La bataille du siège du Parlement européen, réparti entre Bruxelles et Strasbourg, a été relancée par une pique de la chancelière allemande Angela Merkel contre la métropole alsacienne, poussant des élus à monter au créneau.
La question d'un siège unique pour l'organe législatif de l'Union européenne revient régulièrement sur la table. Car si le Parlement européen tient ses sessions plénières à Strasbourg, Bruxelles accueille les commissions parlementaires (et Luxembourg son secrétariat général). Depuis des années, les partisans des deux camps, Strasbourg et Bruxelles, se querellent et organisent tour à tour des opérations de lobbying. Et tout prétexte est bon à prendre pour renforcer les arguments des uns et des autres. Dernière salve en date : lundi. Une panne d'électricité dans le Thalys reliant Bruxelles à Strasbourg a bloqué pendant six heures les eurodéputés. Les adversaires du double siège du Parlement européen ont profité de cet incident pour relancer une nouvelle fois le débat.
Et les propos tenus par Angela Merkel devant le sommet du Parti Populaire Européen (PPE) à Munich le 6 juin, alimentent en plus la polémique. "Je sais quels problème je cause à la France et au Luxembourg mais je pense qu'à la longue, cela ne renforce pas sa capacité d'action". Entre colère et stupéfaction, les réactions n'ont pas tardé à fuser, notamment de la part des "pro Strasbourg".
Roland Ries, maire PS de la capitale européenne, évoque une "maladresse" de la chancelière. "Après plusieurs contacts, tant avec des membres du PPE qu’avec les autorités françaises, j’ai bien compris qu’il s’agissait d’une maladresse de communication, puisque les autorités allemandes n’ont eu de cesse que de répéter qu’il fallait respecter les traités(…). Le président du Parlement a rappelé ce mercredi soir devant une centaine de personnalités strasbourgeoises son attachement à notre ville, et le président de la République comme le gouvernement, par la voix de Nathalie Loiseau, ont rappelé hier avec fermeté combien « le statut de capitale européenne de Strasbourg est intangible et non négociable ».
Il "demande à chacun de demeurer serein et confiant ; il y a certes une campagne des Européennes qui s’annonce, mais toute cette agitation et surtout l’instrumentalisation de la question du siège dans le débat par de potentiels candidats ne peuvent qu’affaiblir la position de Strasbourg. (…) J’ajoute qu’au moment où d’immenses problèmes immobiliers se posent à Bruxelles, si la question du siège unique devait se poser, elle trouverait une réponse rationnelle, économique, et démocratique, à Strasbourg. Nous y sommes naturellement prêts."
Robert Herrmann, président de l'Eurométropole de Strasbourg est lui "stupéfait de la déclaration brutale de Mme Merkel". "Une telle prise de position est sans précédent de part d’un chancelier allemand dont le pays compose avec la France un tandem qui représente, aujourd’hui encore, le socle de la construction européenne. Au-delà du symbole de la réconciliation franco-allemande, le ‘Parlement de Strasbourg’ exprime l’Europe de la démocratie. De toute évidence, une telle affirmation appelle des actes forts propres à lever les doutes. Il est indispensable que le Président de la République clarifie la situation par une déclaration ferme et sans équivoque".
Par la voix de Pernelle Richardot, la fédération PS du Bas-Rhin demande également à Emmanuel Macron "de prendre publiquement position sur cette question de remise en cause du siège du Parlement Européen par la Chancelière allemande et de rappeler son engagement pour le respect strict du traité signé en 1992 à Edimbourg". Christine Revault d'Allones, présidente de la délégation socialiste française au Parlement européen et Anne Sander, eurodéputée PPE, souhaite aussi une réaction du président français.
Pour @ASanderMEP : @EmmanuelMacron doit réaffirmer l’attachement de la #France au siège du Parlement européen à Strasbourg ! https://t.co/J1gjHbiABi
— Eurodéputés LR-PPE (@PPE_FR) 14 juin 2018
Frédéric Bierry, président du Conseil Départemental du Bas-Rhin, est d'accord avec d' Angela Merkel, pour un siège unique du Parlement européen, mais à Strasbourg... "Oui, le double siège complique l’activité parlementaire. Oui, il coûte des centaines de millions d’euros aux contribuables européens, pour l’entretien de deux bâtiments et pour le transport chaque mois des 751 députés européens et de leurs équipes. En conséquence, oui, le siège unique est une nécessité et une évidence et ce siège unique a toutes les raisons d’être Strasbourg."Le siège du Parlement Européen à #Strasbourg est un marqueur. D’une #Europe qui n’oublie pas d’où elle vient, mais qui sait aussi où elle va: vers plus de démocratie et non plus de technocratie. Fragiliser Strasbourg, c’est fragiliser l’édifice européen!https://t.co/TvXB79yzRK
— Fabienne Keller (@fabienne_keller) June 14, 2018
Le son de cloche est évidemment bien différent de la part des Patriotes : "Strasbourg et l'Alsace sortiraient donc grandies du départ des institutions européennes (Parlement et CEDH), en se dissociant du naufrage anti-démocratique qu'elles représentent. Cela nous réhabiliterait ainsi devant l'Histoire en nous réconciliant avec la tradition d'ouverture sur le monde que porte notre territoire. Pour toutes ces raisons, les Patriotes souhaitent que Strasbourg puisse se libérer au plus vite du fardeau européiste pour ouvrir la nouvelle page des coopérations entre les nations libres et souveraines".
Pour rappel, le siège du Parlement européen à Strasbourg est gravé dans le marbre des traités de l'Union. Dans les textes qui régissent la fonctionnement des institutions européennes, il faut une modification des traités, et donc un vote à l'unanimité des 28 états membres pour décider d'un changement.