Pour les musulmans, la période du ramadan est synonyme de partage et d’entraide. Depuis mardi 13 avril et malgré le confinement, un Strasbourgeois a mobilisé familles et associations pour venir en aide à des étudiants. Il lance un appel pour une plus vaste participation.
Fayçal Marzouk, plus connu sous le pseudo de Fayz Marz sur les réseaux sociaux, en a eu l’idée quelques semaines avant le ramadan : demander à des familles de confectionner des repas à partager ou à livrer chaque jour pour la rupture du jeûne, durant toute la période de ramadan. Il en a parlé au consul du Maroc qui a relayé son appel auprès des associations inscrites au registre de son consulat. Elles sont présentes un peu partout dans le Grand Est, à Strasbourg, Colmar, Mulhouse, Nancy ou Longwy, et toutes ont sensibilisé leurs bénévoles.
« Au départ, je tablais sur 35 étudiants à aider, des Marocain loins de leurs familles. Et puis on m’a fait remarquer qu’il y avait un côté communautaire et ça m’a dérangé. On veut aider tous les étudiants qui en ont besoin » explique ce Strasbourgeois de 37 ans.
Fayçal Marzouk a donc élargi sa communication, et le succès fut immédiat. 200 étudiants sont aujourd’hui bénéficiaires du dispositif : marocains, mais aussi maliens, sénégalais, syriens, tchèques, ukrainiens, et même allemands. Tous, loin de leur pays et de leurs familles. Musulmans ou pas.
Lutter contre l’isolement
"Évidemment, il y a les problèmes financiers, mais il y a surtout la solitude, l’isolement social" observe Fayçal Mazrouk. "On ne s’imagine pas ce que ça représente sur le plan psychologique et émotionnel."
Du coup, le dispositif vise non seulement à offrir un repas, mais aussi à mettre en relation des personnes qui ne seraient jamais croisées, et qui auraient pourtant bien plus qu'un simple repas à partager. Cela s’appelle créer des liens, qui peuvent eventuellement déboucher sur des opportunités de travail, de stage…. Bref, un début de reseau…
Une rupture du jeûne comme en famille
Avec le confinement et un couvre-feu à partir de 19h, il a fallu se plier aux contraintes. Pas question de se mettre hors la loi ou d’être pointé du doigt martèle Fayçal Marzouk. Dans certains cas, les étudiants sont accueillis en famille avant 19h et restent dormir sur place. Sinon, les repas sont mis à disposition, confiés à des livreurs bénévoles.
Salma Chahdi, 21 ans, étudiante en troisième année des arts visuels à l’université de Strasbourg et originaire du Maroc, a eu la chance de dîner chez une famille, les parents et trois enfants. Avec eux, ainsi qu'un autre étudiant en Master 2 à l’école de Management, ils ont partagé le repas de mercredi.
Elle détaille le menu : une savoureuse harira, soupe traditionnelle, puis un délicieux zaalouk, caviar d’aubergine accompagné d’un poisson, et pour finir un cheesecake. « On a même fait la prière avec la famille » raconte l'étudiante dont les parents vivent à Fès. Elle s’est presque sentie comme à la maison. Car plus que les difficultés financières, elle confirme que pour elle, le plus éprouvant, c’est l’éloignement des siens. « C’est compliqué, surtout en cette période, c’est très triste » dit-elle.
Demain, elle sera peut-être invitée dans une autre famille, mais cela dépend des disponibilités. Car il faudrait plus de familles volontaires.
Un appel aux familles volontaires
Un étudiant, une famille. L’idée est toute simple, affirme Fayçal Marzouk. Mais il faudrait plus de familles participantes. Pour l’instant, elles ne sont qu’une quarantaine. « Chez soi, c’est un sanctuaire, on ne veut pas inviter n’importe qui » reconnaît il. Pourtant, il incite ceux qui le peuvent à se mobiliser. « Car on peut avoir de bonnes idées, si les gens ne l’appliquent pas, il ne se passe rien » résume-t-il. Son idée à lui ne coûte rien, ou pas grand-chose. Simplement, prévoir quelques couverts supplémentaires.
C’est exactement ce qu’a fait la famille Benihda. Le fils travaille dans les transports, mais les parents sont retraités, et ils ne voient aucun inconvénient à passer du temps en cuisine.
Mercredi soir, ils ont donc reçu deux étudiants en compatibilité fraîchement arrivés à Strasbourg. Le courant est très vite passé « J’étais même surpris » admet M. Behnida. « j’avais peur qu’ils soient mal à l’aise ». Finalement, la soirée s’est tellement bien déroulée que les deux étudiants reviendront chaque soir de la semaine, avant de céder la place à d’autres la semaine suivante.
Avec le coeur
Quand il y en a pour deux, il y en a pour plus, dit-on. Il n’empêche, cela représente un effort supplémentaire, que les familles volontaires sont prêtes à faire. « Je pars du principe que ça pourrait être moi » dit M. Behnida. Fayçal Marzouk ne va sûrement pas le contredire. Lui aussi jongle entre ses activités bénévoles et son emploi d’ambulancier, mais il jure que la récompense émotionnelle vaut toutes les richesses du monde.