Je suis allée faire un tour du côté du salon avicole de Strasbourg. Une vraie basse-cour où l'on trouve de drôles d'oiseaux. Au sens propre et au sens figuré.
Travailler le dimanche matin, c'est jamais facile. Mais là, en entrant dans le Hall 5 du Wacken, je me demande franchement si je vais tenir le choc.
Le bruit et l'odeur. Tout ça dans ma face d'un coup d'un seul, oui, je confirme c'est très dur.
Respirer un grand coup ? N'y pensez-pas.
Ambiance (sans l'odeur, bande de chanceux).
©France 3 Alsace
Basse-cour de haut vol
Bref, me voilà donc au salon avicole de Strasbourg. Moi, les oiseaux de basse-cour a priori, ça me passionne moyen moyen. Je trouve pas ça super exotique quoi. Voire carrément bête. Et là avec 1000 volailles et autant de pigeons, je suis servie niveau cerveaux pois chiche.
Grossière erreur. Les drôles d'oiseaux qui m'accueillent vont rapidement me faire changer d'avis.
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C'est Raymond Klipfel, Pdt de l'union avicole du Bas Rhin, et Serge Scheffler, son acolyte qui me font faire le tour du propriétaire. Dans les cages : 3000 animaux, 1/3 de lapins, 1/3 de volailles et 1/3 de pigeons auxquels se rajoutent une centaine de cobayes.
Première découverte : l'aviculture, contrairement à ce que sa racine signifie ( avis = oiseaux ), regroupe tous les animaux de basse-cour et même les cobayes.
Car oui messieurs dames, le cobaye peut être un animal de basse-cour. Voici Girolle, dont la mèche reste toujours impeccable dedans comme dehors, qu'il vente ou qu'il neige.
ITW Anne Sophie Chantelot, éleveuse de cobaye
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Voisins radins, lapin dans le jardin
Mes deux accompagnateurs m'expliquent que ce salon existe depuis 1926. C'est un des plus ancien de France. Parce qu'ici dans l'Est (attention je n'ai pas dit dans le Grand Est), l'aviculture c'est une tradition.
Deuxième découverte.
Il y a 20 ans par exemple, l'Alsace Moselle regroupait 70% des aviculteurs de France. Enorme. Il y a 10 ans, ils y étaient encore 120 000 éleveurs de loisir. Enorme.
Raymond me dit que c'est (encore) une spécificité historique et culturelle. La faute aux Allemands (encore) qui ont apporté à l'Alsace Moselle le goût du ragoût de lapins et de volailles en même temps que celui des économies. "Pour les Allemands, un sou est un sou. Ils ont tous un lapin et une poule dans le jardin pour manger. Il y a 400 000 aviculteurs amateurs là-bas, vous vous rendez-compte ! contre 15 000 actuellement en France".
Aujourd'hui en Alsace Moselle, la tradition se perd un peu. Ils ne sont plus que 7000 aviculteurs. "Le mode de vie a changé, on peut plus élever des coqs partout comme avant. Avant, y avait une union avicole par village et un coq dans chaque jardin, pour le coq au vin du dimanche. C'est malheureux mais c'est comme ça."
"Les gens n'ont plus le temps. L'aviculture c'est tous les jours du 1er janvier au 31 décembre , faire garder les bêtes pendant les vacances, bref c'est du travail". Sans compter les problèmes de voisinage ....
Serge me glisse "On a tous des problèmes de voisins à cause du bruit des coqs. On fait des compromis, on leur donnes des oeufs, parfois ça marche. C'est très délicat tout ça"
C'est aussi et surtout une sacrée passion. De celles qui vous rendent chèvre (c'est un animal de basse-cour ça ?)
Des naissances et des terrines
Raymond lui son truc c'est les lapins des Flandres. Les gros stuck qui pèsent 12 kgs. Les lapins et surtout les pigeons Carrier. Il en possède près de 200.
Des pigeons très rares. Et heureusement qu'ils ne courent pas les rues ....
©France 3 Alsace
" Moi, ces bêtes ça me détend un petit peu. Ca me déstresse. Quand on a eu la pression toute la journée, on rentre le soir, on va s'occuper des animaux et hop, c'est reparti".
Le pigeon Carrier décontrarie.
Et Serge de rajouter " Y a en a qui vont au jardin, nous on va voir nos bêtes, on les bichonne. Et puis quand il y a des naissances, on est heureux" "On les revend, on les échange, c'est comme les transferts au foot mais en moins cher, c'est super"
Et vous les mangez aussi ? Franchement c'est la question que je me pose depuis le début.
" Si un lapin à une oreille de travers, pourquoi pas ?" Là je ne sais pas trop si Raymond se fiche de moi ou pas.
Jean Paul Zimmermann, lui, 21 lapins au compteur, ne blague pas. "Un lapin de plus de trois ans, il finit en terrine mais bon j'ai pas mangé un de mes lapins depuis deux ans". C'est dur quand même, non ? Jean Paul me rassure, c'est un grand sensible. En fait.
"Un jour j'ai eu un super reproducteur, il s'appelait Hansele, petit Jean. Il avait six ans. Je lui avais promis de le laisser mourir de sa belle mort. Mais quand j'ai vu qu'il tiendrait pas le coup, je l'ai tué. Là j'ai pleuré. On y tient à nos animaux".
Et vous l'avez mangé ? " Non, je l'ai enterré dans le jardin".
Le sablé vosgien : un lapin à croquer
Ces drôles d'oiseaux sont des passionnés, vous l'aurez compris. Et grâce à eux, certaines espèces locales, en voie de disparition sont sauvés non pas de la terrine mais carrément de l'extinction.
Ainsi, pour les Sablés des Vosges. Ces petits lapins à la fourrure "thermo sensible" ( là j'ai pas trop compris, mais ça en jette ), 100% bas-rhinois, crée en Alsace par un instituteur zélé.
Désormais grâce au Club des sablés des Vosges (oui ça existe), nos lapins sont sauvés et mieux s'exportent.
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Philippe Richert et ses poules de luxe
Petite anecdote pour la route. Au détour de la conversation, j'apprends de mes guides qu'ils sont un peu inquiets. La démission de Philippe Richert du Grand Est n'arrange pas leurs affaires. Il leur donnait un coup de pouce financier.
Tout simplement parce que l'homme politique est lui-même aviculteur. Il a même été secrétaire de l'Union avicole 67. Alors ça, ça me cloue le bec.
"Il n'aime que les races spéciales" me confie Serge. Grand amateur de lapins béliers anglais et surtout de volailles Anagadori. "des poules japonaises dont la queue peut atteindre 10 mètres de long" , Philippe Richert possèderait aujourd'hui encore des SabelPoot.