L'image est insolite, elle est pourtant bien réelle : une safranière à Strasbourg, sur un terrain de 1700 m² mis à disposition par la Ville. L'initiatrice de ce curieux projet fut enseignante dans une vie antérieure. Désormais, elle cultive l'or rouge, l'épice la plus chère du monde, et elle espère bien pérenniser cette activité.
90% de la production mondiale de safran vient d'Iran, soit environ 200 tonnes par an. Rien à voir avec le chiffre avancé par la strasbourgeoise Anaïs Meyer, qui pour sa première vraie récolte cet automne, a dû se contenter de 180 grammes… "Un an de production qui tient dans les deux mains" rigole-t-elle. Il y a en effet de quoi se réjouir. 180 grammes de safran séché, c'est une belle performance. Avec un kilo de production annuelle, elle affirme qu'elle pourrait en vivre.
Une plante qui résiste à la sécheresse, c'est quand même l'avenir, à Strasbourg comme ailleurs
Anaïs Meyer, safranière
Le safran, l'or rouge comme on le surnomme, est l'épice la plus chère du monde : entre 35 000 et 50 000 euros le kilo. Mais ce n'est pas l'appât du gain qui motive la jeune femme. "J'adore l'idée de planter quelque chose qu'on n'a pas besoin d'arroser, explique-t-elle. Une plante qui résiste à la sécheresse, c'est quand même l'avenir, à Strasbourg comme ailleurs." Anaïs Meyer a donc commencé à cultiver des crocus dans son jardin, et quand elle a constaté que cela était possible, elle a décidé de se lancer à plus grande échelle.
La Ville de Strasbourg a accepté de lui mettre un terrain à disposition pour quelques années, et elle a quitté le monde de l'enseignement. "Enseignante, c'est un métier qui a du sens et que j'adore, dit-elle, mais je suis déçue du système". Désormais, elle se concentre donc sur une activité à impact écologique.
150 000 fleurs pour un kilo de safran sec
Avec le safran, tout se fait à la main. Préparer et planter les bulbes en juillet, désherber, cueillir les fleurs en octobre et en récolter le pistil. Toutes ces opérations nécessitent de la délicatesse. Les machines ne savent pas faire. Voilà pourquoi l'or rouge est si cher. "Tu payes le prix du temps" précise-t-elle
Les 11 000 bulbes plantés l'été dernier ont donc donné 180 grammes de safran. Ces bulbes vont se démultiplier naturellement dans la terre, mais Anaïs Meyer compte par ailleurs en acheter 18 000 de plus, afin d'atteindre son objectif d'un kilo de production annuelle. Pour cela, elle s'appuie entre autres sur le dispositif de financement participatif Byfurk.
L'autre objectif est de décrocher le label bio, ce qui devrait être fait dès l'an prochain. Aujourd'hui, elle propose des pistils purs, mais aussi des produits dérivés comme du miel ou de la moutarde au safran, en veillant à travailler avec des producteurs locaux et respectueux de l'environnement. Enfin, la réflexion est lancée avec des laboratoires phyto de la région pour exploiter d'autres propriétés de cette plante : antioxydante, anti-stress, anti-inflammatoire.
Mais en ce qui concerne l'épice de safran, la jeune femme mise surtout sur l'envie, de plus en plus prégnante, de consommer local. Pourquoi acheter un produit qui aurait parcouru 4 000 kilomètres lorsqu'on peut le trouver au bout de la rue ou presque ? D'ailleurs, la safranière de Strasbourg est ouverte aux visiteurs, de préférence en automne, au moment de la cueillette.