A Strasbourg, "Le Temps et la Chambre", plongée vertigineuse dans les couloirs du temps

Comment raconter une histoire si chaque personnage évolue dans une temporalité qui n'appartient qu'à lui? Alain Françon relève ce défi en mettant en scène à Strasbourg
"Le Temps et la Chambre" de Botho Strauss, pièce kaléidoscopique qui bouscule la narration.


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Au Théâtre National de Strasbourg, le metteur en scène s'attaque à ce texte mystérieux écrit en 1988 par l'auteur allemand, choisissant la traduction française du dramaturge Michel Vinaver. Depuis un vaste appartement où sont disposés deux fauteuils en cuir, un duo de sceptiques, Julius et Olaf, campés par Jacques Weber et Gilles Privat, regarde la vie couler sous ses fenêtres.

Ces trois fenêtres, auxquelles divers personnages viendront s'accouder tout au long de la pièce, le regard tourné vers un extérieur invisible, et par lesquelles tombent des flots de lumière, évoquent les tableaux d'Edward Hopper. La bulle des deux hommes éclate quand une jeune femme, dont Julius vient de décrire la silhouette, fait irruption dans l'appartement. Cette Marie Steuber est suivie par une ribambelle de personnages, dont les noms sont autant de fonctions, bien éloignées des emplois classiques au théâtre: l'Homme sans montre, l'Impatiente,la Femme Sommeil, le Parfait Inconnu... 

Le spectateur est ensuite emporté dans plusieurs scénettes toutes construites autour de Marie Steuber, interprétée par Georgia Scalliet, de la Comédie française. "Les gens recomposent un puzzle à travers tous ces fragments et trouvent comment ce spectacle parle d'eux", explique Alain Françon. Il laisse l'interprétation ouverte mais souligne que, "pour (lui), +le Temps et la Chambre+ est vraiment une des grandes pièces des 50 dernières années, très particulière, très complexe, très difficile à monter".

La pièce fait éclater la notion de temps, mais aussi celle de personnage. Certains apparaissent plusieurs fois sans que l'on sache s'il s'agit bien des mêmes personnes. Le lieu se dérobe également, la porte au fond de l'appartement dévoilant d'une scène à l'autre des décors différents. Si de ce ballet ambigu fusent des réflexions sur la solitude, la dépression, le détachement, l'impossibilité de communiquer, le comique reste toujours en embuscade. "Le Temps et la Chambre", jusqu'au 18 novembre à Strasbourg puis à Villeurbanne, Chambéry, Annecy, Paris, Amiens, Grenoble, Béziers, Lille et Dijon.

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