Patrimoine : un appel aux dons pour sauver la plus ancienne ferme d’Engwiller

La Fondation du patrimoine lance une collecte de dons pour restaurer la plus ancienne maison du village d’Engwiller (Bas-Rhin). Un ancien corps de ferme désormais sauvegardé. Tous les bâtiments historiques n’ont pas cette chance en Alsace.

"C’est un rêve qui se réalise". Au téléphone, Carole Waldvogel ne cache pas son émotion. Il y a bientôt deux ans, cette Alsacienne a racheté, avec son mari, le plus ancien corps de ferme du petit village d’Engwiller dans le Bas-Rhin. Un projet colossal. "On est tombés sous le charme, mais il faut s’accrocher", confie-t-elle d’emblée.

Inhabité depuis plus de dix ans, ayant perdu des pans de colombages remplacés après-guerre par des moellons en pierre, ainsi que son toit en tuiles "Bieberschwantz" traditionnelles, la restauration de l’édifice prendra des années.

"Il y a énormément de travaux. Nous devons mettre les mains dans le cambouis pour tout refaire en respectant les méthodes traditionnelles. On a déjà réinstallé du colombage au rez-de-chaussée. Il reste encore beaucoup à faire à l’intérieur".

Coût estimé de l’opération, plus de 100.000 euros. En décembre dernier, la Fondation du patrimoine a donné un sérieux coup de pouce au couple en lançant un appel aux dons pour redonner son lustre d’antan à la ferme dite "‘s Weileschnieder’s", signifiant littéralement "du tailleur Weil" construite en 1719.  

"Les travaux de restauration permettront d’assurer la pérennité de ce bâtiment typique de l’Alsace. L’objectif de la collecte est fixé à 16 000 €", est-il précisé dans un communiqué.

Un soutien financier "qui nous conforte dans notre envie et notre courage" salue la propriétaire. "Ça fait un moment qu’on attend ça. La ferme est située sur la place centrale du village, ça va l’embellir un peu plus », renchérit le maire d’Engwiller, Jean-Luc Leonhard, qui précise que le conseil municipal envisage également de subventionner le projet. "On va continuer à les soutenir financièrement".

« Sauver le patrimoine, c’est primordial » 

Pour l’heure, plus de 1800 euros ont déjà été récoltés. Une belle histoire qui met du baume au cœur à Bernard Duhem. Président de l’association pour la sauvegarde de la maison alsacienne (ASMA), lui garde en tête le destin tragique d’une maison datée de 1662, rasée en septembre dernier à Geudertheim pour construire une école. Une décision communale qui avait eu un important retentissement puisque Stéphane Bern en personne avait écrit au maire du village pour crier son incompréhension. "Je suis meurtri par votre acte de vandalisme qui ne détruit pas seulement un morceau du patrimoine, mais un pan entier de la mémoire alsacienne", avait clamé le Monsieur patrimoine du gouvernement, ulcéré.

"Qu’un élu du peuple face une telle action c’est grave. La volée de bois vert médiatique qui s’en est suivi derrière était méritée", affirme Bernard Duhem.

Plus qu’une destruction, un crève-cœur, contre lequel s’était ardemment battu l’ASMA, qui mène au quotidien bien d’autres batailles sur le champ de la sauvegarde du patrimoine local. Dernièrement, l’association a eu vent d’un autre projet de démolition de bâtisse historique, à Brinckheim, dans le Haut-Rhin.

"Quand on a vent de projets comme ça, on essaie de voir ce qu’on peut faire pour agir. Mais on ne peut pas sauver toutes les maisons", concède-t-il.

Heureusement, pour défendre ce qu’il reste à défendre du passé architectural alsacien, les membres de l’association – 800 personnes, un nombre en forte hausse depuis un an - peuvent compter sur la jeunesse, ardente défenseuse des vieilles pierres et de ce qu’elles représentent.

"Ça fait plaisir de voir des personnes s’engager pour des restaurations. Pas obligatoirement dans des secteurs touristiques d’ailleurs. Hier encore j’ai eu une jeune maman au téléphone parce qu’elle veut restaurer une maison. C’est très net. Les jeunes veulent défendre le patrimoine. Ça représente leurs racines. Le patrimoine rural fait partie de nos racines. Ceux qui ne le comprennent pas se trompent".

Loin de signifier un repli sur le passé, pour beaucoup d’entre eux il s’agit aussi de se tourner vers l’avenir. Du côté d’Engwiller, Carole et son mari envisagent d’organiser des visites de leur maison plusieurs fois dans l’année pour faire connaître les traditions architecturales et pourquoi pas, susciter d’autres envies de rénovations.

Pour faire un don, rendez-vous sur www.fondation-patrimoine.org/67509. Il est également possible d’adresser votre chèque libellé au nom de la Fondation du patrimoine - ferme d’Engwiller - 9 place Kléber - 67000 Strasbourg. La Fondation du patrimoine fera parvenir à chaque donateur un reçu fiscal.