Ils ont changé de vie : ex-directeur commercial, Alexis 44 ans, entame sa nouvelle vie de... travailleur social

Alexis Gérard menait une vie de directeur commercial à cent à l'heure, gagnait très bien sa vie et jouissait d'une belle reconnaissance sociale. Il aurait pu s'en tenir là, ad vitam. Mais à 40 ans, il a choisi de changer de vie. Il a bien réfléchi et tout organisé pour franchir le pas. 

Ce n'est pas une mince affaire que de troquer une vie de quasi-nanti contre une vie de travailleur social. C'est pourtant le choix d'Alexis Gérard, 44 ans. Il y a quatre ans, il était responsable commercial en téléphonie mobile dans toute la région Grand Est. Il avait sous sa houlette des managers, des directeurs d'agences, chefs de vente, assistantes administratives et techniciens; pas moins de quatre-vingt personnes en tout. Il gagnait entre 5.000 et 6.000 euros par mois, disposait d'une voiture de fonction, de très bons défraiements pour ses déplacements... "Mais mon rythme de travail était fou, une amplitude horaire très large, des journées qui finissaient tard le soir, énormément de déplacements, des nuits à l'hôtel..." Et aujourd'hui, Alexis est en première année de formation pour devenir éducateur spécialisé.
 

Pas un déclic unique, mais plusieurs déclencheurs 

"A l'époque, en 2015, mes filles avaient 2 et 3 ans. Je me suis dis que je voulais les voir grandir, participer à leur éducation. Je ne voulais pas que mon épouse soit obligée de s'en occuper seule, alors qu'elle avait aussi un métier très prenant et un poste à responsabilités. On avait besoin d'un allégement de rythme de vie pour notre couple, et on a décidé tous les deux que nos carrières allaient passer après notre vie de couple et de famille."

J'avais besoin de plus de sens, de quelque chose de plus humain, de plus de matière, plus de fond.


Le point sur sa vie 

"Nous avions tous les deux 40 ans. Ce n'était pas une crise, j'appellerais ça un virage, une réflexion de fond sur la seconde partie de notre vie professionnelle. Pour ma part, j'avais la sensation d'avoir fait le tour de mon travail de manager commercial. J'avais franchi tous les échelons et pour évoluer encore j'aurais dû partir à Paris, or je voulais rester en Alsace avec ma famille. Mon épouse aussi était en pleine réflexion sur sa situation professionnelle. C'était un gros chamboulement qui s'est bien passé." 


Un changement bien planifié 

"Pour autant, je ne crache pas dans la soupe. Cette vie m'a permis d'acheter un appartement à Strasbourg, une résidence secondaire à la campagne. Je conduisais de belles voitures et on allait en vacances deux à trois fois par an. Cette vie m'a permis de créer un matelas de sécurité pour partir dans ce nouveau projet. Changer de vie a demandé de faire des calculs, de la planification pour notre couple et la famille, car les conséquences financières sont énormes. Je n'aurais pas pu faire ce changement sans être en accord avec ma femme. Ce n'était pas tout à fait un business plan, mais il faut faire ses comptes."

Aujourd'hui Alexis a rejoint la Jeep (Jeunes équipes d'éducation populaire). "Se lancer dans ce cursus d'étude de trois ans, à l'âge de quarante ans, signifie se retrouver avec des élèves de 18-20 ans, mais ils sont dans cette démarche de travailleur social et j'ai été bien intégré dans la promotion. Il a fallu me remettre à prendre des notes, à apprendre. Aujourd'hui, je lis le soir, beaucoup plus que demandé, sur l'éducation spécialisée, le métier de travailleur social, pour m'imprégner de ce monde d'où je ne viens pas. Je voulais réussir mes partielles de janvier et février. C'est bon, j'ai eu entre 15 et 17 sur 20. Mon stage pratique s'achève en juin 2019, puis c'est le retour à l'école à partir de septembre, pour quatre mois, en contrat pro. en alternance. Deux jours d'école et trois jours de stage."
 

"Avant de changer de métier, ma vie c'était des objectifs, le business, ça devenait très superficiel, j'avais besoin de plus d'humain dans ma vie, plus de sens."
 


"Je ne me retrouvais plus dans cet esprit business-compétition-objectifs ; ces notions d'argent m'étaient devenues superficielles."

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Son nouveau territoire d'action

Désormais travailleur social, il travaille dans les quartiers prioritaires, les QPV ou quartiers prioritaires de l'Eurométropole de Strasbourg, mais aussi à Haguenau et Erstein (Bas-Rhin). Dans des quartiers où la vie est loin d'un long fleuve tranquille. L'association Jeep (Jeunes équipes d'éducation populaire) a été créée après-guerre en 1957, pour s'occuper des sans-familles, des désoeuvrés qui restaient dans la rue. Au fil des ans, l'association s'est orientée vers la protection de l'enfance et s'est spécialisée dans la prévention spécialisée des 10-25 ans. 

L'association s'adresse aux jeunes pour leur proposer un soutien, une aide, un accompagnement sous différentes formes: "On travaille sans mandat de juge, ce qui signifie que les jeunes viennent s'ils le souhaitent, sans obligation. La libre adhésion est un de nos critères principaux. Dans ce cas, il faut savoir leur donner envie."


"Je travaille dans le champ de la prévention spécialisée. On va chercher les jeunes dans leur lieu de vie, dans le quartier. Ce sont des jeunes marginalisés ou en voie de marginalisation. On va les chercher pour faire des activités hors du cadre, ça peut être une activité culturelle, un atelier sportif ou de cuisine, un chantier éducatif. On cherche aussi à les insérer professionnellement, donc ça peut être une aide à la mise en place d'un CV, les accompagner à la mission locale, au centre social. Ils peuvent aussi participer à  des chantiers éducatifs qui les amènent vers le monde du travail."
 


L'association Jeep est située à proximité du centre social et familial Victor Hugo de Schiltigheim-Bischheim.


Les réactions des proches 

"Les amis sont plutôt admiratifs. Ils ont entre 40 et 45 ans, des métiers à fortes responsabilités. Parmi eux, certains se posent aussi la question de sauter le pas. Après des carrières réussies de quinze et vingt ans, ils ont envie de passer à autre chose. Ils voient que je suis à fond et ils sont contents pour moi. D'autres moins proches m'ont dit: "mais tu es fou, tu gagnes bien ta vie, pourquoi tu changes?" Ma mère m'a dit: "Ces dernières années, je voyais que tu n'étais pas heureux et j'attendais le jour où tu m'annoncerais ce genre de changement.""
 

Des conseils à ceux qui voudraient changer de vie

Passer d'un mode de vie très confortable à un métier qui paie 3 à 4 fois moins bien demande un engagement et une volonté bien trempés. A ceux qui voudraient faire le saut vers une nouvelle vie, plus adaptée à leurs aspirations profondes, Alexis conseille de prendre le temps de préparer les bases de la nouvelle vie, surtout si c'est avec un conjoint et des enfants. "Etre sûr de la deuxième carrière que l'on choisit, aller vers un métier que l'on a vraiment envie de faire, dans lequel on s'épanouit et se sent abouti. Je conseille d'aller en immersion, pour voir comment ça se passe sur le terrain et rencontrer des personnes qui travaillent dans ce domaine."
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