VIDEO - "Un monde fou": quand des Masaï visitent une agence de publicité à Strasbourg

Quelques jours avant le Forum des peuples racines, qui se tiendra les 11 et 12 mai à Strasbourg, des rencontres sont organisées entre des membres de populations autochtones et des entreprises. Ce lundi, deux Masaï ont exposé leur pensée devant les salariés d'une agence de publicité.

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Les écrans d’ordinateur sont en veille. Ce lundi 6 mai, une quarantaine de graphistes, chefs de projets ou directeurs de clientèle de l’agence de publicité Novembre, à Strasbourg, ont déserté leur poste de travail pour venir écouter Kenny Matampash et Sekerot Ole Mpetti. "Est-ce qu’on peut acheter le bonheur? interroge le premier, droit dans sa tenue traditionnelle Masaï. Est-ce qu’on peut acheter le partage, le bonheur, la paix, l’unité? Vous ne pourrez sans doute pas l’acheter, parce que c’est en vous." 
 

"Un moyen d'informer et de communiquer"

Relation aux autres et à la nature, écologie, mais aussi amour et dépassement des épreuves… Pendant près de deux heures, les deux hommes exposent des principes de leur spiritualité. "C’est un peu unique pour moi, en particulier parce qu’il s’agit d’une agence de publicité, souligne Kenny Matampash. Les gens, parfois, voient une agence de publicité comme un moyen de faire des profits. Moi, j’y vois un moyen d’informer et de communiquer."
 
Les deux hommes, dont le peuple réside en Afrique de l’Est, à cheval entre le Kenya et la Tanzanie, se sont rendus à Strasbourg dans le cadre du Forum des peuples racines de l’association Ligne Verte, Terre de Paix. Avant une rencontre avec le grand public à partir de samedi 11 mai, des interventions sont organisées dans des entreprises et écoles tout au long de la semaine – dont cette société de communication et publicité, partenaire de l’événement.
 

"Ils ne sont pas fous, mais ils sont dans un monde fou, où les gens doivent travailler, travailler, travailler, puis rentrer chez eux et dormir, commente Sekerot Ole Mpetti, qui maîtrise quelques mots de français, dont la fameuse expression «métro-boulot-dodo». Et vous ne savez pas s’ils sont heureux ou non. Mais c’est de notre initiative, en tant qu’êtres humains, de créer du bonheur pour les autres."
 

"Réfléchir différemment"

Après quelques questions, une prière collective masaï et un exercice de connexion à deux, la rencontre s’achève et les claviers ne tardent pas à cliqueter dans l’open space. "Je vais essayer d’appliquer certaines valeurs qu’ils ont évoquées, assure Fanny Delhinger, directrice de clientèle. Il y a une notion de partage, une notion de pardon, de ne pas critiquer, d’essayer d’être moins critique et moins exigeante avec les autres." Quelques leçons quotidiennes à appliquer dans ses relations de travail.
 
Plus globalement, le président directeur-général de l’entreprise assure personnellement "être super sensible" au message des hôtes du jour. "Soit aujourd’hui, on se dit, la publicité, c’est le bras armé du capitalisme et le capitalisme, il amène le monde dans le mur, résume Emmanuel Knafou. Soit on se dit ça et on arrête tout. Soit on se dit, peut-être qu’on peut commencer à travailler différemment, commencer à proposer à nos clients de réfléchir différemment."
 

Des formations pour les cadres

Au total, une petite de dizaine de rencontres vont avoir lieu avant le week-end avec des entreprises des secteurs de l’assurance, de la communication ou de l’électricité. A l’origine de l’initiative, Philippe Studer, président de Ligne Verte, Terre de paix et lui-même chef d’entreprise.
 
Selon lui, le principe, "c’est un peu de retrouver cet essentiel qu’on a un peu perdu et de se prendre le temps de lâcher prise. L’entreprise est emportée dans son tourbillon, et plus elle est emportée, plus elle veut aller vite." Des sessions de formation sont également proposées à des cadres dirigeants de sociétés, dont l’intégralité des bénéfices doit être reversée à des projets de sauvegarde des cultures autochtones. 
 
Les Masaï, une culture menacée
Les Masaï vivent entre le sud-ouest du Kenya et le nord de la Tanzanie. C’est un peuple pastoral qui vit depuis des siècles de ses troupeaux. Chasseurs de lions pour certains rites et guerriers réputés, on les appelait autrefois les seigneurs de l’Afrique de l’Est. Leur présence dans de nombreux parcs animaliers explique probablement qu’ils soient les plus connus du grand public occidental. Selon les sources, la population maasaï serait comprise entre 300 000 et 880 000 personnes. 

Leur culture pastorale est en train de disparaître. Leur déclin a commencé à l’arrivée des colons britanniques au début du XXe siècle. En 1904, il n’y a pas de chef chez les Maasaï, seulement un leader spirituel. Ils possèdent alors les meilleurs pâturages. Les Anglais leur font signer un traité, dont ils ne comprennent pas un seul mot, et qui attribue aux Blancs une concessions sur les terres pour 99 ans. A la fin de la concession, en 2004, le peuple masaï se rebelle. Ils sont des milliers à manifester pour demander l’abolition des traités qui les a privés des trois quarts de leurs terres. Le mouvement est sévèrement réprimé.

Les Masaï sont toujours un peuple semi-nomade et ont une économie pastorale exclusive. Leur mode de vie a toujours semblé anachronique aux colons anglais puis à l’administration kényane qui essaient de les forcer à se sédentariser. Dans les années 70, c’est la création des « group ranch » : on donne des titres de propriété aux Maasaï pour faire disparaître le pastoralisme. Mais dans les années 90, leurs terres sont privatisées, ils perdent tout ou presque. Beaucoup se suicident. 

Le gouvernement kenyan ne comprend pas pourquoi les Masaï continuent à bouger à travers tout le territoire. Pour lui, la faune sauvage doit être concentrée dans des parcs. Pourtant, l’étude des écosystème semble donner raison au mode de vie que les Maasaï ont adopté depuis des centaines d’années : les Masaï ne chassent pas. Ils sont les gardiens de la faune sauvage. La vie du bétail sauvage et celle du bétail domestique est imbriquée. Leurs feux ont transformé une brousse peu pénétrable en un tapis d'herbes basses. Celles-ci sont broutées par les vaches ce qui favorise la faune sauvage. Aujourd’hui, cet équilibre est rompu car les troupeaux sont tenus à l’écart des parcs animaliers. Tout est fait pour que les touristes ne croisent pas les troupeaux.

Les Masaï sont un exemple d’harmonie avec la nature : ils aspirent à exister aussi naturellement que la nature elle-même et leur mode de vie est au coeur de cette nature. 

 
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