La Toussaint, c'est évidemment le moment d'aborder le sujet tabou de la mort. Omniprésente en ces temps de virus et d'attentat, entretien avec la psychanalyste strasbourgeoise Marie-Frédérique Bacqué autour de ce qui reste un mystère.
La Toussaint, c'est évidemment le moment ou jamais de parler de nos morts et de LA mort. Profitons-en pour une parenthèse, le 1er novembre c'est bien la fête de tous les Saints, les connus et les moins connus, la fête des morts, elle se déroule le 2 novembre. Mais comme le 1er novembre est férié et pas le 2, la plupart des gens choisissent d'aller fleurir les tombes de leurs défunts le 1er novembre. Fin de la parenthèse.
La mort interroge évidemment puisqu'elle restera à jamais un mystère. Et un tabou aussi. "Oui, la mort est toujours un sujet tabou dans nos sociétés, confirme la psychanalyste, spécialiste et directrice du centre international des études sur la mort Marie-Frédérique Bacqué. Et ce depuis la grande guerre, la première guerre mondiale. L'hécatombe qui a suivi cette guerre a fait que beaucoup de familles ont été endeuillées, se sont retrouvées dans une période difficile, sans homme, avec des difficultés économiques. On n'en parle plus, aussi pour de bonnes raisons, la santé s'est améliorée, l'hygiène, l'alimentation aussi et donc la mort s'est éloignée. On meurt de façon naturelle si ce n'est les situations d'épidémie ou d'attaques terroristes." Justement on est en plein dedans, alors qu'est-ce qu'on peut faire peut-être pour avoir moins peur? demande-t-on à l'auteure d'Apprivoiser la mort et Le deuil.
"La première chose à réaliser, c'est que la mort est dans la culture, il nous faut donc en parler et pas seulement en terme économique, c'est-à-dire je veux une crémation, je veux un enterrement, mais parler avec sa famille avec ses amis de ce qu'est la mort pour moi, de ce que je désire si je disparais, quel souvenir je vais laisser. La deuxième chose c'est de préparer sa mort, la mort elle est essentiellement naturelle, on meurt quand on est très âgé mais en cas de brutalité de la mort, il faut avoir réfléchi à cela et discuter avec sa famille autour des cérémonies comme la fête des morts ou la Toussaint puisque c'est le moment où on se réunit ou on parle des morts passés et des morts à venir justement."
Faire son deuil, c'est aussi au coeur du questionnement autour de la mort. Avec le confinement, certaines familles n'ont justement pas pu faire de cérémonies voire pas pu accompagner leurs proches. "c'est vraiment terrible, les familles ont énormément souffert et tentent de rattraper les choses par des cérémonies rétrospectives mais ce ne sont pas du tout les mêmes effets, on a besoin d'être accompagné on a besoin de rencontrer du monde quand on est en deuil, on a besoin de célébrer ensemble les disparus parce que la mort n'est pas seulement biologique, elle est aussi une filiation à rappeler, à respecter, elle est aussi synonyme de projet et d'espoir parce que tout le monde espère qu'après la mort il reste quelque chose. Cette trajectoire s'affine au fur et à mesure du vieillissement, on perd les gens de sa génération c'est le moment où on va discuter de ce que je veux moi, pour les restes pérennes comme les tombes, ou les photos mais aussi ce qu'il reste de moi après la mort. Et c'est pourquoi, c'est intéressant de bien préparer sa vie de façon à ne pas disparaitre complètement après sa mort et au contraire dans sa vie réaliser un certain nombre de choses que l'on souhaite."