PORTRAIT - Sandrine, instagirl alsacienne aux 50 nuances de gris... dans les cheveux

Pas de gentille fessée ici. Mais un bon coup de pied. Dans le jeunisme à tout crin. Sandrine est une "instagirl" alsacienne de 52 ans qui porte haut ses cheveux gris. Façon de montrer qu'une femme mûre n'est pas pourrie. Et qu'avoir des cheveux gris, c'est la vie. La belle vie. 

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Vous ne saurez que son prénom : Sandrine. Et qu'elle a les cheveux gris. Paradoxalement, l'instagirl alsacienne, forte de 21.000 followers, très exposée sur les réseaux sociaux, en culotte ou en gros pull angora, préfère garder ici l'anonymat. " Je suis fonctionnaire, je préfère séparer ma vie publique et ma vie privée même si bien sûr personne n'est dupe." 

Femme mûre

Au téléphone, son rire rebondit comme une eau de montagne. Rafraîchissant et primesautier. Sandrine n'est pourtant pas, comme d'aucun dirait, de toute première fraîcheur. A 52 ans, elle fait partie des "femmes mûres". Mûres certes mais pas pourries. Loin s'en faut. 
 

" Ce n'est pas parce qu'on a des rides, qu'on est ménopausée, qu'on a les cheveux gris, qu'on est bonne à être jetée à la poubelle. Autant les hommes grisonnants sont acceptés par la société, autant les femmes non. Pour elles, les cheveux gris sont encore synonymes de mort sociale. C'est tablier de cuisine à fleurs et garde des petits-enfants. Même dans les publicités, les films, il y a toujours ce diktat du jeunisme qui montre des nanas jeunes et souples. A la chair bien rose. Pour être belle, il faut être jeune. Les femmes plus âgées ne sont pas visibles. On cache le moindre signe de vieillesse." Lifting, maquillage à la truelle, photoshop et bien évidemment : la coloration des cheveux. La séduction a un prix : l'oubli de soi. 
 

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Les cheveux gris, cette bête noire


Dans ce contexte, difficile pour une femme de voir ses cheveux blanchir. Pour certaines, c'est le début de la fin. Pour d'autres le début d'un abonnement à vie chez le coiffeur.
 
Et dans une certaine mesure, pour Sandrine, ça l'a été aussi. Jusqu'à ce qu'elle n'en fasse plus qu'à sa tête grise. Toute grise. " Dans la famille, on a un bon capital de départ. Ma cousine a eu les cheveux poivre et sel à 20 ans. Moi j'ai eu mes premiers cheveux blancs à 15. Du coup, depuis mon adolescence, j'ai enchaîné les shampoings colorés puis quand c'est devenu vraiment problématique les colorations chez le coiffeur. En fait, jusqu'à ce que je me décide à arrêter cette spirale, j'avais jamais vu mes vrais cheveux, mes cheveux gris. J'avais peur d'être jugée."

Je n'ai pas supporté mon reflet dans le miroir
- Sandrine - 

Il a fallu attendre cette rencontre. Dans les rues de Saverne en 2012 pour que Sandrine s'interroge un peu sur cette pression sociale qui lui pesait sur la tête : " J'ai vu une femme, une étrangère, qui portait ses cheveux gris, longs. J'ai trouvé ça chic, magnifique. Je me suis dit je vais essayer. Une catastrophe. Je n'étais pas prête, je n'ai pas supporté mon reflet dans le miroir. Horrible. J'ai replongé. Je me suis recolorée les cheveux."
 

La revanche d'une blande

" J'ai retenté en 2016. Cette fois c'était la bonne. Après trois heures passées chez le coiffeur pour une coloration je lui ai dit : c'est la dernière fois. C'est fini. Mais j'avais besoin de soutien. Le mouvement Silver Sisters aux Etats Unis, très actif, sur les réseaux sociaux, m'a beaucoup aidé. Ces femmes m'ont apporté leurs expériences, leurs conseils. Là-bas, elles étaient très en avance sur nous." L'heure de la revanche a sonné. La revanche des blandes. 

En France, c'est Sophie Fontanel qui a ouvert la brèche avec son roman autobiographique "Une apparition" publié en 2017. La journaliste de mode raconte comment à 53 ans, elle décide d'arrêter de se teindre les cheveux et prône la "blandeur".
 
La blandeur exige une certaine ardeur de caractère. "Au début, ça a été très difficile. Quand mes racines grises ont commencé à se voir on m'a dit : tu fais négligée, tu veux des sous pour aller chez le coiffeur ? Ce genre de choses." Sandrine a tenu bon. Mieux : elle a revendiqué.
 

"Je ne me suis jamais sentie aussi libre qu'aujourd'hui " 


"J'ai commencé à faire des photos de moi sur mon compte Instagram , grey_so_what, j'ai mis mon profil en public." Désormais, Sandrine montrera tout. Presque tout: " Les rides, le gris, le ventre, la gueule au réveil sans maquillage. Je fais une photo par jour. Sur mon compte, j'ai une belle communauté de femmes, 21 000 quand même qui partagent les mêmes valeurs que moi. La même transgression presque : assumer de vieillir. Moi, je dis fuck aux standards véhiculés partout et je ne me suis jamais sentie aussi libre. Montrer ses cheveux gris, c'est montrer qu'à 50 ans, on peut séduire ménopausée, ridée et avec un corps détraqué. Qu'on peut être heureuse." 

Assumer son âge, est un acte de rébellion. " C'est une seconde vie qui commence. C'est tout."  Et quelle vie.

Je dis fuck aux standards
-Sandrine-


Grâce à ses cheveux gris, Sandrine est devenue l'égérie de toute une génération étouffée sous l'ammoniaque. " Ce qui était pour moi une fatalité est devenue une opportunité." Mieux : un étandard. En 2019, Sandrine est approchée par une marque de lingerie pour promouvoir culottes et soutifs. "C'était une expérience formidable avec Camille Cerf, ex-miss France. J'ai 50 ans et je suis sur les réseaux sociaux en culotte."

Puis c'est au tour de la marque Soi Paris de lui proposer une campagne publicitaire. Tout s'enchaîne. En novembre dernier, Sandrine est invitée par le groupe LOréal à participer à une réflexion sur le phénomène Silver. Genre de brainstorming pour comprendre et mieux cibler ces quinquas qui ne manquent pas de toupet.
 

"Je participe peut-être à une nouvelle injonction, à cette idée qu'il faut vieillir d'une certaine façon, dans mon cas en restant active et en faisant du sport ..."  L'Oréal a, en tous cas, bien compris la leçon. Jane Fonda, l'égérie de la marque, a fait sensation avec ses cheveux gris, heu pardon  "blond argenté glacé" lors des derniers Oscars. A 83 ans, il était temps. 
 
Peu importe finalement la récup de ces marques de cosmétiques. Désormais, les femmes ont le droit de (bien) vieillir. Au même titre que les hommes. Et non plus simplement d'être "bien conservées"." Le plus beau compliment qu'on m'est fait c'est : j'aimerais tellement être comme vous quand je serai vieille" conclut Sandrine. Avant d'éclater de rire. Oui vivement 50 ans.
 
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