Strasbourg : "Cet arrêté anti-mendicité est contraire à la raison, c'est un moment d'égarement"

Syamak Agha Babaei ne mâche pas ses mots. Le vice-président de l'Eurométropole est devenu le fer de lance du combat mené contre l'arrêté anti-mendicité pris par le maire de Strasbourg le 25 avril dernier. Un arrêté qu'il juge inutile. Et surtout incompatible avec les valeurs humanistes rhénanes. 

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Syamak Agha Babaei n'est pas un mouton qu'on se le dise. Ou peut-être si justement. Un mouton noir. Celui qui dérange. Celui qui, littéralement, sort du rang. Le vice président en charge de l'habitat à l'Eurométropole de Strasbourg sème la pagaille dans la majorité. En donnant son avis, très défavorable, sur l'arrêté anti-mendicité agressive pris par Roland Ries, le maire de Strasbourg le 25 avril dernier. En défendant ses convictions. Humanistes assurément.
 


"Je ne peux pas taire mes convictions"

Il a été le tout premier à décrier cet arrêté anti-mendicité. Quitte à créer une sacrée chienlit au sein de la majorité municipale. Quitte à se faire (entre autres) vertement tancer par Roland Ries. Qu'importe Syamak Agha Babaei est aussi médecin urgentiste. Il sait composer avec les situations de crise. Avec un calme désarmant.
 


" La politique ce n'est pas la cour de récré. Je ne me considère pas comme un élève qui vient de se faire gronder. Je n'ai pas une conception godillot de la politique. Ça fait partie du siècle dernier ça. Moi si je suis élu c'est parce que je représente des opinions et ces opinions je me dois de les exprimer. Je ne représente certes pas l'ensemble des Strasbourgeois mais j'en représente certains. Et c'est déjà pas mal. Je ne peux pas taire mes convictions. Sans animosité pour personne." 

Je n'ai pas une conception godillot de la politique
- Syamak Agha Babaei, vice pdt de l'Eurométropole -
 

Pour lui, cet arrêté anti-mendicité, une première pour la municipalité de centre-gauche, est "un moment d'égarement". Ni plus ni moins. " Il y a sûrement du avoir des pressions des habitants et des commerçants des quartiers ciblés par l'arrêté. C'est juste pour dire à un certain public, on a fait quelque chose.  La ville est un territoire conflictuel de toute façon. C'est comme ça. Mais il faut dialoguer pas exclure. S'il y a un délit de la part des SDF, hé bien, il y a la loi. Sinon la ville appartient à tout le monde. Pas qu'aux touristes, pas qu'aux commerçants. Pas qu'aux riverains. A ceux qui vivent dans la rue aussi."  Sa tribune publiée par nos confrères des DNA a recueilli le soutien de plus de cent personnes, citoyens, élus et associations.


 

En finir avec l'imaginaire du pauvre dangereux

Syamak Agha Babaei ne comprend pas cet arrêté. Ni sur le plan éthique. Ni sur le plan pratique. "C'est une mauvaise solution. C'est inutile. Cet arrêté ne va pas résoudre les problèmes, il va les déplacer. En plus, il n'est pas applicable : la police ne va pas rester 24h/24 dans les rues concernées à observer si untel ou untel squatte un peu trop longtemps au même endroit si ? Les mesures sont assez floues: c'est quoi la mendicité agressive ou non agressive ?" Pour lui les solutions sont ailleurs. Ou plus exactement ici mais différentes. 

Il faut défendre les valeurs humanistes. Je lance un appel à la raison.
- Syamak Agha Babaei, vice pdt de l'Eurométropole -


" On doit trouver de la place à tout le monde. Choisir une politique d'apaisement sur le territoire conflictuel qu'est la ville. Les mesures sécuritaires ne sont pas la solution, elles alimentent l'imaginaire autour du pauvre dangereux. On a pas besoin de le renforcer. Surtout quand on parle de l'humanisme rhénan, de la capitale des droits de l'homme. Au contraire il faut défendre ses valeurs. Je lance un appel à la raison."

 

Protester c'est déjà bien. Proposer c'est encore mieux. " Je ne suis pas la contestation mais dans la proposition. C'est important. Si on ne veut plus des gens dans la rue, alors attaquons nous aux problèmes de la pauvreté et du logement. Proposons des solutions dignes du droit à la ville."
 

Des solutions réalistes et immédiates

Alors Syamak Agha Babaei propose :
- La création de places d'hébergement supplémentaires pour les sans-abri. 500 places en deux ans pour commencer. Concrètement 3 millions d'euros par an pour la Ville. "C'est une solution réaliste que la Ville peut se permettre. Elle ne représenterait que 1% de son budget de fonctionnement." Une pétition a été lancée en ce sens via Le Labo Citoyen Strasbourg.
 

Si on ne veut plus des gens dans la rue, alors attaquons nous aux problèmes de la pauvreté et du logement.
- Syamak Agha Babaei, vice pdt de l'Eurométropole -

- L'accompagnement des personnes en addiction. " Il faut renforcer les dispositifs que la ville possède déjà via des parcours d'insertion. Etres plus armés face à ces problématiques récurrentes. C'est aussi ce que propose Alexandre Feltz. (NDLR, adjoint au maire de Strasbourg en charge de la santé publique).

La prise en charge des personnes qui ont des animaux de compagnie. " Il faudrait encourager davantage les intiatives des associations comme celles de l'îlot ou de Lianes. Il faut soigner les dépendances et garder les animaux. Deux conditions importantes de la prise en charge des personnes à la rue." 


Une ville zéro sans abri

Si Syamak Agha Babaei réfléchit de son côté, il invite aussi via le Labo Citoyen (collectif citoyen apolitique et ouvert à tous) chacun à trouver des solutions. "Il faut que ce problème ne soit plus seulement politique mais une considération citoyenne. Que chacun se rende compte qu'il a des capacités à agir et à réfléchir. Que chacun se dise: et si c'était moi qui dormait dans rue ? Et si c'était mes enfants qui souffraient d'une bronchite sous la tente ?" 

Le Labo Citoyen Strasbourg a d'ailleurs proposé ce samedi après-midi lors d'un rassemblement organisé place Kléber la création d'une coalition citoyenne.
 "J'aimerais que Strasbourg soit exemplaire, qu'on se fixe l'objectif de zéro sans abri dans la ville. Lutter contre cette injustice flagrante est une question de fierté."  En attendant ce jour béni, Syamak Agha Babaei ne compte pas que sur les voeux pieux. Le collectif compte déposer un recours au tribunal administratif contre l'arrêté anti-mendicité. 
 

 
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