Le député européen EELV, José Bové, était aux côtés de Karima Delli quand les forces de l'ordre ont projeté des gaz lacrymogènes sur le cortège de manifestants qui retournaient vers la ZAD quelques heures après le début des opérations d'évacuation. Il raconte.
Le récit de José Bové au lendemain de l'intervention au cours de laquelle l'eurodéputée EELV Karima Delli a été victime des gaz lacrymogènes des gendarmes.
Que s’est-il exactement passé à Kolbsheim?
"C’est quelque chose que je trouve incroyable. Un rassemblement était organisé à Kolbsheim pour tirer le bilan de ce qui s’était passé et essayer d’entrer en contact avec le ministère de l’Ecologie. Tout s’est très bien passé. Suite à ce meeting, on est descendu pour voir s'il y avait eu des dégradations sur les arbres et savoir ce qui était advenu du terrain où il y avait le campement. Quand on a voulu s’avancer, brutalement les gendarmes mobiles se sont mis en face de nous et sans sommation ont tiré des grenades lacrymogènes alors qu’on était juste contre eux.""Ils avaient tout à fait identifié qu’il y avait deux députés européens et le maire de Kolbsheim qui étaient devant, donc pas du tout pour faire des brutalités évidemment. Et le plus dramatique c’est qu’après avoir lancé ces grenades lacrymogènes, ils ont utilisé des sprays à poivre qui, quand on les prend complètement [en plein visage] perturbent tous les sens et on ne peut plus bouger."
"Karima Delli, qui était à côté de moi, a pris un spray au poivre en plein figure et elle est tombée immédiatement allongée, incapable de bouger. Pendant presque une heure, après qu’on l’ait transportée à quelques mètres, elle est restée allongée, incapable d’ouvrir les yeux, incapable de parler. Il a fallu qu’on attende que patiemment elle reprenne sa respiration et ensuite on l’a remontée au village sur plus d‘un kilomètre en la portant avec un médecin. Ensuite on l’a ramenée chez le maire de Kolbsheim où elle a pu se reposer pendant près de deux heures avant qu’on la raccompagne à Strasbourg au milieu de la nuit. Ce matin, alors que je lui ai parlé, elle ne sait pas si elle pourra venir au Parlement européen dans la journée, tellement elle a été traumatisée par ce qu’il lui est arrivé hier alors qu’elle ne s’y attendait pas et qu’il n’y avait aucune raison."
Selon vous, pourquoi cette violence policière sur des élus?
"L’usage de la force de façon démesurée et sans aucune raison, malheureusement, arrive de plus en plus souvent. Je dirai que c’est presque maintenant une stratégie du maintien de l’ordre : on tire et on discute après, ce qui n’a évidemment dans cette affaire aucun sens puisque même le matin, il n'y a pas eu de violences contre les forces de l’ordre quand il y a eu évacuation de la ZAD.""Donc hier soir, il y avait encore moins de raisons d’agir de cette manière-là. Est-ce le commandement sur place qui décide de ce genre de choses? Est-ce que c’est au niveau du préfet que les consignes sont données? Au niveau du ministre? Je n’en sais rien mais je pense que le préfet Marx en Alsace a aujourd’hui une responsabilité très importante et c’est pour ça que j’avais alerté le ministère de l’Ecologie hier pour leur dire attention, qu’il n’y ait pas de débordements. Mais ce n’est pas de leur responsabilité. C’est le ministère de l’Intérieur et le préfet qui ont cette responsabilité."
Vous avez rendez-vous avec le ministère de l'Ecologie?
Le ministère de l’Ecologie, qui est chargé du dossier au fond, a décidé de rencontrer les anti-GCO demain ou après-demain. Cela a été confirmé par Martine Wonner, députée de LREM. J’espère que grâce à ce dialogue qui va se renouer, on va suspendre la destruction de ce territoire, tant que tous les recours juridiques n’auront pas été accomplis et que les résultats n’auront pas été donnés."Accédez à l'intégralité de l'interview de José Bové, interviewé par Bernard Weyl :