C'est l'embouteillage dans les centres périscolaires strasbourgeois. Alors que l'année scolaire vient de débuter, le centre social du Cardek, dans le quartier de la Krutenau, est en incapacité de répondre favorablement à toutes les demandes. Un manque structurel de locaux, plaide le directeur.
Des dizaines de parents hébétés, rassemblés spontanément pour comprendre ce qui leur arrive. C'est la scène qui s'est produite ce matin devant le centre socio-culturel du Cardek, à la Krutenau à Strasbourg. En ce jeudi 1er septembre de rentrée, tous ont reçu un mail de Manuel Santiago, directeur du centre, annonçant la sentence : leurs enfants sont toujours sur liste d'attente, et ne pourront pas être accueillis après l'école. Pour le moment.
"Ma fille était inscrite l'année dernière, ce n'est pas ma première fille à y être, et ça s'est toujours bien passé", explique un parent, qui ne comprend pas ce qui a pu se passer. Son dossier de candidature ? Envoyé et en instruction au mois de juin. Mais dès le mois de juillet, une seule réponse de la part de l'accueil : "Vous êtes sur liste d'attente, réessayez d'appeler et je vous tiens au courant."
Pour finalement réaliser, le jour de la rentrée, que la liste d'attente n'a jamais décanté, et qu'aucune solution n'a été trouvée. "On aurait dû être alertés il y a un mois", plaide le même parent, qui explique devoir "quitter le travail plus tôt" pour aller chercher sa fille... une situation que son "employeur ne devrait pas apprécier longtemps". Une agence privée de garde ? "Elle me demande 800 euros par mois pour deux heures par soir."
Manque chronique de locaux depuis 20 ans
Devant l'urgence, le directeur du Cardek organise mercredi 8 septembre une réunion à 18h au 1 place des Orphelins, avec les parents des enfants encore sur liste d'attente. "Ils sont une centaine : 60 demandes pour le soir et on en a déjà 80, et 30 pour le mercredi après-midi" pour autant d'enfants déjà accueillis, détaille Manuel Santiago. Une situation d'urgence loin d'être nouvelle selon lui :
C'est comme ça depuis 5-6 ans, à chaque rentrée. C'est un quartier extrêmement attractif, avec de plus en plus de classes, de parents, de constructions. Mais on n'a pas de nouveaux locaux depuis 2003.
Pour lui, il n'y a qu'une seule solution viable à long terme : "Créer un deuxième accueil de loisir sans hébergement (LSH)", en plus de celui déjà existant, pour doubler les capacités d'accueil d'enfants. Une solution qu'il réclame depuis de nombreuses années, tout en affirmant avoir été "ignoré totalement par la mandature précédente" qui aurait laissé le problème trainer sans résolution jusqu'au point de non-retour actuel.
Famille monoparentale recherche solution désespérément
Car, spécificité strasbourgeoise, les centres périscolaires de la commune sont gérés, à part ceux de la petite enfance, par des associations subventionnées par la CAF, la ville et le département. Mais dans les faits, "la ville ne nous donne pas assez de locaux", "on est un centre sous-financé alors qu'on a une énorme activité", et "le département a complètement écarté la Krutenau de sa politique socio-culturelle", liste Manuel Santiago. Joli bingo.
En juin 2019, enfants, parents et équipes du centre avaient défilé jusqu'au conseil départemental pour réclamer des sous et des locaux. "On nous a promis des investissements, des moyens... Deux ans après, rien."
Résultat : de nombreux parents se retrouvent sans aucune solution, comme en attestent les mails envoyés durant l'été au directeur. L'un travaille "à temps plein 38h/semaine dans un commerce de bouche qui a été en première ligne pendant tant de mois lors des deux confinements". Un autre est "sage-femme d’accompagnement global et fais des astreintes de 24h environ 2 à 4 fois par semaine". Qu'ils soient "parent isolé et n'ayant aucune famille sur place" ou "célibataire travaillant", tous se retrouvent démunis face à cet embouteillage.
Ras-le-bol du "mieux que rien"
Aujourd'hui, Manuel Santiago fera probablement ce qu'il fait tous les ans : "Trouver une solution d'urgence, en accueillant plus d'enfants dans de moins bonnes conditions." Mais à une seule condition : que des solutions de long terme soient aussi apportées. "J'en ai marre du "mieux que rien", il faut résoudre le problème une bonne fois pour toutes."
Il affirme cette-fois être en contact avec la municipalité, dont les adjoints "nous ont oubliés pendant un an" mais "sont au courant et ont promis de me rappeler avant la fin de la semaine". Avec, il l'espère, des solutions à apporter aux parents lors de la réunion de mercredi. Contactée, la ville de Strasbourg n'était pas encore en mesure de réagir à l'heure de publication de cet article.
Le directeur du Cardek l'affirme en tout cas : l'année prochaine, il ne fera pas de liste d'attente. "Cette année, on a ouvert les candidatures en avril et on était complet en mai. Alors si c'est non, ça sera non." On ne l'y reprendra plus.