Le tunnel de Tende, qui relie la vallée de la Roya au Piémont italien, c'est un sujet dont on vous parle régulièrement. Plusieurs acteurs français, qui agissent en coulisses, nous ont accordé un long entretien. Parmi eux, le ministère des Transports français, ainsi que Jean-Michel Palette, le président de la Commission intergouvernementale, l'instance administrative qui chapeaute le chantier. Il s'exprime pour la première fois sur ce sujet.
C'est un chantier sans fin, qui dure depuis dix ans. Pour un ouvrage ô combien indispensable pour l'économie de toute une vallée. Ô combien symbolique aussi du fait des Italiens qui viennent travailler à Tende et du passé de la commune, autrefois italienne.
Après un scandale judiciaire, la tempête Alex et la pandémie de Covid, la date de réouverture du nouveau tunnel ne cesse d'être repoussée. Dernièrement, l'une des entreprises du consortium Edilmaco, en charge des travaux, a également reçu une interdiction d'exercer dans le cadre d'une procédure anti-mafia, interdiction confirmée le 22 novembre dernier par le tribunal administratif régional du Piémont.
Mais ces dernières semaines, nos confrères de la presse italienne se sont fait l'écho d'une nouvelle date de réouverture : d'ici la fin d'année 2024. Un délai qui peine à convaincre côté français, mais qui permettrait à Edilmaco de ne pas payer d'indemnités de retard...
L'état du chantier
Si l'on se fie au site internet alimenté par l'Anas, le gestionnaire des routes italiennes et maître d'ouvrage du chantier du tunnel de Tende, les travaux avancent et touchent à leur fin. Le nouveau pont, construit pour remplacer la route emportée par la tempête Alex en 2020, "est terminé, la structure est en place, il reste à réaliser la couche de roulement [l'enrobé] et les joints de chaussée de part et d'autres", précise Jean-Michel Palette, le président de la Commission intergouvernementale (CIG), l'instance administrative qui encadre le chantier du tunnel de Tende.
En ce qui concerne le nouveau tunnel, les travaux de génie civil sont bien avancés. Ils devraient être terminés à la fin de l'année 2024.
Jean-Michel Palette, président de la CIGà France 3 Côte d'Azur
Ne reste plus qu'à installer tous les équipements : éclairage, ventilateurs, réseaux d'eau... Aujourd'hui, 150 ouvriers travaillent sur ce chantier.
Vers une ouverture avant la fin 2024 ?
Après la date de juin 2024, qui n'a pas été tenue, les Italiens planchent effectivement sur une ouverture avant la fin de l'année, en "mode chantier". "On a reçu le document de cette ouverture en mode chantier", confirme Jean-Michel Palette, "document qui n'avait jamais été mis sur la table jusqu'à maintenant".
"Mais il y a encore pas mal de travail à faire, il faut voir les conditions techniques de sécurité notamment", nous précise le cabinet du ministre délégué en charge des Transports, François Durovray. "Il y a tout un travail technique préalable pour s'assurer si, oui ou non, les conditions sont remplies : l'eau, les réseaux, l'électricité, la ventilation... Tous ces points-là ne sont pas complètement éclaircis", poursuit-on du côté de la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), rattachée auprès du ministère des transports.
Une phase de tests et de contrôle des équipements de sécurité qui peut prendre du temps pour s'assurer que l'ouverture se fasse sans risque pour les usagers. Ce sont les instances de contrôle de la CIG (comité de sécurité et commission technique) qui effectueront ces vérifications, en lien avec les services de secours français et italiens.
Si l'ouverture en "mode chantier" est effective, elle se fera donc sous la responsabilité de l'entreprise italienne.
Selon les Italiens, les automobilistes circuleraient en journée, entre 8h et 20h, avec un alternat, dans un sens, puis dans l'autre. Seuls les véhicules légers pourront emprunter ce nouveau tunnel. Exit donc les autobus touristiques, les poids-lourds, les véhicules électriques et ceux transportant des matières dangereuses. Un plan de circulation conforme aux arrêtés "anti-poids lourds" (+19T) toujours en vigueur dans la vallée de la Roya depuis 2017.
"L'achèvement des travaux se ferait de nuit, quand la circulation sera totalement coupée", précise la DGITM.
Indemnités de retard
C'est un sujet que l'on évoque régulièrement depuis août 2023. Elles auraient dû être imposées à Edilmaco à partir de juin/juillet 2024, date d'ouverture sur laquelle le gouvernement italien s'était dernièrement engagé.
"Depuis, Edilmaco et l'Anas ont saisi le comité consultatif technique italien, qui a reporté la date initiale de ces pénalités au 7 janvier 2025", poursuit Jean-Michel Palette, le président de la CIG. Ces pénalités de retard sont chiffrées à 130.000€ par jour de retard, un montant "3 fois supérieur à ce qui se fait en France, dans le droit commun des marchés publics des travaux".
Théoriquement, donc, à partir de janvier 2025, l'Anas devrait faire appliquer ces pénalités si la liaison internationale n'est pas restaurée. Des pénalités qui seront déduites du montant des travaux qu'il reste à payer.
Le ministre a rencontré le 31 octobre Matteo Salvini. Ils ont échangé sur plusieurs sujets, dont le tunnel de Tende. C'est un dossier qui est bien identifié et que nous n'abandonnons pas.
Cabinet du ministère des Transportsà France 3 Côte d'Azur
D'un montant initial de 141,2 millions d'euros, le coût des travaux est monté à 255 millions d'euros après la tempête Alex et atteint aujourd'hui 330 millions si l'on anticipe l'appel d'offres pour les travaux de réalésage et de mise aux normes que Edilmaco ne souhaite plus réaliser dans l'ancien tunnel. "Un dépassement qui n'est pas démesuré quand on compare au coût du marché initial, car il y a eu des évolutions de prix en dix ans", précisent ces spécialistes du dossier.
La France finance à 42% ce chantier dont les premiers forages remontent à 2015 (la déclaration d'utilité publique a été publiée en 2007).