Les députés ont voté ce 8 octobre pour l’allongement du délai légal d’accès à l’avortement à 14 semaines, contre 12. Le gynécologue alsacien Israël Nisand s’y oppose vigoureusement. Une IVG est une urgence. Il milite pour raccourcir les délais d’accès.
L'examen d'une proposition de loi, ce jeudi 8 octobre à l'Assemblée Nationale, visant à allonger le délai légal pour l'avortement, a ravivé les passions autour de ce thème sensible. L’article clé qui permet l’allongement du délai légal d’accès à l’IVG de 12 à 14 semaines de grossesse (soit 16 semaines d’aménorrhée) a été voté par 102 voix contre 65.
Portée par la députée du groupe EDS (Ecologie, démocratie, solidarité) et ex-LREM Albane Gaillot, la proposition de loi est débattue dans le cadre d'une "niche" réservée à son groupe politique. Le texte a obtenu le soutien de la majorité et fait suite à un rapport parlementaire de la délégation aux Droits des femmes de l'Assemblée qui préconisait cette mesure. Cent-seize amendements ont été déposés.
Raccourcir l’accès plutôt que rallonger le délai
Consternation et colère du professeur Israël Nisand. Le président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, qui regrette de ne pas avoir été consulté, ne mâche pas ses mots : "Loin d’améliorer la situation des femmes, ce groupe politique, dissident de la République en Marche, dessert la cause des femmes. Il propose de rallonger le délai légal à 14 semaines, alors que nous, ce que nous demandons, c’est de raccourcir les délais d’accès". Et d’ajouter : "Une femme qui appelle pour une IVG ne doit pas attendre. Il faut la prendre en charge dans les cinq jours. Une IVG est une urgence".Il martèle : "Je ne suis pas favorable à une banalisation de l’avortement ". Il se dit dans la lignée de citer Simone Veil qui disait "aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes, c’est toujours un drame et cela restera toujours un drame".
Les risques d’une IVG à 14 semaines de grossesse
Selon l’obstétricien alsacien, "plus une IVG est tardive, plus elle est nuisible pour la femme". Effectuer une IVG à 14 semaines est, selon lui, un acte lourd et potentiellement dangereux : "Il faut dilater le col de manière plus importante, il y a un risque de perforation et des risques d’infection post-opératoires".A 16 semaines d’aménorrhée (sans règle) et donc 14 semaines de grossesse, le fœtus mesure environ 120 millimètres, sa tête est ossifiée ce qui rend le geste difficile à réaliser pour beaucoup de professionnels. Il fait, en outre, remarquer qu’en 2001, lorsque le délai légal avait été porté de 10 à 12 semaines, 30% des gynécologues avaient décidé de refuser de faire des IVG. Avec ce nouveau rallongement, il craint que ce chiffre n’augmente encore.
L’exemple strasbourgeois
A Paris, lorsqu’une femme veut prendre rendez-vous, elle doit souvent attendre trois à quatre semaines. Quitte parfois à se retrouver "hors délai". Pas de cela à Strasbourg où l'on a pratiqué 2.200 IVG l’an passé. Le professeur Israël Nisand, longtemps chef du pôle de gynécologie obstétrique au CHU de Strasbourg, veillait à cet accès en cinq jours et "c’était parfaitement assumé". Autre spécificité strasbourgeoise : 100% des avortements sont réalisés en milieu hospitalier, alors qu’en France, ce chiffre baisse à 75%, le reste étant effectué en cabinets de ville.La discussion autour du rallongement du délai de l’IVG n’est pas finie. Il s’agit pour le moment d’un examen en première lecture. Le sujet est sensible et le gouvernement semble vouloir temporiser. En France, une grossesse sur quatre se termine par une IVG.