Du 22 octobre au 15 mai, le Palais Rohan de Strasbourg accueille l'exposition de 27 œuvres au statut juridique particulier. Il s'agit d'œuvres dites "MNR", spoliées par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, récupérées en Allemagne, et non réclamées depuis.
Les œuvres "MNR" (pour "Musées Nationaux Récupération") sont ces tableaux et objets retrouvés en Allemagne et en Autriche après la Seconde Guerre mondiale, pour la majeure partie spoliés à des familles juives sous l'occupation nazie, et dont on ne connaît pas les propriétaires. 27 d'entre elles sont exposées à partir du 22 octobre au Palais Rohan, à Strasbourg.
Paul Lang, le directeur des Musées de Strasbourg, parle d'une exposition "un peu paradoxale" : "Elle présente des œuvres que nos habitués connaissent depuis des années. Car nombre d'entre elles sont présentées dans le parcours permanent de quatre de nos musées. Le public pouvait croire que nous en étions les propriétaires, mais il n'en n'est rien. Nous n'en sommes que les dépositaires."
En effet, sept objets et vingt peintures trônent entre les murs du musée des Arts décoratifs, du musée de l'Œuvre Notre-Dame, celui des Beaux-Arts et le musée d'Art moderne et contemporain. Jusqu'au 15 mai 2023, toutes ces pièces sont rassemblées dans un seul et même lieu : "Avec cette exposition, les Musées de Strasbourg perpétuent leur devoir de mémoire. Car il ne faut pas oublier qu'elle a une dimension tragique."
Après la Seconde Guerre mondiale, les Alliés ont renvoyé en France pas moins de 61.000 œuvres spoliées par le régime nazi sous l'occupation. Pendant cette période, l'Allemagne nazie commet des prises de guerre, pille des biens qui appartiennent à des familles juives, et les galeries appartenant à des juifs sont séquestrées, leurs collections confisquées et "aryanisées".
Dès 1943, un groupe est nommé par les Américains. Officiellement appelé le "Monuments, Fine Arts, and Archives program (le programme de sauvegarde de l'art, des monuments, et des archives), il est plus connu sous le nom des "Monuments Men". Ces hommes suivent les troupes et ont pour mission de retrouver les entrepôts où les nazis cachaient toutes ces œuvres pillées. 45.000 sont ensuite restituées à leurs propriétaires ou à leurs ayants droit. Entre 1949 et 1953, une commission de choix en sélectionne 2.000 et leur confère un statut particulier, celui de MNR : les œuvres sont inscrites sur des inventaires provisoires des musées nationaux. Ceux de Strasbourg en comptent donc 27.
Les œuvres présentées faisaient très probablement partie de collections privées : "Il n'y a pas de peintures d'histoire. Ce sont essentiellement des scènes de genre, des nus et des natures mortes. Nous avons quatre tableaux qui correspondaient aux goûts de Hermann Goering (considéré comme le deuxième personnage le plus important du régime nazi et un très proche d'Adolf Hitler, ndlr). On sait qu'il privilégiait les grands nus féminins tout comme les scènes galantes françaises."
Nous aimerions pouvoir restituer les 27 œuvres à leurs légitimes propriétaires.
Paul LangDirecteur des musées de Strasbourg
S'il s'agit d'une exposition artistique, elle a également un but juridique : "Dans l'idéal, nous aimerions pouvoir restituer les 27 œuvres à leurs légitimes propriétaires. La situation est figée depuis 1950, donc c'est un peu hypothétique. Mais on voit que depuis 70 ans, sur les plus de 2.000 œuvres classées MNR en France, presque 200 ont pu être restituées. Donc il ne faut jamais perdre espoir!"
Deux hommages rendus à Hans Haug et Rose Valland
Si cette exposition voit le jour, c'est en partie grâce au travail du directeur des musées de Strasbourg entre 1945 et 1963, Hans Haug. En 1945, il a activement participé aux restitutions des œuvres spoliées vers Strasbourg. La capitale alsacienne est d'ailleurs celle de province qui en compte le plus : "Il bénéficiait d'une très grande estime de la part des autorités. Il a pu réclamer un maximum de MNR, essentiellement au musée des Beaux-Arts", salue son successeur.
Un hommage est également rendu à Rose Valland (1898-1980). Cette "attachée bénévole" au musée du Jeu de Paume à partir de 1932 a pris clandestinement des notes sur toute la logistique des nazis pour acheminer les œuvres pillées vers l'Allemagne. Des informations-clés pour permettre le retour de toutes ces pièces d'art vers leurs propriétaires.