Eco-contribution : comment la région Grand Est voudrait taxer les camions

Une taxe poids-lourds pourrait faire son apparition dans le Grand Est à l’horizon 2027. La région s’est portée volontaire pour expérimenter un dispositif d’éco-contribution afin d’améliorer et d’entretenir le réseau routier national dont elle s’apprête à hériter. Explications.

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L’idée de taxer les poids lourds localement vient de prendre un sacré virage dans le Grand Est. La région, favorable à l’instauration d’une éco-contribution pour les poids lourds a désormais toute la latitude d’établir son calendrier.

En effet, une ordonnance gouvernementale, présentée en Conseil des ministres, le 26 juillet 2023, permet aux collectivités volontaires d’expérimenter un dispositif que la fédération nationale des transporteurs routiers du Grand Est, notamment, s’empresse de comparer à l’écotaxe poids lourds, mesure phare du Grenelle de l'Environnement de 2007. Pour rappel, les pouvoirs publics avaient renoncé à son déploiement face à la fronde et au mouvement des Bonnets rouges apparu en Bretagne.

Sauf qu’ici, "le périmètre est défini dès le départ", avance Thibaud Philipps, vice-président en charge des transports à la région. Le projet qui devrait se calquer sur ce qui se fait déjà en Allemagne ou en Belgique, soit un système de géolocalisation permettant de facturer les camions grâce à un suivi satellite, concernera "les axes les plus structurants de la région". L'A30, l’A31 la RN4 et la RN 44, ce qui représente 1 100 km de voiries.

Une taxe pour financer des investissements majeurs

Encore faut-il que ce réseau dont la gestion revient pour l'instant à l’Etat tombe dans le giron régional. En janvier dernier, en application de la loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration), le ministre des transports Clément Beaune avait offert l’opportunité aux territoires qui le souhaitent de prendre la responsabilité de routes et d’autoroutes non concédées. Trois sont en discussion, dont le Grand Est, pour qui le transfert fera l’objet d’une délibération à la rentrée.

"On gère déjà les transports ferroviaires, les transports routiers en cars et la seule compétence que nous n’avons pas encore sur la gestion des mobilités c’est la gestion de la route. C’est pour ça que nous nous sommes positionnés", explique l’élu régional.

Problème, ce patrimoine routier bat de l’aile. 52% des chaussées nécessitent un entretien de surface. 22% auraient besoin d’un entretien de structure et 12% des ouvrages d’art méritent carrément un entretien lourd. Des coûts que l’Etat ne voudrait plus assumer.

"Si on reprend une partie du réseau routier national il faut qu’en compensation nous ayons cette éco-redevance. Si on ne l’a pas, on n’arrivera pas à l’entretenir correctement. Les compensations que l’Etat doit nous donner ne suffisent déjà pas. De surcroît, l’idée c’est de faire mieux que ce qui est fait jusqu’à présent. De remettre en état le réseau et de pouvoir l’améliorer notamment sur la RN4 entre Strasbourg et Nancy où il faudrait créer 2 fois 2 voies", argumente Thibaud Phillips.

C’est la politique par la peur. Vous êtes méchants, on va vous taxer. C’est comme ça qu’on le perçoit.

Michel Chalot, président de la Fédération nationale des transports routiers

La stratégie a été défendue devant les acteurs du transport le 18 juillet dernier, avant la publication officielle de l’ordonnance.

"On taxe les poids lourds pour pouvoir entretenir les routes que l’Etat ne veut plus entretenir. C’est l’écotaxe nationale qui revient mais par les territoires. On part du principe que ce sont les camions qui bousillent tout et qu’en plus ils ne payent rien. C’est faux. Nous contribuons déjà. On a la taxe à l’essieu et la taxe sur le gasoil qui va d’ailleurs augmenter", réagit Michel Chalot, le président de la Fédération nationale des transports routiers Grand Est.

Des aides à l'étude

Quid de l’impact économique pour les entreprises locales ? Car cette nouvelle taxe, lorsqu'elle sera effective, devra aussi être payée par les transporteurs locaux. "Globalement, on sait que le transport à moins de 150km représente 80% du transport routier d’une région. C’est de la distribution. Donc c’est évidemment le transport local qui sera le plus pénalisé", prophétise ce dernier. 

Ce n’est pas le dessein de la région, rassure Thibaud Phillips. Les axes concernés seraient avant tout des axes de transit. Logiquement, ce seraient donc les transporteurs internationaux qui seraient les plus impactés par l’éco-contribution. De plus, la mise en place de "compensations économiques pour les entreprises basées dans le Grand Est" serait en réflexion.

"On peut faire de l’aide à la conversion de parc de véhicules par exemple. Le principe de l’éco-redevance veut que plus vous avez un véhicule vertueux moins vous payez de taxe. Cela veut dire que les entreprises qui auront un parc vertueux ne seront quasiment pas ponctionnées. Ce sont ceux qui polluent le plus qui payeront le plus".

À ce jour, le Grand Est est officiellement la seule région à tendre les bras au principe de taxation des camions. En suivant la voie tracée avant elle par la Collectivité Européenne d’Alsace. Par une ordonnance de mai 2021, elle avait été la première collectivité à obtenir ce droit. Sa taxe, censée éviter le report de camions de l'Allemagne vers l'Alsace porte déjà un nom : R-Pass. Elle devrait voir le jour en janvier 2025.

Vers une coordination CEA – région ?

"Aujourd’hui la région et la CEA ne se parlent pas", estime Michel Chalot, qui craint des différences de régimes d’un territoire à un autre, d’une route à l’autre. Des échanges portés sur "l'aspect technique" ont déjà eu lieu affirme pourtant le vice-président de région.

"L’idée est d’avoir une forme de cohérence. Il faut une compatibilité pour que ce soit neutre pour les transporteurs et que ce ne soit pas une usine à gaz". "No comment" du côté de la CEA. "On ne réagira pas" fait savoir son service communication ce vendredi.

La région le sait, avec l’éco-redevance, elle s’engage sur une voie glissante. Mais elle assure "se laisser du temps" pour la concertation et la discussion. Les acteurs du transport devraient être à nouveau consultés en septembre prochain. S'il doit être mis en œuvre, le dispositif pourrait voir le jour au premier semestre 2027.

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