Strasbourg : le quartier de Hautepierre a 50 ans et n'a pas fini de se transformer

A l'ouest de Strasbourg, le quartier de Hautepierre souffle ses 50 bougies. En réalité, les premiers bâtiments ont poussé dès 1969. Mais le projet urbanistique qui se voulait novateur à l'époque a montré ses limites. Depuis, différents projets de rénovation visent à le décloisonner.

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Dans les années 1960 et 1970 déjà, les urbanistes se demandaient comment empêcher les voitures de s'immiscer dans le moindre espace de vie. C'est comme cela qu'est née l'idée de créer un quartier, celui de Hautepierre à Strasbourg, construit autour de "mailles", à l'intérieur desquelles la circulation serait limitée.

Les grands ensembles rectilignes comme ceux qui avaient été réalisés à l'Esplanade, ont été érigés en contre-exemple. Les mailles, en forme de nid d'abeilles devaient offrir aux habitants un environnement pacifié. A l'époque, il fallait combler le déficit de logements tout en préservant des "oasis de tranquillité" pour les habitants.

Brigitte, Eléonore, Jacqueline etc.....

Cinq mailles ont finalement été construites, toutes portant des prénoms féminins. Eléonore fut la toute première maille, puis vinrent Catherine, et Jacqueline, du nom de l'épouse de l'un des architectes de l'équipe, Jean Dick. "Oui, c'est vrai, ce n'est pas une légende urbaine" confirme Jacqueline Dick qui vit toujours à Strasbourg. Mon mari m'a demandé l'autorisation, je n'y ai pas vu d'inconvénient." Depuis, elle a tenté, sans succès, de savoir qui était les autres. La maille Brigitte a été nommée d'après l'épouse de l'urbaniste en chef Pierre Vivien, mais pour Catherine, Karine et Eléonore, le mystère demeure.

Aujourd'hui encore, Jacqueline Dick ressent une petite fierté de voir son prénom associé à ce bout de territoire. Pourtant, elle reconnait n'y aller que très rarement, voire jamais. "J'ai horreur de conduire dans ces rues, on s'y perd". Le concept de mailles, à l'épreuve du quotidien, montre effectivement ses limites. Dès le départ se souvient-elle, le projet était contesté, notamment par son mari qui a malgré tout fini par se ranger derrière la position de l'urbaniste en chef.

Au fil des ans, les difficultés d'orientation, l'aspect labyrinthique des parcours a rebuté tous ceux qui ne vivaient pas sur place. Cela a fini par enfermer les mailles, les isoler du reste de la ville, faisant de ce territoire un quartier à part, rendant encore plus incertaine l'insertion de populations déjà confrontées à des difficultés socio-économiques. 

Un quartier prioritaire de la Ville qui cherche à devenir un quartier comme un autre

Partant de ce constat, les grands chantiers de rénovation urbaine se sont efforcés d'ouvrir le quartier vers l'extérieur, mais aussi de le décloisonner de l'intérieur, car à force d'isolement une "identité de maille" s'était constituée, favorisant le repli sur soi et les querelles de territoires dégénérant parfois en violences urbaines.

Dans les années 1990, l'arrivée du tramway a contribué à rompre l'isolement. Puis, depuis le début des années 2000, les programmes de rénovation urbaine ont entrainé de profondes transformations : désenclavement des mailles et refonte totale du plan de circulation pour mettre fin à cette impression de "manège infernal" vécu par les automobilistes de passage dans le quartier.

"Le prochain plan de rénovation urbaine qui devrait démarrer en 2022 va accentuer cet effort d'ouverture", explique Martin Nussbaum, qui dirige le centre socio-culturel depuis deux ans. Pour lui le quartier de Hautepierre est en perpétuelle mutation, et c'est d'ailleurs pour cela qu'il aime y travailler

Une image dégradée, pas toujours justifiée selon les habitants

Avec ses poussées de violences urbaines qui ont fait la Une de l'actualité à de multiples occasions, son taux de chômage qui frôle les 42% chez les 15-25 ans, et les affaires de trafic de stupéfiants maintes fois pointés du doigt, le dessin n'est pas très flatteur.

Cela n'a pas empêché Nadia El Amrioui d'acheter un appartement, un 110 m2, dans la maille Brigitte, il y a 18 ans. Et aujourd'hui, aucun regret. "Si on me proposait de déménager demain, je refuserai dit-elle. Elle brosse le tableau d'un quartier qui offre de multiples services : "pharmacie, médecin, kiné, supermarchés et petits commerces, équipements sportifs, école, tout est à portée de main" explique-t-elle. D'ailleurs, la plupart des habitants sont attachés à leur quartier, et les festivités prévues du 15 au 19 septembre sont un reflet du dynamisme dont ils font preuve, à titre individuel ou au sein d'associations. 

Quant à cette réputation d'insécurité, elle concède que "Cela existe. Mais il ne faut pas exagérer. Tous les jeunes ne sont pas des délinquants. La plupart sont inventifs, observateurs, pleins de ressources. Mais ils se sentent perdus, et parfois rejetés."

"L'emploi, et les activités en direction des jeunes c'est véritablement la priorité" dit Martin Nussbaum qui en appelle à plus d'ambition, et plus de moyens humains sur ce sujet. Le prochain plan de rénovation urbaine prévoit "une cité de l'emploi" au sein du quartier. Peut-être un signe que les choses évoluent dans le bon sens.

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