Les arboriculteurs, céréaliers et viticulteurs se réjouissent de retrouver, pour une période limitée, le froid hivernal, synonyme de repos pour les végétaux. Le gel va également permettre d'aérer et d'ameublir les sols, tout en luttant contre les nuisibles.
"Non seulement, c'est une bonne nouvelle, mais si seulement ça pouvait durer !" - 4° prévus à Strasbourg jeudi matin, - 5° à Mulhouse, - 2° à Entzheim... La vague de froid se poursuit en Alsace et dans toute la France ce mercredi 10 janvier. Des températures idéales, selon Hervé Benzt, directeur de l'association Verger expérimental d'Alsace et membre de la chambre d'agriculture. Après des mois de pluie et de douceur, pourquoi les agriculteurs se réjouissent-ils du retour du froid ?
Parce que le froid retarde le développement précoce des bourgeons
Pour le moment, le froid n'est pas dangereux pour les arbres fruitiers. "À ce stade, il n'y a aucun dégât à redouter, il n'y a pas encore de bourgeons ou de fleurs", observe Hervé Benzt, du département arboriculture de la chambre d'agriculture d'Alsace. Le gel est même bienvenu selon lui, puisqu'il permet de retarder le développement de la plante.
Lorsque les températures sont trop douces, les végétaux se développent rapidement, et les premiers bourgeons apparaissent avant mars-avril. Une gelée tardive au début du printemps serait alors catastrophique pour les arboriculteurs.
D'autant que la nature se rééquilibre naturellement, assure Hervé Benzt. "Généralement, quand on a un hiver doux et chaud, après, on a un printemps plutôt froid et on risque de se prendre une grande claque de gel."
Parce que les végétaux ont besoin d'une pause hivernale
Le froid hivernal fait partie du cycle naturel de la plante. "Tous les végétaux sont le résultat de plus de 10 000 ans d'évolution pendant lesquels on a eu des périodes de froid rigoureux", explique Hervé Benzt. "C'est dans la nature d'avoir des épisodes comme ça, ce qui est plus délicat, c'est quand le cadre climatique change par rapport aux habitudes."
Une période bénéfique pour les plantes, y compris les vignes. "Pour le cycle de la vigne, c'est excellent, ça permet une mise au repos, on renoue avec les habitudes, le comportement historique de la nature", se réjouit Francis Backert, président des viticulteurs indépendants. Les premières gelées permettent également de s'assurer que la sève ne circule plus dans la plante. "À ce moment-là, on peut tailler sans risque", ajoute-t-il.
Les arbres fruitiers ont même besoin d'un quota de gel par an. Les abricots et les pêches, par exemple, ont besoin d'une petite quantité de froid chaque année, à l'inverse des mirabelliers qui ont besoin de plus de froid, nous apprend Hervé Benzt. "Ce froid va casser les hormones de développement, et permettre d'effacer la saison précédente afin de refaire de l'arbre une feuille blanche."
Parce que le gel permet d'aérer et d'ameublir le sol
Il n'y a pas que pour les arboriculteurs que le froid fait des merveilles. "Le gel, c'est la plus efficace et la plus écologique des charrues !", rappelle Hervé Benzt. Pour tous ceux qui travaillent la terre, le gel permet une aération du sol. En gelant, l'eau gonfle, lorsqu'elle fond, elle permet de créer des espaces. Ils pourront ainsi servir aux vers de terre et autres insectes qui peuplent la couche supérieure de la terre. "C'est un effet mécanique qui permet d'améliorer la structure du sol, la terre, c'est notre base, les hivers sans gel, on en a déjà eu, ce n'est pas bon", se souvient Denis Digel, maraîcher à Selestat.
Le gel, c'est la plus efficace et la plus écologique des charrues
Hervé Benztdirecteur de l'association Verger expérimental d'Alsace
Mais pour que cet effet charrue ait lieu, "il faut quand même qu'il gèle à une dizaine ou une quinzaine de cm de profondeur", met en garde Christian Schneider, céréalier à Beinheim. "Plus on a des températures négatives pendant longtemps, plus le froid descend dans la terre", poursuit-il. Il faut donc une période de froid prolongée.
Parce que le froid lutte naturellement contre les nuisibles
Le gel a également des vertus dans la lutte contre les insectes indésirables. "Le froid va tuer ceux qui n'ont pas eu le temps de se cacher, explique Christian Schneider. "Même si ça n'éradique jamais tout bien sûr."
Non seulement une partie de la population sera éliminée, mais autre avantage : "Tant que les températures seront basses, ils resteront en sommeil", développe Hervé Benzt. Ainsi, plus la période de froid s'allonge, plus la saison d'attaque sera courte.
Parce que la pluie rendait le travail dans les champs difficile
Évidemment, la pluie est une excellente nouvelle pour ceux qui connaissent la sécheresse qui frappe dorénavant les sols l'été. "Ça fait du bien parce que ça a rechargé les nappes, c'est très important", constate Denis Digel. "Mais on a des périodes très irrégulières, avec une sécheresse très longue cet été, et après cette pluie qui ne s'arrête pas depuis mi-octobre".
Après des mois d'averses, la boue empêche parfois les engins de circuler dans les champs. "Il y a des travaux qui ont été retardés par les pluies, quand il y a trop de boue, on ne peut pas travailler", témoigne Christian Schneider. Alors même si braver le vent glacial n'est pas une partie de plaisir, le paysan se réjouit de retrouver un sol plus ferme. Attention tout de même, à l'inverse, un champ gelé ne permettra pas non plus de travailler la terre. Dès la semaine prochaine, on devrait retrouver des températures plus douces en Alsace.