On le sait, les patients diabétiques risquent de développer des formes graves, voire mortelles, en cas d’infection au Covid-19. Quels conseils pour les malades? Quel suivi? Entretien avec le professeur Michel Pinget, président du Centre européen d'étude du Diabète (CeeD) à Strasbourg.
Des études chinoises, italiennes et françaises s’accordent à dire que le diabète est un facteur majeur de risque pour les patients contaminés par le coronavirus de développer des formes sévères et mortelles. "Et les résultats sont sans appel, 30% des personnes mortes du Covid-19 étaient diabétiques" précise le professeur Michel Pinget diabétologue et président du Centre européen d'étude du Diabète basé à Strasbourg. Le médecin, diabétologue, nous livre ses recommandations. Entretien.
Pourquoi les personnes atteintes de diabète sont-elles plus à risques?
"On sait de longue date, que les personnes vivant avec un diabète sont plus à risque de développer des infections (comme la grippe ou le pneumocoque), d’autant plus quand le diabète est déséquilibré. On note surtout qu’ils sont sujets à développer des formes sévères, voire mortelles de toutes ces infections (augmentation des hospitalisations, du taux de mortalité), comme on le voit aujourd’hui avec le covid.
Cela peut s’expliquer par le fait que l’hyperglycémie réduit les défenses immunitaires, que le diabète expose à des désordres vasculaires essentiellement d’origine inflammatoire et que le SAOS (Syndrome d’Apnées Obstructives du Sommeil), très fréquemment associé au diabète, est encore aujourd’hui insuffisamment diagnostiqué et traité. Et face au tsunami inflammatoire que représente le covid et les perturbations auto-immunes que le virus engendre, le patient diabétique est extrêmement exposé. Ces deux dernières étant la cause principale des réanimations et des décès. Autre problème, aussi, majeur: 90% des personnes atteintes de diabète ne sont pas suivies par un spécialiste."
Que conseillez-vous aux patients diabétiques en cette période de crise du Covid-19 ?
"Voici quelques recommandations qui me semblent importantes pour les patients :
- Surtout ne jamais arrêter le traitement sans l'avis du médecin. Ces traitements nécessaires pour le diabète et/ou en raison des complications doivent être maintenus, notamment le traitement par aspirine à faible dose
- Toute automédication, excepté le paracétamol, est à éviter en particulier les corticoïdes et les AINS (antiinflammatoires non stéroïdiens) associés à la survenue de formes graves
- Pratiquer une activité physique adaptée même en temps de confinement. Et utiliser des moyens simples pour améliorer l’immunité au niveau de l’alimentation. L'équilibre glycémique doit être optimisé avec notamment une surveillance plus étroite des glycémies. Avec des mesures régulières.
- Et rester prudent, encore en cette période de déconfinement, même si la maladie semble contenue. Eviter les contacts, adopter les gestes barrières.
Par ailleurs, nous avons vu aussi les malades chroniques déserter les cabinets des médecins, les hôpitaux de peur d'attraper le coronavirus. C'est dramatique. Les patients et les médecins doivent reprendre contact."
Ne plus rompre le contact avec le "télésuivi"?
"Effectivement, médecins et patients doivent se retrouver même si c'est via le monde virtuel. Le CeeD s’est associé à Anova, une start-up studio spécialisée dans l’intelligence artificielle pour développer une plateforme de télésurveillance médicale (MOON) pour les patients et médecins. L’objectif est de promouvoir la télémédecine pour une meilleure continuité des soins. Pas seulement les téléconsultations, mais aussi le télésuivi continu. Elle permet une meilleure prise en charge des patients diabétiques, comme de tout malade chronique. Le concept est simple. Les patients qui l'acceptent, prennent leurs mesures, glycémie, tension,... et leur appareil transmet les données au 1er centre d’e-santé en France, co-créé par le CeeD d'ici à la fin de l'année 2020. Des données qui seront traitées et analysées. L'intelligence artificielle pourra détecter les anomalies dans les résultats et alerter patients et médecins. Nous ne devons plus jamais nous retrouver dans des situations comme nous avons vécu durant la crise du Covid-19. Des patients qui se sont sentis abandonnés, des médécins qui n'ont pas été consultés."