Après une plainte contre l'État français devant le Conseil d'État pour "inaction climatique", la ville de Grande-Synthe, commune du littoral du Nord, à travers son ancien maire, attaque la France devant la Cour européenne des droits de l'Homme. La plainte a été déclarée comme recevable, l'audience a lieu ce mercredi à Strasbourg.
L'affaire pourrait constituer une jurisprudence. Damien Carême, habitant de Grande-Synthe (Nord) et ancien maire (EELV) de la commune, s'estime menacé par la montée du niveau de la mer. Après une première victoire auprès du Conseil d'État en 2022, il a décidé d'assigner la France devant la Cour européenne des droits de l'Homme. L'audience se tient ce mercredi 29 mars à Strasbourg.
Dans le nord, comme ailleurs, le changement climatique est à l'œuvre. Les côtes s'érodent inexorablement et les risques de submersion du littoral sont réels. Pour Damien Carême, également député européen (Les Verts), la France n'aurait pas pris les mesures suffisantes pour prévenir ces évolutions.
"La ville et les citoyens de Grande-Synthe s'étaient extrêmement engagés dans la lutte contre le changement climatique. Celui qui manquait à l'appel, c'est l'État français qui ne respecte pas les engagements internationaux ni L'Accord de Paris (dont l'objectif est de réduire considérablement les gaz à effet de serre d'ici à 2030, ndlr)" estime Damien Carême. "La ville comme l'agglomération dunkerquoise est située sur un territoire de polder. Aujourd'hui, ces terres sont en réel danger. On parle de 450.000 personnes déplacées sur le littoral nord, ce n'est pas rien !"
La question est de savoir si les droits humains sont impactés par le dérèglement climatique ?
Corinne Lepage, avocate de Damien Carême
C'est la première fois que la Cour européenne des droits de l'Homme va traiter l'inaction climatique présumée d'un État qui violerait certains articles de la Convention, à savoir l'article 2 sur le "droit à la vie" et l'article 8 sur le "droit au respect de la vie privée et familiale".
Pour Corinne Lepage, avocate de Damien Carême, la question est de savoir si le non-respect des objectifs par la France constitue une violation de ces 2 articles. Si oui, cette affaire pourrait faire jurisprudence sachant que la juridiction suprême néerlandaise ainsi que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe en Allemagne ont déjà condamné leur pays respectif dans des cas similaires.
D'autres plaintes en Suisse et au Portugal
La CEDH doit aussi se prononcer sur un dossier déposé par des retraités suisses qui dénoncent les effets du réchauffement climatique sur leur santé et celui d'étudiants portugais qui assignent leur pays pour "inaction climatique" également. La juridiction rendra ses arrêts dans quelques mois. Sans nul doute qu'ils seront scrutés à la loupe par les États et leurs citoyens.
Corinne Lepage et Damien Carême espèrent que la Cour européenne "défenseur des droits humains" ne restera pas à l'écart de ce mouvement qui devient planétaire. Il n'y a pas moins de 2.000 procès climatiques en cours dans le monde.