Strasbourg : qui sont ces groupes d'autodéfense qui veulent plus de sécurité dans les rues

L'été 2020 en France a été marqué par une multiplication de faits divers parfois violents. En réaction, des appels à se mobiliser pour lutter contre l'insécurité ont été lancés sur les réseaux sociaux. C'est le cas à Strasbourg pour "Stras Défense" et "les Gorilles", deux groupes créés fin juillet.

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Victor Faller veut des rues plus sures pour Strasbourg. C'est lui qui a été à l'origine du groupe Stras Défense, créé en plein coeur de l'été. "Il ne se passait pas une journée sans qu'il y ait des témoignages d'agression sur les réseaux sociaux, dit-il. Il y a un ras-le-bol général face au sentiment d'insécurité. Du coup, j'ai voulu aller plus loin que le simple témoignage". Victor Faller est lui même étudiant en gestion d'entreprise. Il a 22 ans. 


Son idée est donc de rassembler les volontaires, via les réseaux sociaux, pour organiser des rondes préventives dans certains quartiers. "Nous n'allons pas dans les quartiers sensibles, explique-t-il, mais nous sommes présents du côté de la gare, du musée d'art moderne, ou au centre-ville". Depuis début septembre, Stras Défense a effectué cinq rondes. A chaque fois, avec un groupe de 15 à 20 personnes, essentiellement des étudiants, raconte-t-il, avec des garçons et des filles. Il n'y a pas de règle établie. 

La sécurité publique, c'est l'affaire de la police

"Il ne faut pas qu'ils se substituent à la police", prévient Sylvain André, secrétaire zonal d'Alternative Police 67. Porter assistance à autrui est certes un acte citoyen mais faire justice soi-même est passible de poursuites. "Les milices privées ne sont pas autorisées en France", dit-il. "Certes, certaines associations citoyennes font des maraudes. C'est le cas par exemple lors des fêtes de fin d'année dans les quartiers sensibles. Des associations d'habitants vont dans les rues, afin de prévenir les incivilités. Mais ces personnes sont clairement identifiées par la police, ce sont des associations constituées qui travaillent en partenariat avec la police et la préfecture. Elles sont là pour prévenir les forces de l'ordre en cas de problème, mais certainement pas pour intervenir elles-mêmes."

Du côté de Stras Défense, cette question est abordée avec la plus grande prudence. "Nous n'allons pas intervenir physiquement, nous savons bien que ce n'est pas légal", dit Victor Faller. Il en veut pour preuve un incident qui s'est produit lors d'une ronde près de la gare. Un homme visiblement alcoolisé a commencé à insulter deux filles de son groupe. Il a fini par battre en retraite à l'arrivée des autres. "Nous voulons être dissuasifs, grâce au nombre. Mais si ça dérape, on appelle la police", assure-t-il.

Reste que cet argument ne semble pas satisfaire Sylvain André. "Ça crée quand même une certaine ambiance", dit-il. "Cela veut dire que la police ne fait pas son travail. Hors, nous sommes là. Police nationale, police municipale, gendarmerie, et un centre de surveillance vidéo qui est très efficace", dit-il. Ce n'est pas l'avis du fondateur d'un autre mouvement " Les gorilles Strasbourg ". Stéphane (son prénom a été modifié) ne laisse planer aucun doute sur sa démarche : "Il est important d'assurer la sécurité là ou la police municipale faillit".

Des mouvements proches de l'extrême droite?

"Nous sommes complètement apolitiques", martèle Victor Faller. "Dans notre groupe, il y a des personnes de droite comme de gauche. Je ne me base pas sur l'appartenance politique des gens, ça ne me regarde pas forcément. Certains ont peut-être une idéologie extrémiste, mais cela ne devrait pas discréditer le mouvement", affirme-t-il. "De toute façon, je trouve ça désolant d'assimiler sécurité et idéologie d'extrême droite. C'est pourtant une question universelle."


"Stras défense" et "Les gorilles" partagent le même constat. Les pouvoirs publics ne sauraient pas faire face à l'insécurité. "Ils ont abandonné, ils ont fermé les yeux", dit Stéphane en parlant de la municipalité actuelle comme de la précédente. Autrement dit, des écologistes et des socialistes. Il faut dire que Stéphane qui est aujourd'hui professeur d'histoire et de géographie dans un lycée de Strasbourg, s'est présenté aux municipales à Bordeaux sur une liste du Rassemblement National. "Je ne suis pas un fanatique du Rassemblement National", précise-t-il. "Mais il faut bien admettre qu'il y a des idées qui ne sont pas complètement incohérentes. Quand on parle de ce parti, les médias font des raccourcis. Moi, je ne suis pas raciste, je suis humaniste et patriote" conclut-il. 

Face aux médias "de gauche"

Face à certains médias qu'il estime à gauche, le fondateur de Stras Défense a trouvé un soutien. Il s'agit du président du syndicat étudiant UNI Strasbourg. François Blumenroeder qui est à la tête de cette organisation marquée à droite explique que "les militants Stras Défense étaient agressifs vis-à-vis des médias qui ne vont pas dans leur sens. Alors j'ai donné quelques conseils à Victor Faller sur comment ils devraient parler aux médias."

Le président de l'UNI ne s'est pas contenté de conseils, il a lui-même médiatisé cette organisation dont il "salue l'initiative correspondant au réveil de la jeunesse." D'abord dans une interview donnée à L'Etudiant Libre, puis dans une tribune pour le magazine Valeurs Actuelles. La médiatisation du mouvement permettrait selon lui de faire réagir les pouvoirs publics sur la question de l'insécurité.

Et après?

"Les Gorilles" et "Stras défense" ne travailleront pas ensemble. "Je n'étais pas d'accord avec le principe de faire des rondes car je savais qu'on allait être taxés de milices d'extrême droite", raconte le fondateur du mouvement "Les Gorilles". De plus j'étais opposé au nom de Stras défense. Trop militaire, trop belligérant". Lui a donc choisi "les Gorilles" : ils raccompagnent les personnes qui le souhaitent, chez elles. Un "gorille bénévole "  se déplace à la demande, pour escorter la personne comme le ferait un garde du corps.

Aujourd'hui, son groupe compte 400 inscrits. 1500 en ce qui concerne Stras Défense. "Mais on n'a pas vocation à changer le monde", dit Victor Faller. "On veut juste être vus, pour que les pouvoirs publics s'intéressent à la question de l'insécurité". Avec le tourbillon médiatique qui a suivi les déclarations d'Elisabeth, une étudiante strasbourgeoise qui affirme avoir été frappée par trois hommes non loin du campus, et dont les liens avec Stras défense ont provoqué une polémique, son mouvement a été sous le feu des projecteurs. Précisément comme il le souhaitait, mais peut-être un peu trop... Du coup, les rondes sont suspendues. Elles reprendront quand tout cela se sera un peu calmé, assure-t-il. 

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