À Strasbourg, la grande synagogue fait l'objet d'une surveillance au quotidien, depuis des années. Mais suite à l'attaque surprise du Hamas contre la bande de Gaza, le 7 octobre dernier, des tensions se font sentir dans la capitale alsacienne. "Il ne faut pas nous abandonner face aux agressions, c'est l'affaire de tous."
L'Alsace et sa capitale Strasbourg sont depuis des siècles un carrefour de rencontres pour les populations, quelles que soient leurs origines et religions. En permanence, des institutions et des associations y réunissent leurs efforts pour faciliter la rencontre entre les cultures et les religions.
Mais depuis l'attaque surprise du Hamas (organisation politique, religieuse et militaire palestinienne classée organisation terroriste par l'Union européenne) contre la bande de Gaza, le 7 octobre dernier, des effets se font ressentir par ricochet dans les institutions religieuses locales et la population en Alsace. Des tags antisémites apparaissent, un sentiment d'insécurité est exprimé par les citoyens de confession juive.
Pierre Haas, le délégué régional du Crif Alsace (Conseil représentatif des institutions juives de France), reçoit depuis plusieurs jours des messages des membres de sa communauté, exprimant des sentiments de craintes et sensation de menaces. "Certains font un amalgame complet entre ce que fait l'Etat d'Israël et les Juifs."
Renforcement de la sécurité
À Strasbourg, la grande synagogue est sous surveillance policière depuis de longues années. Mais depuis l'attaque récente dans la bande de Gaza, les forces de l'ordre y sont encore plus nombreuses et la vigilance est étendue aux lieux d'éducation.
"Toutes les sorties, hors des écoles, les récréations que les professeurs faisaient à l'extérieur des établissements scolaires, comme au parc des Contades par exemple, sont suspendues, regrette le président du Crif. Se pose même la question de peut-être fermer des écoles. C'est vraiment regrettable que des lieux de culte et des écoles doivent être sécurisés et protégées."
Il faut discuter de paix ici, sinon comment on y arrivera là-bas ?
Pierre Haas, délégué Alsace du Crif
Éviter l'amalgame entre Etat d'Israël et Juifs
Le risque d'amalgame inquiète les autorités des institutions religieuses. Comme les citoyens de confession musulmane ne voulaient pas être confondus avec les terroristes islamistes auteurs d'attentats, les citoyens de confession juive ne veulent pas être assimilés aux actes répréhensibles, décidés par l'Etat d'Israël dans la bande de Gaza.
Car dans le passé, l'amalgame a déjà frappé à plusieurs reprises à Strasbourg, quand par exemple, en 2021, un graffeur travaillant pour la ville a été agressé parce qu'il portait un tee-shirt avec des noms de pays, dont Israël. Un livreur a refusé de livrer des restaurants, proposant de la cuisine israélienne, en déclarant qu'il ne servait pas les Juifs.
"Souvent l’antisémitisme est un marqueur, précurseur d’une évolution qui mène à beaucoup de violence, souligne cet observateur. C'est donc le problème de toute la nation. Mais les Français juifs sont très inquiets de leur avenir, ils ont l'impression d'être abandonnés par la république. Il faut que les citoyens les soutiennent face à cette agression."
Et malgré l'inquiétude de débordements possibles, Pierre Haas insiste pour dire que "la majorité des musulmans cherchent à vivre heureux en France, comme les Juifs. Seule une frange minoritaire développe cette haine des Juifs."
Des rencontres interreligieuses porteuses d'espoir
Depuis 2011, le festival des musiques sacrées se tient à Strasbourg. Cette année il a lieu du 11 au 22 octobre. Lors de ces rencontres interculturelles, "Les sacrées journées" réunissent des croyants de tous horizons et pays.
Ce dimanche soir 15 octobre, pendant un concert spectacle donné dans une église, les artistes ont eu un geste fort. Michel Jerman, président de l'association raconte avec émotion. "Il était prévu que les groupes d'artistes chantent et dansent les uns après les autres, chacun pendant une demi-heure. Mais les groupes musulmans, juifs, chrétiens et hindous ont proposé de chanter et de danser ensemble. C'était un message d'une force et d'une puissance extraordinaire. Une puissance de vie et de lumière. Les 400 personnes du public étaient profondément touchées."
Pendant les douze jours du festival, des grands lieux de cultes accueillent les différentes représentations. La grande mosquée de Strasbourg en fait partie. Des centaines d'élèves y sont accueillies chaque année avec des représentants des trois religions monothéistes.
"Nous ferons une déclaration qui dénonce toute violence, qu'elle vienne de Palestine ou d'Israël."
Michel Jermann, Président de l'association "Les sacrées journées"
Comme le président du Crif, Michel Jermann soutient les démarches qui prônent l’apaisement, afin de ne pas importer ce conflit ici en France. Pour eux, "c'est quand les trois traditions se réunissent, qu'ils sont les plus efficaces pour apporter un discours apaisé, encourageant l'échange et la compréhension."
La priorité de ces responsables pour l'instant est le sort des otages français et les démarches pour arriver à la paix. "Si on arrive à discuter, à échanger et à favoriser le respect entre les différentes croyances ici, on y arrivera peut-être aussi un jour là-bas. Je n'ai pas de problème avec nos amis musulmans, qui comme nous défendent deux Etats, un Etat palestinien et un Etat juif où chacun vit en sécurité et en paix." souligne le président du Crif.