Témoignages. Rendez-vous non honorés chez le médecin, une "taxe lapin" qui divise les praticiens

Publié le Écrit par Toky Nirhy-Lanto
partager cet article :

Annuler son rendez-vous chez le médecin, sans le prévenir : peut-être une habitude à oublier. Un amendement Les Républicains au projet de loi de financement de la Sécurité sociale prévoit une pénalité pour ces patients. Des médecins s'interrogent sur cette mesure actuellement en débat.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Et vous, avez-vous pensé à prévenir votre médecin que vous ne pouvez pas venir ? Il faudra sûrement y réfléchir sérieusement, à l'avenir. Le Sénat débat actuellement sur la loi de financement de la Sécurité sociale. C'est ce qui permet de prévoir l'argent dont elle va bénéficier.

Dans son contenu, un amendement porté par Corinne Imbert, sénatrice (Les Républicains) de Charente-Maritime. Il prévoit une sanction financière pour les patients qui oublient de prévenir leur médecin quand ils ne peuvent pas venir. Même chose pour les personnes qui annulent leur rendez-vous, à la dernière minute.

Les professionnels de santé concernés recevraient alors une partie de la somme prélevée à ces patients. En Alsace, cette idée ne convainc pas forcément les médecins interrogés.

Problème réel mais fausse solution

Les rendez-vous médicaux non honorés ? "C'est un vrai et gros problème", estime Claude Bronner, président de l'union régionale des médecins libéraux. En revanche, ce médecin généraliste, qui exerce à Strasbourg (Bas-Rhin), est très sceptique sur cette proposition : "Cela fait plaisir aux professionnels de santé, sur le principe. Dans la pratique, cela ne va rien résoudre. Malheureusement, c'est une 'usine à gaz', une mauvaise réponse à un vrai problème."

À titre personnel, le médecin dit ne pas être souvent confronté à ces patients. "Ce sont toujours les mêmes, donc je m'organise. Le problème de ces rendez-vous non honorés survient quand arrivent beaucoup de personnes que l'on ne connaît pas. Celles que je connais savent qu'elles vont se faire 'engueuler', qu'on ne les prendra plus en rendez-vous", nous précise-t-il.

Pour résoudre cette épineuse question, le représentant régional des médecins libéraux a son idée : "Autoriser le professionnel, dans certains cas, à demander aux patients de payer la consultation à l'avance. La déontologie des médecins ne le permet pas, mais c'est un levier d'action pour ceux qui veulent l'utiliser. Ce serait beaucoup plus simple."

Sensibilisation des clients par l'argent

De son côté, Elisabeth Meyer se montre plus favorable à l'idée de faire payer ces patients indélicats. "Cela serait vraiment bien, il y aurait moins de rendez-vous non honorés. Il faudrait que ce soient vraiment eux qui paient, 5 à 10 euros, et non la Sécurité sociale", estime-t-elle. Cette médecin généraliste à Strasbourg exerce depuis une vingtaine d'années. Elle est installée depuis six ans et demi. La docteur voit parfois des rendez-vous décommandés au dernier moment, sans motif.

Et la première raison qui fait que certains patients annulent sans prévenir, peut sembler insolite. "J'ai une homonyme à Strasbourg. Quand on tape docteur Meyer dans les recherches internet, j'apparais en premier. Des patients pensaient avoir pris des rendez-vous avec moi, mais c'était en fait avec ma consœur du même nom. Cela arrive une fois toutes les trois semaines, à peu près."

D'autres oublient de venir et de prévenir, sans motif. De l'incorrection qui irrite fortement la médecin. "Je les appelle systématiquement et leur dis que ce n'est pas correct. Le rendez-vous aurait pu profiter à une autre personne qui en a besoin. Si je n'arrive pas à les avoir en ligne, je leur laisse un message. Ils s'excusent parfois, mais d'autres ne prennent pas la peine de répondre", se désole Elisabeth Meyer. 

20% du temps de travail en moins avec les "lapins"

Ces "lapins", Philippe Charrault y est souvent confronté. Ce médecin généraliste est installé depuis 2017 dans son cabinet, à Strasbourg. "Globalement, parmi mes patients, ce sont des absences justifiées. Les 'lapins' sont plus le fait de patients qu'on ne connaît pas, pour les premiers rendez-vous. Ils représentent quasiment 20% de mon temps de travail. Quand ma remplaçante est en fonction, il y a plein de nouveaux patients. De nouveaux créneaux ouvrent : on a 5 ou 6 rendez-vous non honorés."

Pour éviter ces rendez-vous qui n'ont pas lieu, il a pris des mesures. "Pour les nouveaux patients, il y a un contact téléphonique avant. Quand il y a un contact humain ou physique, il n'y a curieusement plus ce problème. Après, je reste médecin : quelqu'un a un problème, je le prends en charge", précise le professionnel de santé.

Pour autant, cette question des "lapins" reste un problème important, d'après lui : "À raison de 20 minutes par consultation, cela représente 1h30 ou 1h40 de travail. Si on prend 20% de notre temps pour ces 'lapins', ce n'est pas possible. Il est donc très bien que ce sujet soit remis sur la table, aujourd'hui."

Philippe Charrault adhère donc à l'idée de faire payer ces "oublis" injustifiés. "Je pense que responsabiliser le patient, c'est une bonne idée. L'union régionale des professionnels recense 27 millions de rendez-vous non honorés, en France. J'ai pris ma calculette : c'est l'équivalent du temps de travail de plus de 4 000 médecins généralistes", se désole-t-il.

Pour l'heure, cette taxe reste au stade de projet. Si l'amendement a été adopté, les débats doivent encore se poursuivre au Sénat sur la loi de financement de la Sécurité sociale.

Qu’avez-vous pensé de ce témoignage ?
Cela pourrait vous intéresser :
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité