Pesticides : "il ne suffit pas pour faire baisser la fièvre de changer de thermomètre"

Le plan Ecophyto 2030 vise à réduire l'usage des pesticides de 50 %. L'annonce d'un nouvel indicateur européen fait craindre au député Dominique Potier une manœuvre afin de minimiser les quantités et l'impact des pesticides sur la santé et la biodiversité.

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Le plan Ecophyto 2030 lancé en 2008 vise à réduire l'usage des pesticides de 50 %. Le rapport d'une commission d'enquête de l'Assemblée nationale a mis en évidence le risque important de pollution des ressources en eau potable sur au moins un tiers du territoire national.

Malgré l'urgence, cet objectif aura peu de chance d'être atteint. Confronté au début de l'année 2024 aux manifestations d'agriculteurs dénonçant l'inflation des normes environnementales, le gouvernement a décidé de revoir sa copie. 

Si l'objectif est toujours une réduction de moitié de l'usage des pesticides, un nouvel indicateur européen dit "de Risque Harmonisé 1" (HRI1) remplace l'ancien appelé " Nodu". Les associations environnementales accusent le gouvernement de "casser le thermomètre" pour afficher des baisses d'utilisations des pesticides trompeuses.

Dominique Potier était membre de la Commission d'enquête parlementaire sur l'usage des pesticides. Le rapport remis en décembre 2023 concluait à la responsabilité des industries de la pétrochimie et de l'agroalimentaire dans l'échec du plan de réduction des produits phytosanitaires.

Le député (PS) de Meurthe-et-Moselle est l'invité du JT vendredi 10 mai 2024. Il répond aux questions d'Anne-Sophie Pierson.

Dominique Potier, est-ce que ce nouvel indicateur est le bon ou pas du tout ?

Il n'y a pas de bon indicateur dans l'absolu. Ce qu'il faut mesurer, c'est la quantité de pesticides qu'on emploie dans l'agriculture. L’indicateur doit être celui de la quantité mais également celui de la toxicité. On sait qu'aujourd'hui les produits les plus toxiques ont été retirés grâce au travail de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Nous proposons de consolider cette agence mais il faut également mesurer la toxicité. L'indicateur européen est une bonne idée, nous l'avions promue dans notre rapport d'information sur le HRI 1, mais il est loin d'être parfait. Il y a un petit effet "ardoise magique" dans la politique du gouvernement, le risque, c'est que l'on change d'indicateur pour faire baisser la fièvre.

Ce que je note, c'est l'absence incroyable du ministre de la Santé et le quasi-silence du ministre de l'Écologie.

Dominique Potier, député (PS) de Meurthe-et-Moselle

Pourquoi est-ce si difficile de concilier santé et agriculture ?

Nous en sommes déjà au quatrième plan et la question, c'est : est-ce qu'en 2030 on ne va pas faire un nouveau plan 2040 ? Va-t-on enfin réussir à atteindre cet objectif de réduction des pesticides ? Moi, ce que je note, c'est l'absence incroyable du ministre de la Santé et le quasi-silence du ministre de l'Écologie. On ne fera pas d'agriculture contre l'écologie et contre la santé. Nous ne réussirons que tous ensemble et c'est bien le défi de cette maîtrise des intrants aujourd'hui. Tous les paysans sont sur le pont en ce moment et je veux leur dire que le gouvernement ne les accompagne pas.

Les agriculteurs veulent être accompagnés mais qu'est-ce qui fait qu'on a des échecs et qu'on n'y arrive pas ?

Parce qu’on oppose : produire et environnement. Je pense qu’on peut produire autrement et que pour produire autrement, il faut de la recherche et informer des résultats et des solutions jusque dans les fermes. Or, aujourd'hui, on manque de conseillers agronomiques sur les questions d'émissions de carbone, de phytosanitaire et sur les questions de biodiversité. On a une industrie agroalimentaire et des consommateurs qui jouent trop peu le jeu d'une agriculture respectueuse de l'environnement. Je veux le dire avec force parce que le monde paysan est prêt à s'investir à condition qu'il y ait un véritable contrat public et commercial.

Philippe Clément, le président de la FDSEA des Vosges, accueille le nouvel indicateur européen avec satisfaction : "nous allons pouvoir nous comparer aux autres pays d'Europe. Il faut aussi acter un principe : pas d'interdiction sans solution car la question est de savoir si tout ce qu'on ne produira pas chez nous, est-ce qu'on va continuer à aller le chercher à l'autre bout du monde dans des conditions de cultures et d'élevages déplorables ? Donc, nous allons être attentifs à ce qu'on ne fasse pas n'importe quoi et que l'indicateur utilisé soit le bon".

Une tribune réunissant quatre cents chercheurs, deux cents soignants ainsi que des associations environnementales a été publiée lundi 6 mai 2024 dans le journal Le Monde. Ils accusent le gouvernement avec ce nouvel indicateur de vouloir minimiser l'imprégnation de l'environnement par les pesticides alors que cette pollution restera majeure et dommageable pour la santé de la population et la biodiversité. Dominique Potier participera, ce vendredi 10 mai, à une conférence-débat à Liverdun, sur le sujet des pesticides et du plan Ecophyto.

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