L'application "MyCbdApp" s'apprête à entrer en Bourse à peine plus d'un an après son lancement et alors que l'entreprise ne dispose que de trois salariés. Son créateur, le Strasbourgeois Maxime Stoffelbach, a conscience de tenter un pari dans un secteur à la fois ultra-dynamique et encore source de méfiance en France.
Et si l'Alsace comptait dans ses rangs la prochaine référence française du CBD, une des substances actives de la plante du cannabis utilisée par exemple pour lutter contre le stress et l'anxiété ? Maxime Stoffelbach, un Strasbourgeois de 21 ans créateur de "MyCbdApp", une application de référencement de produits CBD, s'apprête à faire entrer sa start-up à la bourse de Paris.
Le pari est risqué pour cette entreprise née seulement en 2022 et de trois salariés. Mais les jeunes Alsaciens ont été repérés par Louis Thannberger, régulièrement cité dans la presse spécialisée comme étant l'un des pionniers de l'introduction en Bourse de PME dans les années 1980. "Je crois dur comme fer dans les premières en bourse : c'est la prime au premier entrant, estime le banquier d'affaire. Et MyCbdApp a le potentiel pour devenir le pionnier du secteur de la CBD, un marché qui est en train d'exploser."
Il fait partie des six entreprises françaises que l'homme d'affaires - notamment connu pour avoir accompagné l'introduction en bourse du club de football de l'Olympique Lyonnais - compte introduire en bourse en 2024, "six pionniers dans leur secteur" selon lui.
Des institutions encore prudentes en France vis-à-vis du produit
Tout n'est pourtant pas encore gagné pour MyCbdApp, dont le principe est d'être à la fois une "marketplace", c'est-à-dire une plateforme dédiée à la vente entre vendeurs et consommateurs, une cartographie des boutiques alentour, un blog et un outil communautaire. Il faudra d'abord faire face à la méfiance relative des institutions pour un produit dont la vente s'est généralisée en 2018 et, mais reste régulièrement sujette à des modifications réglementaires. "C'est vrai qu'il y a beaucoup de préjugés autour du CBD, notamment chez les banques. Mais on travaille à les convaincre, le Crédit Mutuel a sauté le pas pour nous. Et il faut toujours rappeler que déjà 8 millions de Français sont consommateurs alors que ce n'est autorisé que depuis cinq ans."
Bien que le CBD ne soit pas classé comme stupéfiant ou psychotrope (au contraire du THC, une autre composante du cannabis, dont la vente est illégale en France), l'Assurance-Maladie précise sur son site qu'"aucune étude scientifique ne confirme formellement ses bénéfices". Les commerçants ne peuvent d'ailleurs "revendiquer des allégations thérapeutiques", sous peine de sanctions pénales.
L'Assurance-Maladie va plus loin, en préconisant de privilégier l'achat du CBD en pharmacie, tout en précisant que la vente du CBD non médical est libre en France. "Le pharmacien et le médecin traitant sont les mieux placés pour juger de la pertinence de l'utilisation du CBD et de ses éventuels risques d'interaction selon le profil de la personne (...) Seul un professionnel de santé est par ailleurs en mesure d'identifier et de prendre en charge de façon appropriée les éventuels effets indésirables qui surviendraient après la prise de CBD." À défaut, les commerçants parlent de produits "de bien-être" pour cette substance qui peut être déclinée sous forme d'huiles, de cosmétiques, de bonbons, de fleurs ou même de produits pour animaux.
La Bourse pour se faire connaître
Cette prudence des institutions en France et en Europe sera-t-elle préjudiciable au pari de Maxime Stoffelbach ? D'un point de vue économique, le secteur apparaît parmi les plus porteurs de ces dernières années, comme le faisait remarquer Louis Thannberger. Le cabinet d'analyse Grand View Research a évalué la taille du marché mondial du CBD en 2021 à 2,8 milliards de dollars, et prévoit surtout une croissance annuelle à 20%. "Au Canada, de nombreuses entreprises du secteur sont déjà cotées en Bourse, fait savoir Maxime Stoffelbach. Et les banques françaises étaient peut-être frileuses au départ, mais certaines ont récemment fait évoluer leur politique. Le Crédit Mutuel vient d'accepter de nous accompagner par exemple", selon Maxime Stoffelbach.
Compter sur la dynamique globale du marché et sur la confiance des investisseurs privés, c'est justement le pari du Strasbourgeois en allant chercher des fonds à la Bourse. Il s'agira surtout, ces prochaines semaines, de faire parler de sa marque. "La Bourse, c'est avant tout une opération de communication", assène Louis Thannberger. Mobilisation de la presse et du carnet d'adresses, discussions avec les investisseurs : voilà le cœur de la stratégie d'IPO N1, le cabinet de conseil de Louis Thannberger, pour accompagner MyCbdApp. Les médias sont par exemple régulièrement invités à des conférences de presse sur "la préparation de l'introduction en Bourse" de MyCbdApp. Les articles rédigés à leur suite nourrissent ensuite l'événement autour de l'entreprise.
La Bourse, c'est un graal dans le monde de l'entreprise, ça fait rêver
Maxime Stoffelbach, créateur de MyCbdapp
Concrètement, l'application attire déjà l'attention d'un certain nombre de professionnels du secteur avec 350 demandes de référencement, pour 70 marques acceptées à ce jour. "On a senti l'engouement quand on est allés présenter notre projet à un salon spécialisé : pendant deux jours, les professionnels du secteur nous ont assaillis, on ne s'attendait pas à ça. Ensuite, le bouche-à-oreille a fait le reste." À ce jour, 200 commandes ont été réalisées via MyCbdapp : un total "tout à fait honorable" par rapport aux projections de départ.
Mais ces débuts pourraient être anecdotiques au regard de la croissance prévue de la société une fois l'entrée en bourse réalisée. MyCbdapp table ainsi sur un chiffre d’affaires à 10 millions d'euros d'ici à 2029. Au-delà de la levée de fonds de 2 millions, la suite pourrait s'avérer glorieuse si MyCbdapp devait effectivement occuper la place de leader du marché. "Tout entrepreneur voit la Bourse comme une sorte de Graal. J'ai conscience que ça peut aussi ne pas marcher, j'ai un plan B, et même C et D. Mais je me concentre pour l'instant sur le plan A. On est déjà soutenus par des acteurs majeurs du secteur comme Bpi France. Je pense qu'on est sur la bonne voie", veut croire Maxime Stoffelbach.
Louis Thannberger n'élude pas non plus le risque intrinsèque à ce mode de financement spéculatif qu'est la Bourse. "Il faudra ensuite que le patron ne déçoive pas les investisseurs, car la Bourse est un juge de paix absolu : soit on fait les choses bien, on maîtrise et on rassure, et c'est le meilleur accélérateur qui soit. Soit c'est l'inverse et alors, on est durement sanctionné. Mais Maxime est un garçon talentueux, énergique et intelligent. Le secteur est dans l'air du temps. J'y crois." Si tout se passe comme prévu, l'entrée en bourse de "MyCbdApp" devrait se faire en mars 2024.