Elle fait partie du patrimoine culturel des Français. De 1959 à 1974, elle fut la mire de la télévision : l'horloge escargot de Christian Hourriez. Pendant 15 ans, elle a accompagné tous les foyers français devant leur petit écran. L'exemplaire destiné à Télé-Strasbourg, aujourd'hui France 3 Alsace, continue de tourner en donnant exactement l'heure universelle.
Elle a 65 ans cette année. L'horloge ORTF "escargot" ou "sphérique" de Christian Hourriez fonctionne toujours.
Elle a marqué l'histoire de la télévision. Du 24 décembre 1959 au 31 décembre 1974, c'est avec elle que débutait et s'achevait les programmes télévisuels, à une époque où il n’y avait qu'une seule chaîne.
Jean-Claude Zieger, ancien journaliste de France 3 Alsace, se souvient : "Avant les programmes ou lors des décrochages entre Paris et les régions, l'horloge trottait sur un indicatif musical, toujours le même, interprété par un orchestre. Tous ceux de mon époque connaissent cette horloge. Elle est mythique. Cette image qui donnait l'heure pouvait parfois être très long…".
Il poursuit : "L’exemplaire que vous avez devant vous était placée à l'origine en l'auditorium de la Maison de la radio de Strasbourg, au premier étage. Elle était immanquable, au centre de la pièce, je m'en souviens très bien. Je venais avec mes parents assister à des enregistrements télévisuels à l'époque. Les speakerines présentaient les programmes devant cette horloge".
Chaque fois que nécessaire, l'image de l’horloge "escargot" était reprise en direct sur Télé-Strasbourg. Un problème technique de télétransmission ? Un plan sur l'horloge. Un inter-programme ? Un plan sur l'horloge. Un interlude ? Un plan sur l’horloge. La fin des programmes ? Un plan sur l’horloge. Une transition entre deux plateaux ? Un plan sur l'horloge.
En Alsace, cette horloge a côtoyé des grands noms de la télévision comme Jacques Martin, Jean-Marie Cavada, ou Jacques Douay.
"Cette horloge était un véritable service public. C’était très utile, ajoute Jean-Claude Zieger qui a fait les beaux jours de la télévision régionale. Elle permettait pour tous les Français d'ajuster ses montres ou les horloges qui ornaient les pièces de la maison".
La spirale c'est le temps qui court. Le rayon de l'horloge augmente et progresse sur le nombre d'or. La symbolique est forte : le temps ne s'arrête jamais.
Roland FauvreAncien directeur de France 3
Toutes les régions et la chaîne nationale avaient évidemment leur exemplaire. Il en existe donc plusieurs versions et plusieurs formes, mais qui reprennent toujours le même design. Chacune est unique.
L'horloge de Christian Hourriez a ainsi accompagné les Français durant quinze ans, jusqu'au 31 décembre 1974 où elle a complètement disparu des écrans lors de l'éclatement de l’ORTF.
"Je pense que l'exemplaire de cette horloge date de 1960. La Maison de la Radio de la Place de Bordeaux édifiée par les architectes Tournon, Devilliers et Verdier, a été inaugurée en 1961. Je ne crois pas qu'elle ait été déjà installée dans les anciens bâtiments", conclut Jean-Claude Zieger.
Sauvée par des salariés
L'horloge de l’ORTF Alsace a été sauvée par des salariés qui "l'ont récupéré en mauvais état dans une benne lors de travaux à l'auditorium de Strasbourg", nous dit Antoine, un technicien qui passe devant elle.
C'est l'ancien directeur de la filière production de France 3, Roland Fauvre, qui a décidé de la restaurer pour l'installer dans ses services. L'horloge avait été confiée à l'horloger Bodet pour une réparation minutieuse.
Contacté, il rappelle les événements : "En 1975, l'architecte chargé des travaux de l'auditorium avait jeté l'horloge qui ne servait plus. Cela nous lui valu une belle engueulade de ma part. J'étais passionné par les mathématiques. Cette horloge, c'était la quintessence de la représentation mathématique. La spirale, c'est le temps qui court. Le rayon de l'horloge augmente et progresse sur le nombre d'or. La symbolique est forte : le temps ne s'arrête jamais. Comment pouvait-on jeter un tel chef-d'œuvre des arts appliqués".
L'ancien directeur ne regrette pas : "J'ai dû me battre pour faire valider le devis. La note était sacrément salée". Depuis, l'horloge tourne dans les couloirs d'un étage de France Télévisions à Strasbourg. Une de ses aiguilles pointues est légèrement tordue, mais elle indique toujours parfaitement l'heure universelle.
Les dimensions de l'horloge en métal noir et or sont assez impressionnantes. Environ 1,60 mètre de longueur pour 1,10 de hauteur. À l'origine, elle était suspendue. "Le mécanisme se trouvait derrière un mur auquel nous pouvions accéder" se souvient Roland Fauvre. L'effet produit à l'antenne était surprenant : "elle avait l'air de flotter".
L'ingéniosité du mécanisme électromécanique piloté à bobine a malheureusement ses défauts. "Seul un véritable horloger peut s’en occuper et la réviser. "Aucun salarié n'ose toucher cette icône de l'histoire de la télévision" assure Antoine.
La pendule Hourriez
La diffusion de la pendule sphérique est un cadeau de Noël du 24 décembre. Elle célèbre le 1,5 million de téléspectateurs en 1959. Elle devient la mire de la télévision de l’époque.
Son créateur, Christian Hourriez a seulement 25 ans. Il est élève de l'École Boulle, école supérieure d'arts appliqués. C'est un de ses professeurs qui annonce lors d’un cours que la Radiodiffusion télévision française (RTF) lance un concours pour imaginer un nouveau cadran pour la télédiffusion. Elle vise à remplacer, la première pendule télévisée "très classique" qui est apparue le 9 février 1956, dans les rares foyers équipés d'un poste.
Christian Hourriez imagine alors un projet futuriste pour son horloge "répartir les heures sur une spirale. Une horloge qui n’arrête pas de tourner autour de planètes et d'étoiles". Il remporte l’appel à projet. L'horloger Odo va acquérir les droits de reproduction et de fabrication. Son design va se retrouver dans tous les foyers français.
Quant à Christian Hourriez, il recevra une petite somme pour "s'acheter une montre" et sera en récompense "embauché par la RTF comme assistant-décorateur".
Le design de l’horloge est en avance sur son temps. Elle ne plait pas forcément à tout le monde à l'époque. José Bernard, ingénieur-en-chef des télécommunications, répond lorsqu'on lui demande s’il la trouve jolie : "Elle a un certain visage".
Cette pendule a retrouvé un regain de popularité grâce à l'émission Les enfants de la télé. On peut l’apercevoir également dans plusieurs films ou séries comme Un gars, une fille.
La pendule de Christian Hourriez a durablement marqué l'histoire de la télévision française.
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