C'est un chantier hors norme auquel s'est attaqué le groupe Diabolo Poivre, à la tête déjà de huit établissements de restauration : faire d'une partie de l'ancien hôtel des postes, dans le quartier classé au patrimoine mondial de l'Unesco de la Neustadt, pour en faire une brasserie. Ouverture prévue début 2023.
Son immense façade fait partie du décor strasbourgeois depuis toujours. Depuis 1899 pour être précis, date à laquelle le gouvernement allemand, alors en terre conquise en Alsace, faisait construire ce bâtiment dans le plus pur style néogothique de l'époque. Il fait partie de ces grands ensembles qui donne son cachet au quartier de la Neustadt, classé au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 2017, et devenu un incontournable des circuits touristiques.
Depuis que la Poste a déménagé son centre de tri et que le groupe Bouygues Immobilier s'est emparé de ces prestigieux locaux, sa reconversion va grand train : logements, bureaux, maison de retraite, les 20.000 m2 font l'objet de nombreux projets et de chantiers qui se multiplient.
Jérôme Fricker et ses associés du groupe Diabolo Poivre ne pouvaient pas passer à côté. Eux qui ont déjà transformé la Strassburger Bank, autre bâtiment emblématique du centre-ville strasbourgeois en restaurant aux allures de pub anglais chic, ont décidé de s'attaquer à ce nouveau projet : faire d'une partie du premier étage de l'hôtel des postes, sur environ 1.000 m2, une immense brasserie.
4 millions d'euros pour un chantier colossal
Premier défi : convaincre Bouygues de leur céder ce lot. "Enormément de groupes étaient évidemment sur le coup, se souvient Jérôme Fricker. Le tout Strasbourg. Notre projet, ce que nous avons déjà été capable de faire par le passé, les a vite convaincus. Mais il fallait aussi financer. Nous étions en plein Covid, tous nos restaurants étaient fermés et nous sortions du chantier du Drunky Social Club. Il a fallu se montrer très convaincants..."
La solidité du groupe Diabolo Poivre, qui compte déjà huit établissements entre Strasbourg et Lyon, a permis de remporter l'appel d'offres. Et de se lancer dans le second défi, technique celui-là : transformer un bâtiment dédié au tri postal en établissement de restauration.
Loin d'être une mince affaire car dans cette partie de l'édifice, il n'y pas de sous-sol. "Nous avons donc dû creuser pour enfouir toutes les gaines techniques, électriques, d'assainissement, qui sont évidemment très nombreuses, explique celui qui suit la maîtrise d'oeuvre, Julien Schmutz. Et pour ce type d'établissement, dans la restauration, les normes sont très serrées..." Travail énorme pour tout ce qui est extraction de fumées, également, ventilation, chauffage, accessibilité... dans un bâtiment aux dimensions inhabituelles, avec des plafonds s'élevant à 5 mètres de haut, et jusqu'à 6,50 mètres sous les verrières.
L'univers postal en filigrane dans le décor
En ce début d'été, le plus gros de ce travail de "pré-chantier", titanesque, est terminé. Et c'est l'aménagement qui pourra démarrer. L'habituel designer du groupe, réputé pour soigner ses intérieurs, décors et cartes en adéquation avec des thématiques finement amenées, a l'esprit en ébullition. "Tout le monde nous attend, dans ce lieu étroitement lié à l'univers postal, explique Pascal Drach. Mais nous avons décidé d'être très subtil sur ce thème. Nous serons dans des petits clins d'oeil, des allusions poétiques... Le nom de l'établissement sera en lien aussi, nous sommes entrain de le peaufiner."
Concernant l'aspect patrimonial du lieu et sa conservation, le designer explique qu'il doit composer avec "très peu d'éléments rappelant ses origines. Le bâtiment a souffert pendant la Deuxième Guerre mondiale, il a été en partie reconstruit et pas forcément de façon très fine. Nous garderons tout ce qui est possible : les arches en grès, certaines voûtes, quelques colonnes en fonte, qui ont pu être conservées."
De cet intérieur qui se dévoilera au premier trimestre 2023, à l'ouverture prévue du restaurant, voulu "élégant et moderne, contemporain", il est déjà prévu qu'il s'organisera autour d'un immense bar, de 13 mètres sur 5, autour duquel il sera possible de s'attabler. Des banquettes seront également disposées autour de cet espace, orienté vers une cuisine ouverte, derrière des verrières et en mezzanine. Un espace est également prévu pour pouvoir accueillir des séminaires.
Pas de terrasse en revanche, même si l'édifice est organisé autour d'une immense cour intérieure, en raison de la proximité de logements.
Dans l'assiette : pâtisserie et fruits de mer
Au total, la brasserie comptera 210 couverts. "Nous aurions pu en caser bien plus, estime Jérôme Fricker. Mais nous préférons laisser de l'espace, ne pas empiler les gens. La clientèle sera moyenne à haut-de-gamme, dans un quartier à la fois tourné vers les touristes, vers les commerçants d'un centre-ville qui s'élargit, et les résidents plutôt bourgeois du secteur. Mais nous avons l'habitude de rester raisonnables en prix!"
Et dans l'assiette, en plus de la "cuisine brasserie", l'accent sera mis sur deux axes : la pâtisserie, "que nous n'avons encore pas complètement mise en avant dans nos différents établissements et qui peut aussi attirer une clientèle d'après-midi", et les fruits de mer, "une envie de longue date".
8 à 10 mois de travaux sont planifiés pour mener à terme ce projet de très grande envergure, pour un budget estimé à 4 millions d'euros.