Une femme rabbin, cela reste exceptionnel : elles ne sont que cinq en exercice en France. Toutes ont été ordonnées à l'étranger. Iris Ferreira est la première à l'avoir été en France, à Paris en juillet dernier. Mais c'est à Strasbourg qu'elle exercera auprès de la communauté juive libérale.
L'histoire retiendra qu'Iris Ferreira est la première femme ordonnée rabbin en France. C'était le 4 juillet dernier. Une première, et par conséquent, un évènement hautement symbolique.
Mais en réalité, c'est le contexte sanitaire qui l'a imposé. En pleine pandémie de Covid-19, le Leo Baeck College de Londres où elle suivait sa formation depuis cinq ans, a voulu simplifier la procédure. Puisque les déplacements étaient devenus compliqués voire impossible, tous les étudiants de la dernière promotion ont été ordonnés dans leur pays d'origine.
Malgré tout, cette ordination ouvre une brèche dans le champ des possibles, d'autant qu'une école rabbinique d'inspiration libérale a ouvert à Paris.
Une vision libérale
Iris Ferreira ne se destinait pas forcément au rabbinat. Bachelière à 16 ans, elle entame tout d'abord des études de médecine. Fausse piste. Plus tard, en licence d'hébreu, l'idée commence à germer, et en 2016, elle rejoint le Leo Baek College de Londres pour un cursus de cinq ans.
C'est en effet dans les pays anglo-saxons, et en particulier aux Etats-Unis et en Grande Bretagne, qu'une démarche libérale s'est développée. "C'est d'abord la notion d'égalité entre les hommes et les femmes qui m'a convaincu" précise-t-elle. "La possibilité de faire la prière ensemble. Ce sont les mêmes actes, et les mêmes obligations pour tous. Et surtout, une démarche plus inclusive des personnes LGBT". Une ouverture, dit-elle, vers des valeurs modernes sans lesquelles elle n'aurait sans doute pas entamé ce cheminement.
Le mouvement libéral, minoritaire
Face à la tradition, cette vision libérale reste largement marginale en Europe, y compris à Strasbourg. La synagogue d'obédience juive libérale y accueille tout au plus une centaine de familles, venues de toute l'Alsace. Une mouvance ultra-minoritaire qui n'entretient aucun lien avec le courant traditionnel. Depuis son installation, Iris Ferreira n'a eu aucun contact avec la communauté juive majoritaire. "Nous n'en avons pas eu l'occasion, explique-t-elle. Je suis disposée à les rencontrer si ils le souhaitent, mais si ce n'est pas le cas, je ne veux forcer personne". On comprend en filigrane que les choses ne vont pas de soi.
L'étude des textes
A Strasbourg la jeune rabbine âgée de 29 ans veut axer son action sur l'étude des textes. "Je veux promouvoir un meilleur accès à la Torah et au Talmud. Beaucoup de textes sont en hébreu ou en araméen, tous ne sont pas forcément traduits. Je veux encourager leur étude, afin que chacun puissent s'en approprier la teneur et saisir les nuances."
Pour Iris Ferreira, l'objectif est de faire évoluer les pratiques et les pensées. A Strasbourg, ville qu'elle ne connait pas et qu'elle commence tout juste à découvrir, elle se sent en terrain favorable. "J'ai vu un tramway aux couleurs arc-en-ciel, raconte-t-elle, avec les mots respect, inclusivité, tolérance. Ce sont des valeurs qui me plaisent. Je trouve que c'est courageux de les mettre en avant de cette façon"
Venue du sud-ouest de la France, elle a donc posé ses valises dans la capitale alsacienne. Pour combien de temps? Elle ne le sait pas encore, mais son engagement ne fait que commencer.