Grâce à des laboratoires miniatures qu'elle expédie dans l'espace, l'entreprise SpacePharma implantée près de Strasbourg entend révolutionner le monde de la recherche. Dans les domaines de la santé, la cosmétique ou l'alimentation, les scientifiques y voient de nouvelles perspectives d'innovation.
C'est une petite boîte métallique de 30 cm de long qui pèse à peine plus de 4 kilos. Le gabarit idéal pour se glisser dans n'importe quel engin spatial : un satellite, la station spatiale internationale, Space X, Arianespace... D'autant qu'il n'y a besoin de personne pour la manipuler : les scientifiques amenés à travailler avec ce condensé de technologies le font à distance, depuis le sol.
À l'intérieur, tout un laboratoire ultra-miniaturisé et automatisé, équipé pour l'étude des sciences de la vie : microscopes, pipettes, circuit de circulation de fluides, destinés à agir sur des cellules vivantes... Et c'est bien là tout l'intérêt : pouvoir travailler sur le vivant, dans l'environnement exceptionnel de l'espace.
"Sur Terre, nous pouvons reproduire le vide, ou encore l'extrême froid. Mais nous ne pouvons absolument pas créer l'absence de gravité, explique le docteur Paul Kamoun, à la tête de l'entité européenne de SpacePharma, entreprise israélo-suisse née il y a dix ans. C'est là l'élément essentiel de l'outil que nous avons conçu : effectuer des recherches sans le phénomène de gravité offre des perspectives d'innovations incroyables..."
Sans la gravité, de nouvelles pistes de recherches
L'absence de gravité, ou encore l'accélération du vieillissement. Des phénomènes qui permettent de réduire le temps des essais pré-cliniques par exemple. Mais aussi de mieux connaître certaines pathologies, et d'envisager créer des médicaments ou des thérapies qui ne pourraient pas l'être sur Terre.
Le type de perspectives dont rêvent les chercheurs pour révolutionner leurs travaux. "Parfois, sur certaines pathologies, il est vrai que nous avons l'impression d'être un peu arrivés au bout, reconnaît le professeur Eric Olmos, de l'université de Nancy.
Il y a là un vrai point de rupture technologique, très important pour espérer accélérer nos découvertes.
Professeur Eric Olmos, chercheur à l'université de Nancy
Lui travaille notamment pour la recherche contre le cancer. Le mini laboratoire développé par SpacePharma est aussi précieux pour la cosmétique ou encore l'alimentation. Depuis 2017 et la première expédition spatiale d'un mini laboratoire, huit voyages ont pu être effectués.
À chaque vol, trois entreprises ou laboratoires, pharmaceutiques, cosmétiques, spécialistes de la recherche médicale ou alimentaire, peuvent réaliser leurs essais simultanément. Et espérer gagner un temps précieux. Et de l'argent.
Adossé à l'université de l'espace d'Illkirch-Graffenstaden
"Le fait de pouvoir engager des travaux sans la présence d'astronautes, de manière totalement automatisée, réduit énormément les coûts, explique Paul Kamoun. Si nous expédions nous-mêmes notre laboratoire miniature, par satellite, cela coûte environ un million d'euros. Mais en se greffant à d'autres vols, le coût peut tomber à 200 ou 300.000 euros..." Que se partagent donc potentiellement trois financeurs.
En ce printemps 2023, l'entreprise a décidé d'installer son siège européen au cœur de l'Union Européenne, à l'université de l'espace d'Illkirch-Graffenstaden (Bas-Rhin), pour continuer de développer son activité et trouver de nouveaux partenaires. Une dizaine d'emplois hautement qualifiés devraient être créés sur ce site, orientés sur la santé et la pharmacologie.
Prochaine étape : fabriquer des médicaments directement dans l'espace, avec des procédés qui ne donneraient pas le même résultat sur Terre. La prochaine boîte SpacePharma, à peine plus grande que le mini laboratoire, sera une véritable usine miniature.