Depuis un an, l'Eurométropole de Strasbourg démantèle des routes pour redonner de la place au vivant. Il s'agit d'une expérimentation qui devrait permettre aux scientifiques de mieux évaluer les effets de la méthode sur la biodiversité.
La ceinture verte de Strasbourg pourrait gagner en verdure ces prochaines années. C'est en tout cas l'objectif de cette expérimentation lancée par l'Eurométropole depuis 2023, intitulée "Perméasol". L'objectif est de démanteler des portions entières de routes asphaltées pour laisser la nature reprendre ses droits en zone urbaine et périurbaine. Le projet constitue de surcroît un véritable laboratoire pour les chercheurs de l'Université de Strasbourg.
"En deux ans, on a débitumé 60 000m2, donc au total six hectares, explique Marc Hoffsess, adjoint au maire de Strasbourg en charge des réserves naturelles. Le gros morceau c'était surtout ici, sur la route de la Schafhardt, où on a débitumé une chaussée de huit mètres de large pour 50 cm d'épaisseur. C'est un ancien axe routier qui faisait la liaison entre Illkirch et le port".
Concrètement, la route s'arrête net à l'endroit où le démantèlement cesse. L'idée est d'extraire les polluants de cette forêt classée zone naturelle depuis 2012. "Le goudron est une source de pollution. Si on l'enlève, on dépollue et on fait revivre la nature", estime ainsi Marc Hoffsess. Deux hectares ont été restitués à la promenade, les quatre autres sont barrées à toute circulation humaine.
Limiter l'augmentation des inondations et de la surchauffe urbaine
Selon le site de l'Eurométropole, l'étude scientifique liée à ce projet permettra de mettre en lumière "les capacités de renaturation spontanée de sols" dans différentes conditions. L'avantage de ce laboratoire à ciel ouvert est que plusieurs types de revêtements et de milieux peuvent être étudiés.
"Tout ce qui était feuilles mortes ou branchages ont été mis sur le côté avec le bitume, indique Isabelle Combroux, chercheuse et professeure d'écologie à l'Université de Strasbourg. Là, on a pu ramener cette matière organique qui va permettre de recoloniser le milieu." L'universitaire pointe successivement des plantes et des fleurs qui ont poussé à l'endroit même où se trouvait la route auparavant. "Ici on a du lierre, ici l'anémone, là c'est l'ail des ours. Globalement c'est le sol forestier qui reprend ses droits".
Selon Lisa Le Moller, doctorante à l'Université de Strasbourg, l'enjeu principal sera ici de limiter les effets des "événements météorologiques extrêmes". "Il y a par exemple un gros enjeu en milieu urbain sur l'infiltration de l'eau et les inondations. Il y a aussi le problème de la surchauffe urbaine, avec le bitume qui est un matériau qui devient très chaud en été".
Face aux effets délétères de l'artificialisation des sols sur la biodiversité, ce que l'on appelle la "reperméabilisation" ou "renaturation" pourrait s'avérer une des solutions les plus efficaces. Aucune étude ne le montre encore, mais la première pourrait donc aboutir à Strasbourg.