Angoisses, anxiété, dépression sont encore un sujet tabou. Suivie par un psy depuis son enfance pour différents troubles mentaux, Tiffany, Strasbourgeoise de 28 ans, veut lever le voile, malgré ses phobies et sa timidité extrême.
Tiffany, jeune Strasbourgeoise de 28 ans, souffre de plusieurs troubles psychologiques et physiques, dont une timidité extrême, accompagnée d'angoisses très fortes, de phobies sociales. Il lui semble que certains sont liés. "Je suis suivie par un psy aussi loin que je me souvienne, j’aimerais m’en sortir, mais comment ? C’est pourquoi je témoigne parce qu’il faut parler. Pour comprendre soi-même ce dont on souffre et pour que les autres comprennent."
Ce mercredi 10 octobre est la journée mondiale de la santé mentale. Les troubles mentaux, l’anxiété, la dépression sont courants dans nos sociétés, mais le sujet est encore tabou. Difficile d’en parler, tant pour ceux qui vivent avec ces troubles que ceux qui les soignent et qui vivent à leurs côtés. Tiffany a décidé de franchir le pas et de dire comment elle se sent avec ses troubles qui l’épuisent et la lassent. Ses phobies l'empêchent d'intégrer le monde du travail dont elle rêve pourtant. Ses relations avec "les autres" restent compliquées. "Où est ma place dans la société? J’ai l’impression que le monde n’est pas fait pour moi", ose-t-il-elle avancer, malgré sa timidité. Témoignage.
"Parents et proches se désespèrent"
"C’est compliqué quand on est fragile. Y compris pour des parents d’accepter d’avoir des enfants comme ça. Parfois sous le coup de la colère et de la souffrance, ma mère m’a dit : "mais si tu veux passer ta vie à l’hôpital, vas-y passe ta vie à l’hôpital!"""A l’école, quand j’étais enfant, on se moquait de moi. Les enfants se moquaient parce que j’étais en surpoids et très timide. On croyait même que j’étais muette. Je ne parlais pas parce que j’avais peur des autres. Au collège, une fille s’amusait à enfoncer son doigt dans mon bras. Elle me disait que comme j’étais grosse, je ne devais pas le sentir. Les adultes voyaient ça, mais laissaient faire."
"Pendant les études, on m’a toujours dit que j’étais à côté de mes baskets. Je n’ai jamais eu de vrais amis, ni à l’école, ni après. J’ai réussi à passer un BEP en sanitaire et social à 17 ans. Mon rêve était de devenir infirmière pour aider les autres et les soigner. Ce que j’ai l’impression qu’on n’a pas fait pour moi."
"Le regard des autres"
"Pour moi le regard des autres est pesant et méchant. Parfois on me reproche de parler de suicide. Ça leur fait peur. Dans le tram on se moque encore ouvertement de moi parce que je suis en surpoids. Comme j’ai du mal à marcher, j’ai déjà dû utiliser un rollator [déambulateur à roulettes, ndlr] pour me déplacer. Là aussi j’ai entendu des remarques. Je vis à travers le regard des autres et ça me bloque.""Je suis quelqu’un d’angoissée, j’ai peur de tout et de tous, mais j’ai l’impression qu’on n’est pas pris en compte pour les troubles qu’on a. Quand je dis que j’ai mal quelque part, on me dit que c’est dans ma tête. J’ai peur de me perdre moi-même. Je ne sais plus si je peux me faire confiance. Disons que lorsque j’ai une douleur, je ne sais pas si c’est normal. Peut-être que je ressens des douleurs que d’autres ne ressentiraient pas. Pour moi, distinguer ce qui est normal de ce qui ne l’est pas est difficile."
"Je vis pour les autres, pas pour moi"
"Je m’attache très vite et peut-être de trop. Les gens me repoussent. J’ai du mal à accepter quand ils me disent qu’ils n’ont pas le temps et qu’ils ont autre chose à faire.""On est malade, mais pas dangereux. Tout ce qui touche à la psychiatrie fait peur, même aux personnels soignants. Les services ne sont pas adaptés aux différents types de troubles. Moi j’ai déjà été à l’Epsan à Brumath, les services ne sont pas adaptés aux cas plus légers. Moi je souffre de phobies sociales, là-bas, on est entouré de fous."
"Mon idéal? Devenir infirmière, être mince et indépendante"
"Moi ma vie je la trouve ennuyante et sans saveur. Depuis un certain temps je fais de la rééducation pour me sentir mieux physiquement. Je veux croire en l’homme et qu’un jour il y ait un miracle et que je sois guérie. J’ai pensé écrire mon histoire. Mais là, il y a la peur de l’échec, de ne pas réussir."
"Mon avenir ?"
"Je vois tout en noir. Tout est noir. Mais en même temps, je suis une révoltée. Le père Ledogar à Hautepierre dit toujours qu’il faudrait me poser un goutte à goutte d’espérance. Je survis grâce à tous ces gens qui me soutiennent. Mes parents bien sûr, ma psy, mon kiné, ma famille de cœur, une tante, un ami, mon chauffeur de VSL, grâce à eux je ne sombre pas plus.""Je témoigne aujourd’hui pour que les gens arrêtent de juger sans savoir, car on ne voit pas tout des autres. Je veux lever le voile, faire tomber les masques. Il faut que les gens sachent. Je n’ai pas que des problèmes physiques, j’ai aussi des troubles psychologiques. Et il faut oser l’accepter, le reconnaître et en parler. En parler pour mieux les prendre en charge. Si on ne parle pas, on ne peut pas améliorer les choses."