La cathédrale de Strasbourg, une fois encore, fait l'objet d'un gros chantier. Cette fois, l'objectif est de sauver une partie peu visible, mais précieuse : la coupole de briques du 12e siècle qui surmonte le chœur.
Vue de l'extérieur, on connaît bien la tour Klotz, néo-romane, qui surmonte le chœur et la croisée du transept de la cathédrale de Strasbourg. Cet édifice octogonal créé en 1878 par l'architecte Gustave Klotz remplace la tour gothique disparue deux décennies auparavant, dans un incendie.
Plus discrète, et donc moins connue, est la coupole romane en briques de la fin du 12e siècle, qui se trouve à l'intérieur : "une des parties peu visibles de la cathédrale, mais très précieuse", la définit Alexandre Cojannot, conservateur régional adjoint des monuments historiques de la DRAC Grand Est, à Strasbourg.
Avant le début des travaux, on apercevait cette coupole depuis l'intérieur de la cathédrale, en levant les yeux de l'autel. Mais actuellement, et pour de longs mois, un échafaudage la dissimule aux regards. Car, mal protégée des intempéries, elle a beaucoup souffert, et doit faire l'objet de soins attentifs indispensables à sa préservation.
Une coupole qui a traversé les siècles
Ce discret dôme de briques a été construit entre les années 1180 et 1200, "au début de la reconstruction médiévale de la cathédrale" précise Alexandre Cojannot. Il a survécu à "trois incendies qui ont ravagé les combles de la cathédrale" ainsi qu'à la chute d'une bombe américaine en 1944.
Pourtant, cette coupole est restée "très largement authentique", avec "au moins 80%" d'éléments d'origine. Raison pour laquelle il est si important aujourd'hui de la restaurer, et de la préserver pour l'avenir. Car elle a subi de profondes dégradations, dues aux intempéries auxquelles elle est particulièrement exposée depuis l'édification de la tour Klotz, qui ne lui offre pas la protection nécessaire.
Un échafaudage en lévitation
La première difficulté du chantier a été d'accéder à la coupole. L'atteindre par-dessus, sur sa partie convexe, était aisé : un accès existe depuis la toiture, sous la charpente de la tour Klotz.
Mais pour pouvoir la rejoindre par-dessous, à 37 mètres au-dessus du sol, il a fallu commencer par monter un échafaudage suspendu, véritable prouesse technique.
"On est entrés par les fenêtres" raconte Alexandre Cojannot. "Et de là, des échafaudeurs encordés ont monté un échafaudage qui ne s'élève pas à partir du sol, mais descend depuis le haut." La structure, impressionnante vue du dessous, est suspendue aux huit fenêtres de la coupole.
"On a construit des balcons accrochés à l'encadrement des fenêtres" précise le conservateur régional. "Ces balcons ont été peu à peu agrandis" jusqu'à fusionner pour créer une grande plateforme sur laquelle les spécialistes chargés d'ausculter la coupole peuvent se déplacer.
Cette "première phase critique du chantier" a duré près de six mois. L'intérêt d'un tel échafaudage hors sol est de ne pas gêner les célébrations liturgiques, mais également de ménager les voûtes de la crypte de la cathédrale qui auraient eu du mal à supporter un tel poids.
Des travaux préalables
La première étape des travaux a consisté à enlever la chape de 40 tonnes de ciment qui, depuis la fin du 19e siècle, recouvrait le dessus de la coupole. Cette couche censée la protéger de la pluie avait mal joué son rôle. Et de plus, à cause d'elle, la maçonnerie médiévale a subi une contamination salines.
La seconde étape se déroule actuellement sur la face interne de la coupole. Après un dépoussiérage, des spécialistes procèdent à des tests de dessalement. En certains endroits, un enduit spécifique nommé "compresse" ou "cataplasme" est appliqué sur les murs de briques, puis retiré et analysé, afin d'y quantifier les concentrations en sel.
"D'autre part, on fait des perçages pour voir ce qu'il en est du support, si effectivement, on a réussi à vraiment pomper le sel et à l'emprisonner dans ces compresses" explique Stéphane Laugel, gérant de laboratoire en train de procéder à d'autres prélèvements à l'aide d'une perceuse. Les échantillons recueillis sont ensuite analysés "avec des machines spécifiques, afin de doser le sel dans chaque pot correspondant à différentes profondeurs de prélèvements."
Les vrais travaux débuteront fin janvier
Dès la fin de ce mois de janvier, à l'issue des analyses préalables, les vrais travaux devraient pouvoir commencer. Des compresses seront appliquées "sur toute la surface intérieure de la voûte" pour assainir les murs.
Puis, en lieu et place du ciment, la coupole sera surmontée sur sa partie convexe d'une charpente "qui portera une petite couverture de plomb" destinée à la protéger définitivement des intempéries. Et sa partie concave sera recouverte d'un enduit.
L'aspect général de la tour Klotz bénéficiera également de ce chantier. Devenus inutiles, les panneaux de bois noir qui occultent ses ouvertures seront retirés, afin de lui rendre sa transparence et sa luminosité.
Un chantier prévu de longue date
Ce chantier était prévu depuis des années. Les premiers sondages et études avaient été menés il y a une vingtaine d'années par la précédente architecte en chef des Monuments historiques, Christiane Schmucklé-Mollard.
Et l'actuel architecte en chef, Pierre Yves Caillault, qui pilote aujourd'hui le chantier, avait fait le diagnostic voici déjà plusieurs années. "C'est une affaire de longue haleine" résume Alexandre Cojannot.
Les travaux, commandés et entièrement financés par la DRAC Grand Est, devraient durer deux ans, et s'élever à 1,7 millions d'euros.