Un couple parcourt des milliers de kilomètres en quête de réponses sur le génocide tsigane

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Maria Daumas foulant le sol de l'ancien camp de concentration et centre d'extermination d'Auschwitz, où une partie de sa famille a été exterminée.
Tsiganes, le grand silence ©Les films de l'Aqueduc, France Télévisions

Français et Tsiganes, Alain et Maria Daumas ont lutté toute leur vie contre les injustices dont ils sont victimes. En quête de réponses sur leur propre histoire familiale, le couple parcourt une partie de l'Europe en camping-car jusqu'à Auschwitz, cheminant sur les traces d'un génocide oublié.

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Dans les archives de la Seconde Guerre mondiale, une photo illustre le désespoir des déportés. Celle d'une fillette, apparaissant dans l'entrebâillement de la porte d'un wagon de marchandises, la tête entourée d'un foulard blanc. Ce portrait tristement célèbre fait office de fil rouge du documentaire, Tsiganes, le grand silence à découvrir gratuitement sur france.tv.

Longtemps symbole de la souffrance des juifs, la jeune fille photographiée s’appelait Anna-Maria Settela Steinbach, une Hollandaise de 9 ans qui était Tsigane. Settela était son prénom Sinté (un groupe ethnique rom de l'Europe de l'ouest). Elle est morte à Auschwitz (Pologne), en août 1944, avec sa mère, ses frères et sœurs.

Durant la Deuxième Guerre mondiale en Europe, entre 250 000 et 500 000 Tsiganes, hommes, femmes et enfants, ont été exterminés par le régime nazi, soit environ dont 85 % Sinté.

C'est la pelote de cette mémoire – celle de leur famille, victime du génocide tsigane – qu'Alain et Maria Daumas tentent de dérouler, pour remonter le fil de leur histoire. Tous deux sont Français et Tsiganes. Ils vivent à Montauban dans le Tarn-et-Garonne, entourés de leurs enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Alain est Sinté par son père et Gitan par sa mère. Il fut un temps où ils étaient appelés les nomades. Aujourd'hui, ils sont appelés les Roms.

Sur les traces du génocide tsigane

Toute leur vie, Alain et Maria ont lutté contre les injustices dont ils sont victimes. Alain est devenu un défenseur engagé des droits de l'homme. À plus de 70 ans, il n'a qu'une seule envie : se rendre à Auschwitz, sur les traces du génocide, pour comprendre et rechercher des traces de son passé familial.

Occultées et ignorées de l'histoire et de la justice, exclues de la mémoire collective, les victimes du génocide tsigane se sont renfermées dans leur mutisme. Il a fallu attendre 60 ans, pour que la parole se libère enfin. Face aux atrocités subies, comme la plupart des survivants de l'horreur nazie, ils se sont tus, par honte, culpabilité et omerta.

Dans la culture tsigane, les morts occupent une place particulière. On n'en parle pas, hormis dans un contexte soumis à des rites particuliers, emprunts d'une forte tradition.

De Montauban à Auschwitz

De leur maison à Montauban, Alain et Maria partent rejoindre Auschwitz, en camping-car. Un trajet de 2 300 km jalonné de différentes étapes, dont : Montpellier (Hérault), Marseille (Bouches-du-Rhône), le camp de Natzweiler-Struthof (Bas-Rhin), Strasbourg (Bas-Rhin), Heidelberg (Allemagne) et Nuremberg (Allemagne).

Ce voyage long de plusieurs semaines est motivé par les zones d'ombres du passé familial. "On va essayer de découvrir ce que nos parents ne nous ont pas dit, justifie Maria. On va essayer de rencontrer des gens assez âgés, pour qu'ils nous expliquent ce qu'il s'est passé. Parce que nos parents ne nous ont rien dit."

"Pendant la guerre, ma mère a été internée dans un camp à Noé, explique Alain à son petit-fils. Mon père a pris le maquis du côté de Figeac." L'histoire familiale est lourde. Les parents d'Alain, au même titre qu'une partie de la communauté tsigane, ont été dépouillés de tous leurs biens. Des caravanes jusqu'aux chevaux. Une fois libérés, ils ne pouvaient bien souvent rien récupérer, ils ont dû repartir de zéro.

Un road movie au cœur de la mémoire

Tout au long de la route, les souvenirs remontent. Les paysages défilent. Sur le chemin, parmi les rencontres prévues, il y a Rosette. Déportée juive en 1944 dans le camp d'Auschwitz, elle a assisté à la venue de tous les Tsiganes.

Quelle chance, les Tsiganes sont privilégiés par rapport à tous ces juifs qui allaient directement au crématoire.

Rosette, une rescapée du camp de concentration d'Auschwitz

Dans son ancien livret de circulation (un document imposé aux personnes n'ayant pas de domicile fixe), Alain garde précieusement la photo de Settela qu'il montre à Rosette : "Je suis à la recherche de sa mémoire. Cette petite, c'est un peu tout ce qu'il nous reste".

"Tous les Tsiganes étaient à Auschwitz, se rappelle Rosette. Les juifs passaient directement au crématoire. Les Tsiganes formaient un petit groupe et avaient un petit camp spécial pour eux. Je me disais : « quelle chance ils ont, ils sont privilégiés, par rapport à tous ces juifs qui allaient directement au crématoire ». Le matin du 18 juillet, c'était mon anniversaire, mes 20 ans, je me réveille et le camp des tsiganes avait disparu, il n'y avait plus personne. Là, j'ai compris qu'on les avait gazés."

Pour échapper à l'enfer des camps, les familles se sont cachées, puis dispersées dans l'hexagone. La famille Maria aussi s'est divisée, "il y en a à Forbach, que je ne connais pas. J'en ai retrouvé à Paris, que je ne connaissais pas. Dans le sud-ouest, il y en a aussi pas mal. [...] Ils se sont éparpillés partout. Ma grand-mère a même perdu son mari. Elle l'a retrouvé seulement beaucoup plus tard."

Direction les camps de la mort

Sur la longue route des camps de l'horreur, celui de Natzweiler-Struthof, dans le Bas-Rhin, est une étape importante pour le couple. Dans la transmission de l'histoire familiale, Maria a la conviction que son arrière-grand-père a été exécuté dans le camp de concentration alsacien.

"Les Allemands lui faisaient jouer de force de l'accordéon, raconte-t-elle, émue. Un jour, le pauvre vieux en a eu marre. Il a foutu un coup d'accordéon dans la figure d'un Allemand et a pris une balle en pleine tête." Malgré les recherches dans le registre du camp (accessible au public), aucun membre de sa famille n'est mentionné.

Est-ce à cause de papiers d'identité égarés ? Les noms auraient-ils été modifiés ? L'absence de réponse contribue au flou autour de l'extermination des Tsiganes pendant la guerre.

Tsiganes, le grand silence, un documentaire à (re)voir sur france.tv.

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