L'Eurométropole a voté vendredi 27 septembre l'interdiction des véhicules diesel à partir de 2030. Quelques jours plus tôt, le conseil municipal de Strasbourg avait décidé d'interdire ces véhicules dès 2025. Une discordance entre les calendriers qui fait grincer des dents.
L'assemblée plénière du conseil de l'Eurométropole a adopté vendredi 27 septembre un calendrier visant à interdire progressivement les véhicules diesel. Une zone à faibles émissions (ZFE) sera instaurée à partir du 1er janvier 2021. Comme pour la ville de Strasbourg, les véhicules sans vignette Crit'Air ne pourront dès lors plus circuler, les Crit'Air 5 eux ne seront plus autorisés à partir du 1er janvier 2022. L'Eurométropole sera entièrement libérée du diesel en 2030, soit cinq ans après la ville de Strasbourg.
"C'est à l'horizon 2030 que nous estimons que le maillage du territoire en transports en commun, transports partagés à la demande ainsi que les infrastructures propres aux mobilités actives satisferont à la nécessité d'alternative crédible à la voiture", a déclaré Robert Herrmann, le président (PS) de l'Eurométropole, devant le conseil.
Les élus ont largement voté en faveur de cette mesure (69 voix pour, 4 contre et 12 abstentions), mais immédiatement, le calendrier a fait débat. Certains reprochent à Strasbourg d'avoir joué cavalier seul : "Strasbourg s'est certainement précipité, avance carrément Pierre Schwartz, le maire (DVD) de Vendenheim. Nous sommes 33 communes et une intercommunalité, il m'aurait semblé logique qu'il y ait une concertation. Ce genre de décision qui impacte tout le monde mérite une concertation". La capitale alsacienne est-elle alors allée trop vite ? "Ce n'est pas à moi d'en juger", esquive Robert Herrmann.
Les interdictions dépendront d'arrêtés municipaux
N'empêche que l'on peut d'ores et déjà s'attendre à une situation complexe, avec des automobilistes piégés aux portes de Strasbourg. Et le flou est d'autant plus grand que les maires de chaque commune devront prendre des arrêtés municipaux pour imposer les interdictions de circuler. "Si une commune met en oeuvre cet arrêté mais pas la voisine, je vous laisse imaginer le chaos que ça peut être", fustige encore Pierre Schwartz.Chaos, le mot revient souvent, même dans la bouche d'Yves Bur. Mais le maire de Lingolsheim et vice-président (LR) de l'Eurométropole de Strasbourg veut croire que les choses évolueront dans le bon sens : "Tôt ou tard, il faudra que l'ensemble des élus se remette autour d'une table lors du prochain mandat pour arriver à converger et faire en sorte que l'interdiction du diesel et des vignettes Crit'Air 2 se mette en place, à un horizon à déterminer ensemble. Je fais confiance aux élus des 33 communes, y compris Strasbourg, pour aboutir à un accord qui permette d'arriver au résultat que l'on souhaite".
Pour lui, c'est surtout l'échéance des élections municipales qui incite certains à adopter une position plutôt que l'autre. Danièle Dambach, maire (EELV) de Schiltigheim, appelle elle-aussi à la cohérence, mais contrairement à beaucoup de ses collègues, elle souhaite suivre le calendrier strasbourgeois : "Il faut qu'on aille sur le même tempo. Il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures. Il y a urgence : l'urgence climatique, l'urgence d'améliorer la qualité de l'air, l'urgence sanitaire. Alors allons-y, maintenant, tout de suite. Pas en 2030, mais en 2025. Prenons le même tempo que Strasbourg".
Accompagner les citoyens, un chantier qui divise
Reste à savoir comment accompagner les citoyens dans ces changements. Là encore, les débats sont vifs. Certains réclament un accompagnement financier. Pia Imbs, maire d'Holtzheim, demande l'instauration d'une "aide financière en remplacement des véhicules interdits, modulée selon la situation financière du foyer". Elle précise que le Grand Paris, lui-aussi investi dans ce principe de ZFE, propose une aide de 6.000 euros pour changer de véhicule.Mais pour Roland Ries, le maire (PS) de Strasbourg, un accompagnement financier est "en contradiction avec ce que nous voulons faire". Comme d'autres, il veut concentrer les efforts sur le développement des transports en commun pour réduire le nombre de voitures en circulation, peu importe leur type.
"L'ensemble des systèmes de déplacement vont devoir être revus. Il faudra des moyens supplémentaires pour créer une véritable alternative à la voiture, sinon on va simplement changer de voiture et on n'aura rien changé sur le fond", estime Yves Bur, pour qui il faut instaurer "un plan prioritaire de développement des transports collectifs dans les communes de première et deuxième couronnes. C'est cela fondamentalement que réclament les maires pour que cette évolution qui aboutira à l'interdiction du diesel réussisse".
La France s'expose à de lourdes sanctions financières
L'Eurométropole propose d'engager une consultation publique sur le sujet. Son président, Robert Herrmann, entend se baser sur la généralisation du transport à la demande à toutes les communes, sur le développement du covoiturage et de l'autopartage ou encore sur l'évolution de l'offre de vélo à assistance électrique et du pass mobilité pour accompagner les citoyens.Pour rappel, en mai 2018, la Commission européenne a décidé de renvoyer la France devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour non-respect des normes de qualité de l’air. La France, qui s'expose à une sanction d'au moins 11 millions d'euros et des astreintes journalières d'au moins 240 000 euros jusqu'à ce que les normes de qualité de l'air soient respectées, se doit donc d'agir et la mise en place de zones à faibles émissions (ZFE) va dans ce sens.
"La ZFE, c'est une nécessité pour échapper aux amendes au niveau européen, ce n'est pas juste pour le plaisir, c'est aussi parce qu'il y a un vrai problème de qualité de l'air sur le territoire métropolitain et au-delà, et qu'il faut que nous prenions impérativement des mesures qui nous permettent de réparer cela et de faire redescendre la situation en-dessous des normes européennes et de s'approcher des normes mondiales", conclut Robert Herrmann.