Struthof : 86 Juifs gazés en 1943 par les nazis identifiés 80 ans après, "je voulais savoir qui ils étaient"

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Alice Simon, assassinée par les nazis au Struthof en 1943
Première visite d'une quinzaine de descendants des 86 Juifs gazés au Struthof en 1943 ©France 3 Alsace

Grâce au travail d'un historien allemand, les 86 Juifs gazés par les nazis au Struthof en 1943 ont tous été identifiés. Pour la première fois, une quinzaine de descendants des victimes ont pu se rendre à Strasbourg et dans l'ancien camp.

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Hans Joachim Lang est un historien allemand. C'est lui qui a identifié les 86 Juifs gazés en 1943 au camp du Struthof de Natzwiller (Bas-Rhin), puis transférés dans les sous-sols de l'institut d'anatomie de la Reichsuniversität Strassburg (université du Reich de Strasbourg).

Les nazis voulaient constituer une collection de squelettes juifs, pour étayer leurs thèses raciales par des démarches qu'ils qualifiaient de scientifiques. Les corps ont été conservés mais cette collection n'a jamais vu le jour.

Seul une des 86 personnes avait été identifiée (les matricules des déportés avaient été enlevés, pour anonymiser les corps). Il s'agit de Menachem Taffel, un vendeur de lait berlinois. Bien plus tard, Hans Joachim Lang a entrepris de rechercher l'identité de chacun des 86.

"D'abord, je voulais comprendre le crime", explique-t-il. "Et après, j'ai voulu comprendre qui étaient les victimes de ce crime. Je ne voulais pas que ces personnes soient réduites au rôle de victime : j'ai voulu savoir qui était leurs familles, quelle était leur vie de tous les jours. En faisant tout ce travail, j'ai appris des choses sur la vie des Juifs et sur la société à l'époque."

Une quinzaine de descendants des victimes sont venus mi-juin 2023 à Strasbourg pour rencontrer l'historien. Et pour se rendre au Struthof où les 86 ont été gazés, assassinés pour des visées pseudo-scientifiques, ainsi qu'à l'université de Strasbourg où les corps ont été conservés pendant plus de deux ans. Les proches des victimes sont venus des États-Unis, d'Israël et de Suisse notamment.

Alice Simon, née Remak (1887-1943)

Debbie Konkol habite à Milwaukee (États-Unis). Elle est la petite-fille d'Alice Simon, gazée au Struthof avec 85 autres Juifs. Alice et son mari Herbert habitaient à Berlin et s'étaient convertis à la religion protestante avant la naissance de leurs jumeaux Carl et Hedda.

"Mon père Carl a été élevé dans la religion protestante. Il a été envoyé à l'âge de 15 ans en Angleterre [par sa mère, pour être mis à l'abri des lois antijuives], puis est parti à 17 ans pour les États-Unis, où il est allé au séminaire. Il est ensuite devenu pasteur. Donc, nous avons grandi comme des enfants d'un pasteur. C'est à l'âge de 18 ans que mes parents nous ont dit que nos grands-parents étaient juifs. Mais c'était comme si on me racontait l'histoire de quelqu'un d'autre. Et mon père ne savait rien de plus, il ne savait pas ce qu'était devenu sa mère", témoigne-t-elle.

"En 1994, mon père est allé à Auschwitz et il a vu que sa mère, Alice Simon, y était passé. Puis Hans-Joachim Lang a fait ses recherches et il a écrit un e-mail à mon père pour lui raconter l'histoire de sa mère. Ça a été un énorme choc de découvrir qu'elle avait été assassinée pour faire partie d'une collection de squelettes juifs. C'était incompréhensible. Et puis nous avons fait notre deuil."

Alice Simon arrive le 2 août 1943 au camp de concentration de Natzweiler-Struthof. Elle y est gazée le 11 ou 13 août 1943, peu avant son 56ᵉ anniversaire. À la libération, les corps seront découverts et finalement inhumés au cimetière israélite de Strasbourg Cronenbourg. Il aura fallu plusieurs décennies pour refaire émerger la mémoire des 86 victimes et les identifier un à un.

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