L'association L214 a déposé un recours en responsabilité contre l'État français pour violation du droit de l'Union européenne en matière de gavage des canards et des oies. L'audience se tenait ce jeudi 16 mai au tribunal administratif de Strasbourg.
Peut-on concilier patrimoine culinaire français et bien-être animal ? C'est en somme la question à laquelle a dû répondre le rapporteur public devant le tribunal administratif de Strasbourg ce jeudi 16 mai.
L'affaire remonte à novembre 2020, lorsque l'association de défense des animaux, L214, dépose un recours en responsabilité contre l'Etat. Elle lui reproche cinq violations du droit de l'Union européenne en matière de gavage des canards et des oies pour la production de foie gras.
L'appellation "foie gras" conditionnée au gavage de l'animal
Un des points particulièrement dénoncés par l'association est un article du Code rural et de la pêche maritime selon lequel on pourrait utiliser l'appellation "foie gras" que si l'animal a été engraissé par gavage.
Selon elle, cette disposition va à l'encontre la directive européenne de 1998 sur la protection des animaux d'élevage qui énonce qu'"aucun animal n'est alimenté ou abreuvé de telle sorte qu'il en résulte des souffrances ou des dommages inutiles".
Il y a de la complaisance de la part de l'Etat à la souffrance animale
Hélène Thouy, avocate de l'association L214
À cause de cette loi, l'avocate dénonce également une violation de la libre circulation des marchandises : "La France, en ayant adopté une définition du foie gras qui oblige les producteurs à gaver les animaux pour revendiquer l'appellation, ferme tout alternative aux gavages alors qu'il y a plusieurs sociétés qui ont développé d'autres méthodes."
Le rapporteur rejette la requête
Mais pour le rapporteur public, qui rendait ses conclusions, la requête doit être rejetée. Il estime que les états ne sont "pas tenus de transcrire directement en droit interne l'intégralité des dispositions" d'une directive, à condition de ne "pas en dénaturer la substance".
Le rapporteur estime également qu'il n'y a pas de consensus sur la question de la souffrance animale. Mais même si l'on peut considérer que la pratique du gavage crée de la souffrance chez les animaux, "il n'est pas démontré que le gavage serait une souffrance inutile", explique-t-il, d'autant plus que le foie gras fait "partie du patrimoine culturel et gastronomique protégé en France" selon le Code rural.
"On a de l'espoir, car pour nous, il est évident que le droit de l'UE est méconnu et il est évident que le gavage entraîne des souffrances atroces pour les animaux", avance l'avocate qui rappelle qu'il y a 20 fois plus de décès chez les animaux gavés.
Du côté de la défense, la représentante du ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire n'a pas pris la parole, s'en tenant à ses conclusions écrites adressées au tribunal. Le tribunal rendra sa décision le 6 juin.