Partout en France, les personnels des hôpitaux sont appelés à la grève ce mardi 20 juin. À Strasbourg, un rassemblement est prévu devant le service des urgences du Nouvel hôpital civil, en intersyndicale. Pierre Wach, permanent syndical CGT aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS), y décrit une situation catastrophique.
Dans toute la France, les personnels des hôpitaux sont appelés à la grève ce mardi 20 juin par quatre des cinq principaux syndicats hospitaliers (CGT, FO, Sud et l’Unsa) afin de dénoncer leurs conditions de travail. Les hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) ne font pas exception. Pierre Wach, permanent syndical CGT aux HUS, y décrit une "situation intenable" et lance un "cri d'alarme".
La problématique n'est pas nouvelle. Les hôpitaux publics français souffrent d'un manque de moyens chronique. Une situation mise en exergue par la Covid et qui ne s'est visiblement pas arrangée. Bien au contraire, Pierre Wach décrit un "hôpital désormais à l'os" qui ne "passera pas l'été en l'état."
Un hôpital "à l'os"
La Cgt dénonce ainsi "le manque de considération du gouvernement concernant les réalités de terrain et le vécu des personnels de santé." Les applaudissements sur les balcons, en plein confinement, sont bien loin. "Mes collègues sortent d'une période difficile où ils ont su montrer leurs compétences et leur engagement. Qu'en reste-t-il ? Rien."
Mes collègues sortent d'une période difficile où ils ont su montrer leurs compétences et leur engagement. Qu'en reste-t-il ? Rien
Pierre Wach
La revalorisation des salaires de 1.5% ne comble pas un déficit creusé par l'inflation et l'absence de politique volontariste en matière de salaires. "Le pouvoir d'achat dans la fonction hospitalière a baissé de 16% depuis 2010. Nous ne voulons pas l'aumône, nous voulons des salaires à la hauteur de notre travail."
Salaires bas et conditions de travail dégradées." Aux urgences du NHC, Nouvel Hôpital Civil, nous avons un taux d'occupation de 150% au quotidien. Ce qui était exceptionnel devient notre lot quotidien. Résultat ? Les soignants et tout le personnel qui font vivre les urgences sont éreintés."
Aux urgences du NHC, nous avons un taux d'occupation de 150% au quotidien. Ce qui était exceptionnel devient quotidien.
Pierre Wach
Difficile d'avoir une vision précise de ce mal-être. " Le Duer, document unique d'évaluation des risques, pourtant obligatoire dans chaque entreprise, n'a pas été mis à jour depuis 2014. Il est en cours d'élaboration, nous dit-on. C'est dire le peu d'importance qui est accordée à la santé des personnels ou aux risques psychosociaux ..."
Ainsi, Pierre Wach décrit ce qu'il sait, ce qu'il voit. "Cet été encore, les personnels soignants des HUS travaillant dans les soins critiques ne pourront pas prendre leurs trois semaines de congés annuels. Ils devront se contenter de deux. Là encore, c'est devenu la norme. Les derniers motivés vont se barrer."
Tout comme un fonctionnement dégradé des hôpitaux strasbourgeois. "Faute de moyens, tous les jours, ce sont 300 lits qui sont fermés, soit 12% des 2400 lits mis à disposition. Concrètement, en baissant nos capacités d'accueil, on baisse notre capacité à prendre en charge les gens, à faire notre métier. On délite le service public. Je vous le dis, on va pas passer l'été.."
Faute de moyens, tous les jours, ce sont 300 lits qui sont fermés, soit 12% des 2400 lits mis à disposition.
Pierre Wach
Une situation plus que tendue et qui ne risque pas de s'arranger. " Nous n’arrivons déjà plus à assurer une offre de soins digne et humaine aux usagers, les temps d'attente ont explosé. Mais, si ça continue, s'il faut encore et toujours faire des économies, cinq millions en 2025, là, c'est la mort pure et simple de nos établissements publics. Nous allons clôturer cette année le budget avec 30 millions de déficits dont 15 que nous doit l'État dans le cadre du Ségur."
Une prise en charge digne et humaine
La dernière annonce du gouvernement, la mise en œuvre du Sas (service d’accès aux soins), ne rassure pas Pierre Wach. "L'idée d’une régulation médicale téléphonique via une plateforme digitale unique n'est pas mauvaise, mais là encore faute de moyens, ce sera contre-productif. Pour le 15, comptez déjà entre 4 et 8 minutes d'attente au téléphone, là, forcément ça va emboliser le système. Cet été, les gens vont appeler le 15 comme si le SAS avait déjà été mis en place, ça va être la catastrophe."
Pierre Wach de conclure : "Est-ce une volonté de tuer l'hôpital public au profit des établissements privés? On est en droit de se poser la question. Il faut nous le dire franchement en tout cas."
Ainsi, les revendications de cette journée sont évidentes. "Pouvoir prendre en charge les patients de manière digne et humaine. Le droit pour les personnels des hôpitaux d’avoir des congés, une vie personnelle. La prise en compte sans délai par l’ARS (Agence régionale de santé) de la situation des urgences et du centre d’appels 15. L'effacement de la dette des HUS qui ne sont pas responsables d’une mauvaise gestion."
Le mouvement de ce mardi trouvera écho le 4 juillet prochain, journée au cours de laquelle les praticiens hospitaliers seront appelés à la grève par trois syndicats. Jeudi 22 juin, Force Ouvrière, a, elle, déposé un préavis de grève concernant les personnels de "chirurgie générale hépatique endocrinienne et transplantation", à l’hôpital de Hautepierre.