Procès de l'attentat de Strasbourg : "jamais je n'ai su que cette arme pourrait servir à un attentat"

Le procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg s'est ouvert ce jeudi 29 février à Paris. Pour ce premier jour d'audience, plusieurs victimes et leurs proches ont garni les bancs de la salle d'audience. Ils font face pour la première fois aux accusés.

Cinq ans après l'attentat du marché de Noël de Strasbourg, le procès s'est ouvert à Paris ce jeudi 29 février 2024. Des dizaines de victimes, parties civiles et proches étaient présentes pour ce premier jour. À quelques mètres d'eux, le principal accusé, Audrey Mondjehi, en l'absence du terroriste Chérif Chekatt.

Au moment de passer les portiques de sécurité, tout le monde se croise, se salue d'un hochement de tête. Avocats, parties civiles, journalistes. Ils sont tous là, devant la salle "Grands Procès" pour le début de cinq semaines d'audience devant la cour d'assises spéciales. 

C'est le moment pour les avocats et les témoins de l'attentat qui veulent parler de s'approcher des micros. "Les victimes savent que ça va être une épreuve. Il va falloir se confronter aux accusés. Avec une seule idée, suivre les débats et comprendre. Les victimes ont besoin de comprendre qui était Chérif Chekatt et surtout comment il a pu être à ce point aidé par ceux qui sont poursuivis", annonce Claude Lienhard, avocat de nombreuses parties civiles.

Je ne redoute pas ce procès, je l'attends

Clarisse Irchak Marzouk

Témoin de l'attentat

Clarisse Irchak Marzouk était vigile dans le magasin Auchan du centre-ville de Strasbourg le soir de l'attentat. Elle a vu Ahmad Kamal Naghchband rendre son dernier souffle devant ses enfants, lui qui a été tué d'une balle dans la tête. Très émue, elle attend beaucoup de ce procès, qui doit durer cinq semaines. "Ça va être difficile, surtout quand je vois les enfants grandir sans leur père. Mais je ne redoute pas ce procès, je l'attends. J'espère que celui qui a fourni l'arme aura une grande sentence. Il y a des familles brisées et ça, c'est inacceptable."

Puis l'immense salle d'audience se garnit. Chacun s'installe sur les bancs qui leur sont réservés : "Parties Civiles", "Presse", "Public"... On discute, on se serre dans les bras. Des enfants sont là. Ceux d'Ahmad Kamal Naghchband.

Parties civiles et accusés séparés de quelques mètres seulement

Avec 45 minutes de retard, l'audience démarre. Les quatre accusés se présentent à la barre. D'abord ceux qui comparaissent libres. Frédéric Bodein s'approche. Bien qu'il porte des manches longues, on devine des tatouages sur le dos de ses mains et sur son cou. Vient ensuite son frère Stéphane, crâne dégarni et main dans le dos. Les deux frères de Sélestat indiquent qu'ils travaillent dans l'achat et la revente de voitures.

Christian Hoffmann s'approche enfin. Le Hagenovien porte un pull noir. Chauve, barbu, il explique être sans emploi mais avoir une promesse d'embauche dans la mécanique automobile. Il rejoint les frères Bodein sur le côté pendant que dans le box des accusés, un colosse se dresse.

Audrey Mondjehi, 42 ans, était resté jusqu'alors assis, la tête baissée. Chemise d'un blanc impeccable sur le dos, il décline son identité à la présidente tout en regardant au sol, les mains croisées sur le ventre. "Quelle activité professionnelle occupiez-vous au moment de votre arrestation ?", lui demande la présidente de la cour d'assises spéciale. "J'étais en accident de travail. J'étais agent de sécurité dans une discothèque", répond-il. Après ces déclarations d'identité, la fin de la matinée est consacrée à la constitution des très nombreuses parties civiles.

Qui doit être considéré comme partie civile ? Le ministère public émet des réserves sur les personnes qui n'étaient pas sur le parcours direct de Chérif Chekatt le soir du 11 décembre 2018 comme des cuisiniers de la rue de la Fignette ou les gérants d'un kebab rue de la Lanterne. "Il y a une confusion entre l'émoi provoqué et la réalité d'un préjudice. Sinon, toute la ville de Strasbourg se constitue, et ce n'est pas concevable", lance l'avocat général. Au total, plus de 200 personnes se sont constituées parties civiles.

S'ensuit une discussion, longue mais nécessaire, sur l'organisation des cinq semaines d'audience. Le père de Chérif Chekatt, qui doit déposer le 7 mars, a dit "ne pas avoir le temps" de venir à l'audience. Ce à quoi la défense, les parties civiles et le ministère public répondent d'une seule voix : cet homme, le père du terroriste, doit être entendu. "Tous les moyens doivent être employés pour qu'il comparaisse", assure Michael Wacquez, l'avocat d'Audrey Mondjehi. Une intervention des forces de l'ordre n'est pas à exclure.

Les accusés sont ensuite invités à revenir à la barre pour exprimer quelques mots sur leurs positions. "J'ai donné le numéro [d'Albert Bodein, le fournisseur de l'arme] sans savoir ce qui allait se passer", affirme Frédéric Bodein, les manches relevés. "Je n'ai rien à voir avec cette histoire. Je ne comprends même pas pourquoi j'ai été en détention pour ça", complète son frère Stéphane.

Christian Hoffmann est le seul à avoir un mot pour les nombreuses victimes de l'attentat. "Toute ma tristesse va pour elles. Et je n'ai rien à voir avec cette idéologie, avec le terrorisme", assure-t-il.  Audrey Mondjehi conclut depuis son box. "Je me suis rendu moi-même au poste de police, je suis prêt à répondre à toutes les questions. Mais jamais je n'ai su que cette arme pourrait servir à un attentat."

"Il attend ce procès depuis un moment. Il veut s'expliquer, il n'a jamais été fermé dans un silence et a toujours été dans une logique d'explication. Il l'a d'ailleurs fait en se rendant à la police deux jours après les faits, dans cette quête de vérité", avait annoncé son avocat Michael Wacquez. Son client a cinq semaines pour se justifier.

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