Le groupe écologiste du conseil municipal de Strasbourg a déposé ce lundi 25 mars une résolution pour engager la Ville dans la redistribution de protections hygiéniques aux populations les plus précarisées (sans-abri, étudiantes, etc.). Des initiatives existent, mais manquent de relais.
Les écologistes veulent que la Ville de Strasbourg "s'engage". Une motion a été déposée au conseil municipal de Strasbourg, ce lundi 25 mars 2019. Les élu(e)s écologistes demandent une collecte et une redistribution des protections hygiéniques coûteuses auprès des populations dont les moyens sont réduits. Les populations étudiantes ou sans-abri sont par exemple concernées.
Le développement des alternatives aux protections jetables et toxiques est également souhaité. Ces revendications, citées par 20 Minutes, ont été partagées dans la publication Facebook ci-dessous. Il y a déjà eu quelques engagements ponctuels, mais qui demanderaient à être coordonnés et institutionnalisés.
"C'est comme pour la nourriture"
Françoise Bey, adjointe au maire de Strasbourg en charge des droits des femmes, entend ces revendications: "La motion est intéressante. Pour l'instant, la collectivité n'a pas été sollicitée. [...] On va voir ce qu'on peut faire avec les écologistes, on va avancer ensemble. [...] Ce qu'on pourrait faire, c'est aller voir les grandes surfaces, les magasins. Et leur demander les protections qu'ils ne vendent pas, ce qui est abîmé. C'est comme pour la nourriture." L'élue socialiste ajoute que des actions ont été mises en place via le milieu associatif, mais qu'il n'y a pas encore de réflexion générale de la part de la Ville: "En interne, on a mis des boîtes à don à l'échelle de la collectivité. Les dons impliquent l'hygiène en général, avec par exemple des brosses à dents, mais aussi des couches. Ce sont les associations qui les redistribuent aux précaires, SDF... En ce moment, c'est l'association Étage qui s'en occupe."
Même son de cloche du côté de l'université de Strasbourg. Il existe quelques initiatives contre la précarité étudiante, mais pas forcément dédiées à la précarité menstruelle. À la communication universitaire, on nous explique "avoir reçu un courrier de collectifs sur cette précarité menstruelle. On a conscience que ça devient un sujet de préoccupation. Des discussions sont en cours, mais aucune décision n'a encore été prise. On essaye de voir quelles sont les différentes actions."
Parmi les initiatives, on retrouve:
- La collecte de denrées et de produits d'hygiène, deux fois par an, par le service pour la promotion de l'action sociale de l'université de Strasbourg (Spacs). La collecte a lieu parmi le personnel de l'université, et est redistribué via l'Association pour la solidarité étudiante en France (Asef).
- La gestion d'une épicerie solidaire par l'Association fédérative générale des étudiant-e-s d'Alsace (Afges), où sont disponibles quelques protections hygiéniques.
- Les consultations de prévention au service universitaire de médecine préventive et de promotion de la santé (Sumps), où le personnel médical peut "dépanner" en protections hygiéniques, sur demande, mais de manière "marginale".
- Une réflexion est également en cours du côté du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) de Strasbourg.
Rares sont les personnes détenues, sans-abri, poursuivant leurs études, pauvres... à pouvoir se permettre d'acheter des protections hygiéniques sans surveiller leur porte-monnaie. Leur coût atteint en moyenne 600 euros par an. Il faut parfois choisir entre manger et se protéger. C'est la raison pour laquelle l'université de Lille a sauté le pas en décidant de distribuer près de 30.000 kits de protection hygiénique, gratuitement.
"L'université a bien assez d'argent et devrait reconsidérer son budget"
À l'université de Strasbourg, ce n'est pas (encore) le cas. L'initiative lilloise a coûté 56.000 euros, rappelle France Info. Loriane, du collectif Copines (voir sa publication Facebook ci-dessous) demande la même chose: "On a écrit à l'université pour demander la mise à disposition de protections gratuites pour tout le monde."L'étudiante poursuit, implacable: "L'association Louisette a installé des boîtes à dons pour recueillir des protections hygiéniques. Mais c'est à l'université de montrer l'exemple! Elle devrait en mettre à disposition, au lieu d'attendre de l'aide des étudiantes alors que ça coûte cher. Elles ne devraient pas avoir à se préoccuper des autres: l'université a bien assez d'argent et devrait reconsidérer son budget!"
"Si c'était mis en place, il faudrait que ce soit plus accessible. S'il y en a dans les toilettes, il ne faut pas qu'il y en ait que dans celles des filles, car il y a aussi des garçons transgenres qui ont leur règles. Il en faudrait aussi au service santé, bien sûr; et dans les halls, chez les associations... et dans toutes les composantes de l'université, plus généralement. Ce n'est pas qu'une question de précarité: ça peut arriver qu'on ait une urgence suite à un oubli. Et dans ce cas-là, il ne faut pas qu'on doive courir d'un bout à l'autre du campus."
"Quand t'as tes règles, tu te mets des journaux, des machins..."
Le modèle écossais, premier au monde sur ce sujet, est aussi cité par le collectif Copines: le gouvernement met à disposition des protections hygiéniques gratuitement de l'école jusqu'au lycée. Les revendications de ce collectif n'auraient donc plus lieu d'être là-bas, bien qu'il mène également des collectes au profit des personnes sans-abri.L'Écosse s'est également illustrée en distribuant des protections hygiéniques aux personnes disposant de peu de ressources. Accéder à des protections décentes peut être un calvaire, notamment pour les personnes sans-abri. C'est ce qu'avait expliqué l'actrice Corinne Masiero, ancienne SDF, au micro de France 3: "Quand t'as tes règles et que tu n'as pas le droit d'acheter des trucs, tu vas chouraver des serviettes, des machins et tout. Mais parfois, tu n'as pas eu le temps ou tu n'as pas pu, comment tu fais? Tu te mets des journaux, des machins… On n'en parle jamais de ça, pourquoi ces trucs-là, ce n'est pas remboursé par la Sécu?"
Des protections hygiéniques durables et sans danger
Les protections hygiéniques actuelles polluent beaucoup et ne sont pas sans danger (choc sceptique): c'est le cas des serviettes et tampons. La coupe menstruelle est une alternative possible et revient sur le devant de la scène. François Bey atteste de la situation: "Il y a une demande pour plus de qualité pour les protections hygiéniques, sans tous les produits chimiques...""Il y a une prise de conscience. C'est un réel besoin. C'est ce qu'il faudrait pour les femmes dans la rue; on ne peut pas leur proposer des protections lavables ou des cup, elles n'ont pas l'accès à l'eau pour ça." Mais elle tempère: "La collectivité va avoir du mal à faire pression sur les marques pour qu'elles proposent des protections hygiéniques de qualité."