Pour pallier l’absence de clients liée à la crise du coronavirus, un hôtel strasbourgeois loue des chambres à des professionnels et artistes indépendants ayant besoin d'un local pour exercer leur activité.
Si vous poussez la porte de la chambre 201 de l’hôtel Graffalgar à Strasbourg, vous n’y trouverez pas le traditionnel lit du voyageur : vous entrerez dans le salon de coiffure d’Esther Sanchez. Voilà deux ans que cette « coiffeuse nomade », comme elle se qualifie elle-même, s’est installée à résidence dans cet établissement situé à deux pas de la gare. « J’ai travaillé pendant vingt ans en studio photo pour coiffer des mannequins ou des comédiens, en transportant en permanence mon matériel avec moi. Et puis j’ai voulu changer de vie et comme j’adore le voyage, les hôtels et les aéroports, c’était comme une évidence de m’installer au Graffalgar. » Et elle n'a pas fait les choses à moitié : comme on le voit sur le post ci-dessous, elle a transformé la chambre en véritable salon de coiffure.
Esther Sanchez et son concept baptisé "chambre numero" a ses quartiers depuis deux ans maintenant dans cet hôtel. Les premiers temps, elle passait de chambre en chambre, qui chacune valent le coup d’œil. Toutes ont leur propre univers, décorées par des artistes de street art. « Comme ça, je pouvais faire découvrir chaque chambre à mes clientes », explique-t-elle. Elle a finalement jeté son dévolu sur une suite parentale. « Ca me fait comme un deux pièces que j’ai totalement réaménagé à ma façon avec mon matériel ».
La vidéo ci-dessous propose une immersion dans les différentes chambres et parties communes de l'hôtel, dédiées au street art :
Loin de trouver l’idée saugrenue, Vincent Faller, le gérant de l’hôtel strasbourgeois a tout de suite adhéré au concept d’Esther : « pourquoi un hôtel doit-il uniquement se contenter d’accueillir des voyageurs la nuit ? » s’est-il longtemps interrogé. Le concept d’Esther était la solution évidente.
Sans imaginer alors à l’époque que ce partenariat allait s’avérer être une aubaine salvatrice. L’établissement n’a pas échappé à la crise sanitaire du coronavirus. Face à l’hémorragie de clients et à des réservations qui tardent à revenir, l’accueil de professionnels indépendants lui permet de remplir certaines de ses chambres.
En ce moment, j'ai une coiffeuse, une naturopathe, une reflexologue qui viennent régulièrement. Une personne faisant du conseil se dit également intéressée.
Pour chacun, l’établissement propose des chambres « nues » : le mobilier est retiré afin que le professionnel indépendant puisse investir les lieux avec son propre matériel. Et la formule marche si bien que c’est désormais tout un étage de l’établissement qui est dédié à ces indépendants, ce qui a donné le nom de ce concept : « le 2e étage ».
« Pour mes clientes, c’est génial, raconte la coiffeuse Esther. L’autre jour, j’ai dit à l’une d’entre elles qu’il y avait une naturopathe dans la chambre en face. Quand elle est partie de chez moi, elle est directement allée prendre rendez-vous chez elle de l’autre côté du couloir».
Des clientes qui ne semblent pas rebutées à l’idée d’aller se faire coiffer ou masser dans une chambre d’hôtel. Bien au contraire en cette période où le respect des gestes barrière s’impose. « Etre seulement à deux dans une chambre, ça rassure les clientes, confie Esther. C’est plus sûr que dans un salon où il y a beaucoup de monde. Si nous sommes toutes les deux d’accord, pas besoin de masques, de visière. C’est beaucoup moins stressant comme cadre, plus paisible, on se sent comme dans une bulle. » Avant le confinement, il était même possible de se faire coiffer et masser les pieds en même temps. L'illustration postée par Esther Sanchez montre que les séances peuvent vite se transformer en après-midi beauté avec les copines.
Pour bénéficier d’une place dans ce lieu atypique, les professionnels – nombreux en cette période de crise à avoir besoin d’une structure pour se relancer - doivent s’acquitter du prix de la chambre, au même tarif que pour les voyageurs (100 euros la journée pour une chambre double) avec tarif dégressif en cas de long séjour (1200 euros pour le mois). « Certains ont trouvé l’astuce en faisant de la colocation dans une même chambre car parfois ils n’ont pas besoin de l’occuper à la journée mais seulement quelques heures », précise Vincent Faller. Des tarifs autrement plus accessibles pour des indépendants que la location d’un local commercial. Les Strasbourgeois (ou autres) intéressés se passent déjà le mot par les réseaux sociaux.
Ainsi le Graffalgar commence à retrouver cette vie qui caractérise l’établissement. Lui qui aime mixer les publics et les genres renoue, grâce à ces locataires d’un genre particulier, avec l’ambiance « auberge de jeunesse » qui fait sa particularité. Les espaces communs deviennent lieu de coworking, les clientes d’Esther deviennent des fidèles de la Graffateria (la cafétaria de l’hôtel) et les chambres se convertissent en salles d’exposition. « J’expose dans ma suite des artistes locaux que je change tous les 3 mois. Et ça marche : mes clientes ont déjà pour certaines d'entre elles acheté des toiles » se réjouit Esther.
L'hôtel souhaite maintenant pérenniser cet accueil de professionnels au-delà de la période de crise sanitaire et met neuf chambres à leur disposition. Alors artistes, indépendants, faites-vous connaître si vous êtes intéressés. Et si votre chérie vous annonce qu’elle a rendez-vous à l’hôtel pour se faire coiffer ou masser, n’y voyez aucun amant dans le placard. Elle participe juste à la relance économique du secteur de l’hôtellerie et des professionnels indépendants.