardon dit que c'est "la plus grande discothèque du quartier", et il n'a sans doute pas tort. A 20h tapantes, les balcons s'animent dans ce quartier à l'ouest de Strasbourg. Ici, les immeubles ont poussé très vite au cours des trois dernières décennies. C'est un quartier tout neuf, avec des habitants de toutes conditions sociales et de toutes origines, qui vivent les uns à côté des autres... A côté, mais pas forcément ensemble. On se croise, sans plus.

Depuis quelques semaines toutefois, cela est en train de changer, grâce au confinement et au rendez-vous quotidien, chaque soir, pour une demi-heure de musique juste après les applaudissements au personnel de santé. D'ailleurs, l'hôpital de Hautepierre est visible depuis de nombreux balcons, et ce qu'il s'y passe est impossible à ignorer.

" J'ai un proche qui est intubé, en ce moment encore", explique Alain Jardon. "Alors évidemment, je suis touché, comme tout le monde. Et je me suis demandé ce que je pouvais apporter. Ma sono est là, je sais faire de la musique, j'ai décidé d'y aller".

 

A 20h, c'est un bol d'oxygène

" C'est un bol d'oxygène" raconte Marie Bilder, "d'autant que je suis confinée toute seule. Quand on est confiné, le risque c'est de se replier sur soi. Hors, c'est devenu un moment de partage et d'échange. Même si de là ou je suis, au premier étage avec de grands arbres, je ne vois pas grand chose, j'entends la musique, et ça met du baume au coeur". 

"Ca crée des liens", renchérit Sandrine Pelon, habitante de la rue d'à côté. "Au début on était un peu timides, maintenant c'est rigolo. On danse sur les terrasses, on fait connaissance avec ceux qui habitent l'immeuble d'en face". Ceux à qui on n'a jamais eu l'occasion d'adresser la parole, en 20 ans de résidence dans le quartier. C'est paradoxal que cela se produise, finalement, en plein confinement.
Un peu plus loin, il y a le couple Paco et Paquita Ramirez. Ils ont suivi avec attention la progression du coronavirus en Espagne, dans leur pays d'origine, et les voici confrontés à la même réalité en Alsace. Alors bien sur, la musique, il aiment beaucoup "mais on n'est pas seulement là pour s'amuser", précise Paco Ramirez : "on a une cause à défendre" : celle de ceux qui sont au front pour sauver des vies.

La musique permet de mobiliser, et Alain Jardon, le DJ, sait répondre aux attentes de tous, en programmant des morceaux de tous les coins du monde : l'Afrique, le Maghreb, les Balkans... Et le jour où il a joué une chanson espagnole, Paquita Ramirez est allée lui apporter une tortilla... "En guise de remerciement! C'est un moment de détente", explique Alain Braun, autre habitué.

"On voit les infos à la télé toute la journée, on a besoin de décompresser. Et puis moi, j'ai travaillé à l'hopital pendant 30 ans, j'ai des amies qui y sont encore. Je pense qu'on les envoie au casse-pipe, je sais qu'elle vont au boulot avec la boule au ventre. Il faut penser à tous ces personnels soignants" dit-il. Sa compagne, elle, apporte sa petite touche personnelle : un nouveau déguisement chaque soir, complètement improvisé. Elle aime la fête, elle aime danser, d'ailleurs on l'a surnommée la "pin up du Plazza", du nom de la résidence où elle habite.
 

Ne pas s'arrêter là

Angèle Pauly est la présidente de l'ARP, l' association des résidents des Poteries. Dans ce quartier où les structures de loisirs sont rares, où les lieux de rencontre et des socialisation comme les cafés et les restaurants ne sont pas bien nombreux, et où l'offre culturelle est quasi inexistante, difficile de faire lien.... 

Voilà pourquoi ce rendez-vous des balcons est perçu comme une opportunité à saisir. "Il ne faut pas que cela retombe", affirme Angèle Pauly. "On sent que ce qui est en train de se passer renforce le maillage. Le confinement nous fragilise, évidemment. mais ces moments de fragilité peuvent favoriser une générosité, une ouverture aux autres. Et on le ressent très clairement, avec de nombreuses belles initiatives". 

Alors, bien sûr, il faut préparer l'après : réunis en visioconférence ce mercredi matin, les membres de l'association pensent à organiser, à l'issue du confinement,  une immense chaine humaine. En respectant les distances bien sûr... mais une chaine humaine le long du parc situé au coeur du quartier, et le long des rues avoisinantes, pour applaudir encore une fois les soignants....  Et pour s'applaudir soi-même, pourquoi pas?

"Les gens ont besoin de se remercier" explique Alain Jardon. "Pour ceux qui respectent le confinement, certains dans des appartements exigus et sans balcon, ils ont besoin d'être encouragés. Et puis pendant toutes ces semaines, on s'est remis en question. On a retrouvé des valeurs humaines de fraternité et de tolérance. Si on n'est pas conscient de ce qu'on a gagné, c'est bien dommage" ajoute-t-il.

La mission de l'association des résidents des Poteries ne sera cependant pas facile : la plupart des animations de quartier prévues en juin et durant la saison estivale ont été annulées. Il faudra donc faire preuve de créativité pour maintenir les liens, et l'envie de prolonger ces instants de partage. Ce n'est pas impossible. Là encore, Alain Jardon semble avoir la recette. Il a commencé par une programmation très consensuelle, pour progressivement gagner la confiance des riverains. "Aujourd'hui, je peux passer de l'électro", dit-il "Et tout le monde danse".
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