Neuf mini-stations se succèdent le long de la route des crêtes de la Forêt-Noire (Schwarzwaldhochstrasse pour les intimes), en à peine 30 km. De petites entreprises familiales, loin du modèle économique des grande stations plus au Sud. Et une idée de sortie agréable, à une heure de Strasbourg.
Vous aimez la neige et le ski, mais ne goûtez pas forcément la foule ou les repas pré-digérés des grandes stations ? Peut-être êtes-vous faits pour les toutes petites stations allemandes. A une heure de route de Strasbourg, elle sont réparties en chapelet le long de la célèbre route des crêtes de la Forêt-Noire. Neuf micro-stations en à peine 30 km le long de la B500 également connue sous le nom de Schwarzwaldhochstraße à 1000 mètres d'altitude.
Au premier abord elles peuvent prêter à sourire, tant elles semblent petites : une ou deux, voire trois pistes pour les plus grandes, une ou deux remontées mécaniques, des noms imprononçables pour le Français moyen... C'est sûr Seibelseckle, Unterstmatt ou le Mehliskopf ne feront jamais d'ombre au Feldberg ou au Lac Blanc. Mais elles ne manquent pas d'atouts et ont su conquérir une clientèle fidèle.
Une ou deux pistes en moyenne
C'est d'ailleurs source d'émerveillement, sachant les difficultés que rencontrent certaines stations de ski, notamment dans les Vosges. On pense à la station du Gaschney qui ne rouvrira pas ses pentes cette saison. Les petites entreprises familiales de la Forêt-Noire, elles, se portent bien. La famille Trayer, par exemple, gère le Ruhestein depuis trois générations. Le secret de leur longévité réside peut-être dans la taille modeste de l'entreprise. Un seul salarié permanent, le reste des postes sont occupés par la famille, complétés par quelques saisonniers. Des investissements raisonnables aussi.Les Trayer ont renoncé aux canons à neige, face au montant de la facture, estimé entre 350 et 500.000 euros. "Ça nous aurait aidé à prolonger la saison, mais en contrepartie il aurait fallu travailler pendant des années pour rentabiliser cette somme", confie Daniel. "Dans l'état actuel nous avons environ 50 jours de ski par an, les bonnes années." A l'inverse, le Ruhestein s'est doté d'un éclairage des pistes, et ouvre tous les soirs en nocturne pour attirer la population active des environs. Et ça marche comme ça, par petite touches.
Une palette de choix
"En été, on transforme aussi l'un de nos deux téléskis en télésiège, pour les randonneurs", reprend Daniel Trayer. "Mais ce qui nous fait vivre toute l'année, c'est l'auberge." Une auberge sans prétentions, qui sert Schnitzel ou Goulasch, reconnue pour ses qualités. L'avantage de la route des crêtes, c'est qu'elle attire toute l'année. En été, promeneurs et randonneurs se pressent au Mummelsee et au Schliffkopf.Le vrai atout de la route des crêtes, c'est cette succession de petits domaines sur une petite distance. Certaines, microscopiques, n'ouvrent que le week-end, comme le Vogelskopf. D'autres, plus grandes proposent 2 ou 3 pistes. Paroles d'habitués : "Il y en a pour tous les goûts : le Ruhestein est plus plat, idéal pour les débutants, à Unterstmatt la pente est plus raide, à Seibelseckle c'st plus technique, il y a plus de bosses..." ou encore "S'il y a trop de monde à une station ou que la visibilité n'est pas terrible, il suffit de reprendre la voiture : deux kilomètres plus tard il y a la suivante !" Les tarifs, eux, sont plutôt intéressants, et il existe même un forfait commun à toutes les remontées mécaniques. Mais ne cherchez pas de site internet commun : les gérants de stations n'ont pas encore réussi à se regrouper, même s'ils y travaillent.
Leur équilibre économique, fragile, se joue entre eux, entre patrons de stations. Personne n'a touché de subventions publiques. L'office de tourisme de Forêt-Noire se préoccupe plus de régions plus connues, telle que la commune de Baiersbronn et son cortège de chefs étoilés.
Un développement sur le long terme
A Unterstmatt, Heiko Fahrner a pu se permettre les canons à neige. Avec trois pistes, dont une noire, il fait partie des "poids-lourds". Il s'appuie surtout sur une entreprise plus importante. Sa famille est aux manettes de l'hôtel du Schliffkopf, 15 kilomètres plus haut sur la route des crêtes. Là aussi c'est la troisième génération de gérants. Il a repris la station de ski, un peu par hasard, un peu aussi pour maintenir l'activité. "Je trouve ça important que les stations subsistent sur la route des crêtes, que les skieurs n'aillent pas tous à l'étranger ou plus au Sud. C'est pour ça que je me suis lancé", explique-t-il.La famille Fahrner a senti très tôt qu'il fallait se démultiplier pour attirer la clientèle. "Dès les années 90 on s'est demandé comment ramener du monde chez nous au Schliffkopf," raconte Heiko Fahrner. "Le constat c'est qu'il ne suffit pas de vendre des nuitées, qu'il faut aussi proposer du bien-être. On a fait ça petit à petit." Piscine, puis saunas, hammam, esthétique, sport... Les investissements ne sont jamais démesurés mais soutenus, et envisagés sur le long terme. La seule manière de fidéliser et d'attirer de nouveaux clients. Le ski, pour les Fahrner, n'est qu'une option de plus proposée aux clients. D'après Heiko, "ça fait chic de pouvoir proposer des forfaits gratuits aux clients de l'hôtel. Mais c'est avant tout une passion." Souvent, c'est le patron en personne qui conduit la dameuse. Parce qu'il adore faire ça, tout simplement.
Il n'empêche que cela reflète aussi une façon d'appréhender l'industrie touristique, loin des investissments démesurés et de la débauche de communication. Un modèle économique durable, qui semble promettre un bel avenir aux stations de ski de Forêt-Noire.