Le livreur de 19 ans a purgé sa peine de prison, puis a été expulsé vers l'Algérie comme le prévoyait une obligation de quitter le territoire français antérieure à cette affaire. En janvier 2021, il avait refusé à deux restaurateurs des livraisons au motif qu'il "ne livrait pas les juifs".
Tout a été très rapide dans cette histoire. Jeudi 7 janvier 2021, à Strasbourg, deux restaurateurs se voient annuler deux commandes par le même livreur travaillant pour la plateforme Deliveroo, au motif "qu'il ne livre pas les juifs". Quelques jours plus tard, les restaurateurs, le consistoire israélite du Bas-Rhin et le bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA) portent plainte. Une enquête de police et des relevés GPS de téléphone identifient un seul livreur, qui travaillait grâce au compte prêté par un autre livreur Deliveroo, une pratique courante.
C'est une sanction sévère mais la rapidité dans cette affaire est une bonne chose : cet individu ne nuira plus, et puis il est très important de montrer que la discrimination antisémite est interdite en France.
Le livreur est jugé une semaine plus tard, le 14 janvier, en comparution immédiate par le tribunal de grande instance de Strasbourg. Il a été confondu par des relevés GPS de son téléphone et reconnu par l'un des restaurateurs. Condamné à quatre mois de prison ferme avec mandat de dépôt, il est reparti en détention immédiatement après l'audience. Le tribunal a suivi exactement les réquisitions du parquet.
Sous le coup d'une expulsion
Trois mois plus tard, le jeune homme de 19 ans a été expulsé. C'est dans un tweet que Gérald Darmanin l'annonce samedi 17 avril : "Comme je m’y étais engagé, le « livreur » de repas à domicile qui avait déclaré ne pas vouloir servir des clients juifs a été expulsé aujourd’hui du territoire national, après avoir purgé sa peine de prison. La haine antisémite n’a pas sa place en France."
Comme je m’y étais engagé, le « livreur » de repas à domicile qui avait déclaré ne pas vouloir servir des clients juifs a été expulsé aujourd’hui du territoire national, après avoir purgé sa peine de prison.
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) April 17, 2021
La haine antisémite n’a pas sa place en France. https://t.co/hbNmU8lXog
De nationalité algérienne, le jeune homme était déjà avant sa condamnation sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
"C'est un agréable surprise", a commenté maître Raphaël Nisand, avocat des deux restaurateurs et du bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA), joint par téléphone samedi 17 avril. L'avocat explique que les OQTF sont très rarement appliquées : "il faut pour cela que les autorités françaises soient sûres que, au moment où la personne expulsée arrive dans son pays d'origine, elle sera acceptée par les autorités de son pays, ce qui est loin d'être le cas dans la plupart des affaires d'expulsion. C'est généralement cet accord qui fait défaut dans les autres cas. Là il y a donc eu une coopération internationale sur le cas de ce jeune homme, entre la France et l'Algérie".
Trois mois de prison ferme
Si le livreur n'a purgé que trois mois de prison, alors qu'il a été condamné à quatre mois ferme, c'est une habitude de la justice : "pour un mois de prison, chaque détenu peut avoir une semaine de remise de peine. Cela permet à l'administration pénitentiaire d'obtenir la coopération des détenus, et cela s'applique à tous. En cas de mauvais comportement, le peine intégrale peut être appliquée", rappelle encore maître Nisand.
Ces réductions de peine automatiques pourraient être supprimées dans la "loi pour la confiance dans l'institution judiciaire" que prépare le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti.