À la veille de son centième anniversaire, une carte postale de la cathédrale de Strasbourg intrigue la twittosphère. L'ayant reçue en cadeau, un internaute mène l'enquête pour retrouver le destinataire de cette carte sans message expédiée à Caen le 22 août 1920.
Retour cent ans plus tôt, en 1920. Alors que Strasbourg est redevenue française en novembre 1918, un expéditeur mystérieux envoie une carte postale de la cathédrale de Strasbourg au domicile de "Monsieur et Madame F. Marie" au "8, rue Saint-Manvieu, à Caen (Calvados)" le 22 août 1920. Après avoir voyagé en France, la carte postale est finalement de retour en Alsace. "Twitter, tu m'aides à retrouver (les descendants de) son destinataire à #Caen ?", a lancé le Strasbourgeois Géraud Lebrument sur le réseau social le 8 août. Depuis, les messages abondent et les recherches avancent.
Un fan de la cathédrale
Il faut dire que la carte est bien tombée. Si Géraud Lebrument est né à Strasbourg, toute sa famille est normande et bretonne, "c'est une anecdote mais je lie un peu les deux régions", sourit-il. Cet amoureux de la cathédrale de Strasbourg aime la collectionner, la photographier, mais aussi la faire connaître. Et ses amis le savent. Pour ses 30 ans, l'un d'entre eux lui a offert cette fameuse carte dénichée à la braderie de Lille. Un peu abîmée mais encore lisible, on peut lire sur le côté de l'illustration "Strasbourg" à droite et "Strassburg" à gauche, comme sur les images du tweet ci-dessous. En français et en allemand, la carte postale est à l'image de l'héritage laissé lors de la Première Guerre mondiale.Dans deux semaines, cette carte postale de #Strasbourg aura CENT ANS !! ?
— Stras'GΞЯAUD ?️ (@SxbGG) August 8, 2020
Twitter, tu m'aides à retrouver (les descendants de) son destinataire à #Caen ? ?
Infos / enquête ⤵️ ? #Thread pic.twitter.com/0PlGN0M9su
Mais en plus de retrouver les destinataires, Géraud Lebrument, qui travaille dans la construction, a dû résoudre quelques mystères, comme le fait que la date soit écrite à la main. "Le timbre a été enlevé, je n'avais pas le cachet de la poste et donc pas de date", explique-t-il, en supposant qu'un collectionneur est déjà passé par là. Un décret publié par l'État français en 1920 permettait en effet de payer moins cher l'affranchissement (5 centimes au lieu de 15) s'il n'y avait pas de "correspondance", soit de message écrit au dos de la carte. "La piste qu'on a, c'est que cette date, le 22 août 1920, et la signature font cinq mots, c'est la limite" permise par le décret pour profiter du prix réduit.
La recherche sur Twitter
Tout au long de l'entretien, Géraud Lebrument parle en utilisant le pronom "on", derrière lequel se cache des "volontaires" qui ont répondu à l'appel lancé par le trentenaire. "C'est Twitter qui nous a rassemblé grâce aux publications, les autres, je ne les connaissais pas du tout. Même une agence immobilière nous a contacté pour nous donner des informations par rapport à l’adresse en question", ajoute Géraud Lebrument. Parmi eux, bien évidemment un Caennais (de la rue Saint-Manvieu) et une Strasbourgeoise mais aussi des personnes ayant accès à des sites de généalogie qui ont pu faire des recherches plus poussées, documents à l'appui. "Je suis épaté par les volontaires, ils font un super boulot, c'est incroyable", lance-t-il avant de poursuivre sur la chronologie de leurs trouvailles. "En trois heures, nous avons identifié le couple, en 24 heures c'était leurs descendants, soit cinq générations et en 48 heures, nous en sommes à 32 descendants, dont la sixième génération, des trentenaires, qui devrait être plus simple à localiser sur les réseaux"La descendance
Cet engouement a permis à ces Sherlock Holmes des temps modernes de reconstituer un arbre généalogique inversé, en partant d'une simple carte postale. "On redescend l’arbre et on ne le remonte pas, c’est assez drôle de partir d’un point éloigné alors qu’en général on fait l’inverse", s'amuse Géraud Lebrument. Avec 753 familles du nom de Marie à Caen entre 1919 et 1921, c'était un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Par chance, "il n'y avait que trois personnes avec l'initiale F", comme sur la carte. L'identité du "F. Marie" a ainsi été percée, il s'agit de François Marie, conjoint de Marie Marie (sans mauvais jeu de mot). D'après les premières informations récoltées, François Marie serait né en 1848, "on remonte vraiment dans le temps", commente le Strasbourgeois. Le couple aurait eu quatre enfants, dont un mort à la guerre. L'étape suivante consiste à savoir quels descendants sont encore en vie, où les trouver et comment les contacter. Le travail d'investigation a été facilité par les professions des membres de la famille, "des notaires et des médecins par exemple", des métiers où les documents écrits sont conservés. "On voit que la famille a déménagé au fil du temps, on a des décès à Paris, à Metz, en Lorraine et beaucoup dans le Calvados bien sûr", précise Géraud Lebrument.En trois heures, nous avons identifié le couple, en 24 heures c'était leurs descendants, soit cinq générations et en 48 heures, nous en sommes à 32 descendants.