Inquiétudes au sein de l'Orchestre philharmonique de Strasbourg : la ville aura-t-elle les moyens d'en assurer les ambitions ?

Les musiciens de l'Orchestre philharmonique de Strasbourg sont inquiets pour l'avenir de leur formation, l'une des plus grandes de France. Car l'OPS subit une baisse de sa dotation municipale de 2,5% en 2024. Derrière cette réalité se cache l'épineuse question du financement futur des grandes institutions culturelles en France.

Ce fut un concert merveilleux, intitulé Au pays des fêtes et des contes. Un concert de retrouvailles sur la scène de la salle Erasme avec le chef Marko Letonja, ancien directeur musical de l'Orchestre philharmonique de Strasbourg. Mais ce 9 février, la soirée cachait aussi une réalité moins charmante. Elle s'est terminée par la diffusion d'un communiqué intitulé A notre public distribué par les musiciens eux-mêmes. Il commence ainsi : "Nous, musiciens de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, souhaitons vous faire part de notre inquiétude concernant l’avenir de votre orchestre."

Car les temps sont durs pour le monde de la culture. À Strasbourg, une baisse de 2,5% des dotations est appliquée en 2024 aux dix institutions culturelles les plus dotées de la ville. "Cela a été largement discuté, mais ce n'est pas une décision facile que nous avons prise", commentait en décembre dernier l'adjointe à la culture Anne Mistler. Cette baisse pour l'orchestre strasbourgeois, ce sont 250 000 euros en moins, sur un budget global de 13 millions. La ville assurant à elle seule plus de 70 % de ce montant.

Nous étions une trentaine de musiciens à échanger avec le public.

Rafaël Angster, musicien de l'OPS

L'action des musiciens est une réaction au malaise provoqué par ce choix budgétaire. "Il nous a semblé important et opportun que la parole des musiciens soit entendue. Ce communiqué, c’est une voix collective, c’est pour cela que ça a pris un petit peu de temps. On a fait le choix d’un mode de diffusion direct, à la fin d’un concert. Nous étions une trentaine de musiciens à échanger avec le public. Ce fut un très beau moment", résume Rafaël Angster, musicien et représentant SNAM-CGT, contacté entre deux concerts donnés à Bristol et Londres. Car le Philharmonique est en tournée ces jours-ci. Il porte l’image de Strasbourg à l’étranger.

Les musiciens le savent, l'OPS n'est pas un cas isolé. Il fait face, comme tous les orchestres de France, à des difficultés budgétaires. L'augmentation du point d’indice décidée par l’État gonfle la masse salariale, "et c'est tant mieux pour les salariés", commente l’adjointe. Mais il faut y ajouter la flambée des coûts de transport et d’hébergement lors des tournées. Et cela pèse lourd dans le budget global, d'autant plus avec un orchestre de très grande formation comme le Philharmonique de Strasbourg qui compte 110 musiciens.

Une subvention exceptionnelle de 200 000 euros a été accordée par la ville cette année, à laquelle s'ajoutent 48 000 euros attribués par l’Eurométropole. Cela permet d'absorber la baisse de 2,5% de la dotation municipale. En 2024, l'orchestre bénéficiera donc, comme en 2023, du budget nécessaire à son fonctionnement. Mais qu'en sera-t-il de la suite ?

Ce serait aberrant de la part d’une ville de saborder son orchestre.

Anne Mistler, adjointe à la culture

"C’est une vraie difficulté pour toutes les villes qui portent un orchestre de qualité, et l’État n’a pas augmenté ses dotations depuis longtemps, explique Anne Mistler. C’est une passe difficile, mais on arrivera à en sortir parce qu’on se bat pour cela. On aime notre orchestre. Il y a une communion entre les musiciens et le public. Il faut travailler sur le long terme. Ce serait aberrant de la part d’une ville de saborder son orchestre." Faut-il désormais imaginer d'autres sources de financement ? Il y va de la pérennité de ces grandes formations capables d'interpréter les grandes œuvres du répertoire.

"La maire de Strasbourg nous a dit son attachement à l’orchestre et nous ne mettons pas en doute sa sincérité. Ce que je regrette, c'est qu’on n’a pas d’engagement pérenne sur le maintien des effectifs, la fréquence des concerts et les ambitions pour l'avenir", déplore Rafaël Angster, alors que la tournée prévue en Pologne en mai 2024 a été annulée précisément pour des raisons budgétaires.

Des départs en retraite pas remplacés immédiatement

Un flou certain entoure l'avenir de l'orchestre même si personne n'envisage de baisse des effectifs. Les 110 musiciens, c'est une "force de frappe" affirme Marie Linden, la directrice générale de l'orchestre. "Nous continuons à programmer de grandes œuvres", assure-t-elle encore. Même si les futurs départs en retraite ne seront pas remplacés immédiatement pour gagner du temps sur la trésorerie.

Une stratégie pour temporiser les difficultés. Le budget 2025 sera contraint. Alors à la question "Et maintenant ?", les musiciens répondent simplement : "Eh bien, on reprend notre vie de musiciens ! Pour assurer notre mission dans ce magnifique orchestre tout en restant très vigilants sur la suite. On espère que notre prise de parole ne laissera pas les décideurs indifférents."

Avec l'espoir de pouvoir continuer à jouer Strauss, Mahler, Bruckner, Bartók, Stravinski... Un répertoire pour grands orchestres qui fait l'identité de l'OPS au sein des orchestres nationaux en France. Le public peut apporter son soutien à l'orchestre via une pétition en ligne qui rassemble à ce jour 2 500 signatures.

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