Stationnement impossible, circulation difficile : quand le marché de Noël de Strasbourg crispe les soignants

Circulation très mauvaise, accès compliqués et places dédiées aux soignants non respectées. Il vaut mieux ne pas avoir besoin d'un médecin ou d'un infirmier au centre-ville de Strasbourg en plein marché de Noël.

À Strasbourg, pendant la durée du marché de Noël, quelques places de stationnement sont dédiées aux soignants, à proximité de la grande île. Elles leur permettent de se garer rapidement pour se rendre chez leurs patients, sans avoir à tourner des dizaines de minutes parfois. Un marquage jaune au sol, les termes "personnel de santé" et dans certains cas un panneau matérialisent des emplacements dédiés. Mais cela ne suffit pas à dissuader les automobilistes de s'y garer.

Sophie, infirmière libérale, s'arrache les cheveux à chaque fois qu'elle en aurait besoin pour visiter un patient. "On perd déjà beaucoup de temps dans la circulation, alors je n’ai pas le temps d’appeler la police pour réussir à me garer. On m'a dit qu'il fallait le faire pour que les agents municipaux mettent la voiture en fourrière, imaginez le temps que ça pourrait prendre. Si seulement les gens faisaient preuve d'un peu de civisme !"

Un manque de civisme qui coûte pourtant cher à de nombreux automobilistes. La ville de Strasbourg affirme de son côté que les personnes non autorisées qui stationnent sur ces places sont verbalisées quotidiennement. Depuis l’ouverture du Marché de Noël, 83 verbalisations ont déjà été enregistrées.

Sophie est infirmière à domicile depuis quatre ans et la période du marché de Noël lui procure un stress supplémentaire. "J'ai du matériel volumineux, je transporte de gros pansements, des perfusions, je dois parfois chercher des médicaments pour un mois pour une personne qui ne sort pas de chez elle, donc j'ai souvent de gros sacs, et ma voiture est pleine."

Impossible de se passer de la voiture

"Je transporte aussi de la morphine, je dois faire très attention. C'est impossible de mettre tout ça sur un vélo. Et puis dans une même journée, je vais en ville et beaucoup en dehors aussi. Je ne peux pas m'organiser autrement."

J'ai du matériel volumineux, je transporte de la morphine, je ne peux pas me passer de la voiture pour travailler.

Sophie, infirmière libérale

"La politique de la ville est bien pour les piétons, pour les cyclistes. Mais pour un infirmier libéral en voiture qui doit se rapprocher du domicile de ses patients, c'est vraiment compliqué. Et puis je suis payée à l'acte. Donc quand je tourne 20 ou 30 minutes pour trouver une place, c'est un stress pour moi : je ne suis pas payée pendant tout ce temps et je prends du retard sur ma tournée."

Elle se souvient de ce soir de fin novembre, au tout début du marché de Noël. "Une patiente qui habite sur la grande île m'a appelée, elle est alitée et avait du mal à respirer. Un médecin lui avait déjà dit qu'il ne pouvait pas s'y rendre, il a fallu envoyer une ambulance. J'y suis allée très vite, je me suis garée sur un trottoir n'importe comment, c'était un moment crucial pour elle, elle avait besoin d'une prise en charge rapide, je n'ai pas eu le choix."

L'infirmière libérale aimerait que les places dédiées soient pérennisées toute l'année, pour habituer les gens au marquage.

Pas de macarons d'accès pour SOS Médecins cette année

"Les places dédiées [pendant le marché de Noël], c'est une arnaque : elles sont toujours occupées." Même constat pour Dan Sellam, médecin et président de SOS Médecins Strasbourg. "La grande île, pour nous cette année, c'est impossible d'y aller."

Chaque année, la ville organise une distribution de macarons d'accès à la grande île pendant le marché de Noël, mais cette fois-ci, le système est défaillant. "D'habitude, les 43 médecins de notre association ont le droit d'en avoir un, avec l'accord de l'ARS. Mais cette année, il y a eu un couac d'ordre administratif. On est le 7 décembre et nous n'en avons pas un seul. Alors si on nous appelle pour une consultation sur la grande île, on rebascule sur le centre 15 ou on envoie une ambulance. C'est une année plus compliquée que d'habitude, c'est sûr."

Si les patients peuvent se déplacer, ils sont invités à se rendre dans l'un des quatre cabinets de SOS Médecins de l'Eurométropole (prise de rendez-vous en ligne aussi). Les cabinets de Cronenbourg et Neudorf sont ouverts tous les jours. Ceux de la rue du Travail (dans les murs de l'hôpital de Strasbourg, pour désengorger les urgences) et de Schiltigheim ont des horaires de garde.

Mais chaque année, Dan Sellam et ses collègues redoutent les visites pendant le marché de Noël. "Il y a un premier check point, puis un deuxième, et puis il faut dire aux piétons que la voiture est autorisée dans le centre-ville. Les gens ne se poussent pas, ils râlent. Ils sont venus pour se promener et faire des photos, donc tout le reste peut attendre, y compris un véhicule de secours."

Les gens ne se poussent pas, ils râlent. Ils sont venus pour se promener et faire des photos donc tout le reste peut attendre, y compris un véhicule de secours.

Dan Sellam, président de SOS Médecins Strasbourg

Et ce problème avec les piétons, les médecins le rencontrent sur d'autres événements. "Dès que la ville est fermée aux voitures, c'est une galère pour assurer nos consultations. Pour Octobre rose par exemple, la rue est réservée aux coureurs, c'est impossible d'emprunter certains axes".

Comme pour Sophie, Dan Sellam ne s'imagine pas transporter tout son matériel à pied, s'il se gare loin. "Je dois porter une bouteille d'oxygène, un électrocardiogramme et un gros sac, c'est franchement compliqué. Et si les médecins doivent fournir un maximum d'énergie pour leur visite, ils le feront une fois, mais pas deux."

Vivement le 25 décembre

Pour les prochaines semaines, le problème technique des macarons de SOS Médecins devrait se résoudre, ce qui simplifiera le quotidien des généralistes qui se déplacent à domicile.

Mais Sophie l'infirmière et Dan le médecin attendent avec impatience Noël et surtout la fin du marché de Noël de Strasbourg, le 24 décembre au soir. "Une fois que c’est fini, la circulation sera plus normale", assure Dan Sellam.

"Mais je suis fataliste. Les piétons sont peu compréhensifs, on ne peut pas changer grand-chose à cela. Ça restera toujours compliqué de circuler avec une voiture médicale dans l'hypercentre."

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