Les parents de l'école maternelle de Hilsenheim, dans le Bas-Rhin, passent une petite annonce sur le Bon coin pour trouver 2,5 élèves, afin de maintenir ouvert une classe de maternelle.
"Postes à pourvoir : élèves d'école maternelle". L'annonce surprend et elle doit interpeller, car il faut trouver des candidats très vite. À Hilsenheim, au nord-est de Sélestat (Bas-Rhin), huit parents d'élèves élus, accompagnés par d'autres parents, ont décidé de passer à l'action de manière inhabituelle.
"On s'est réunis pour voir quelles actions mener pour ne pas perdre une classe" explique Laura Boinot, déléguée de parents d'élus et tête de liste. "En 2018, il y a eu un cas de figure similaire dans l'école. Des parents se sont mobilisés et nous avons bénéficié de leurs actions. Nous faisons cela aussi pour l'avenir d'autres enfants."
Cette fois, les parents ont décidé de lancer un appel sur le site du Bon coin "On a rédigé une petite annonce, comme lorsqu'on cherche quelqu'un pour du baby-sitting. C'est une maman qui a eu l'idée."
En complément de cette petite annonce, les parents ont mis une pétition en ligne et créé une page Facebook. Ils ont installé des banderoles dans le village et certains parents en ont fixé devant leur domicile. "Le 24 mars, on a expliqué la situation aux autres parents avec des tracts, devant l'école."
Une classe en moins signifie trois classes restantes surchargées
Pour maintenir les quatre classes de l'école maternelle de Hilsenheim ouvertes à la rentrée, il faudrait officiellement 88,5 enfants inscrits. Or en ce début mai, le prévisionnel annonce 86 enfants. Il en manquerait donc 2,5. (Étrange calcul pour les non-initiés.)
"Notre pétition, c'est pour dire non à cette fermeture de classe, car les trois classes restantes seraient surchargées, et la fermeture entraînerait le départ d'une enseignante et d'une ATSEM", développe la parent d'élève.
Une particularité pourrait d'ailleurs être prise en compte à Hilsenheim. Parce que la ville accueille un foyer d'enfants en difficultés. Or ces derniers arrivent en cours d'été et il est impossible de prévoir le nombre de placements qui auront lieu et de ce fait le nombre d'inscriptions à faire à l'école.
L'école maternelle a les mêmes seuils que les autres maternelles, alors qu'on a des enfants en difficulté qui ont besoin de plus d'encadrement.
Laura BoinotDéléguée de parents d'élus et tête de liste
Autre argument en faveur du maintien de l'ouverture des quatre classes : "Malgré ces profils particuliers, qui nécessitent souvent un encadrement adapté, l'école maternelle a les mêmes seuils que les autres maternelles, alors qu'on a des enfants en difficulté qui ont besoin de plus d'encadrement", précise aussi Laura Boinot.
"En plus, une décision gouvernementale limite à 24 le nombre d'élèves maximum en grande section. Si cette limite est respectée, et que la classe est supprimée, on en viendrait à avoir une classe de petits avec 38 élèves. Si on met 25 élèves au lieu de 24 par classe de grands, il restera quand même des classes de 30 et 31 élèves. En sachant qu'il s'agit d'enfants qui sortent de modes de gardiennage comme des nourrices, des grands-parents et des micro-crèches, où ils sont une dizaine maximum."
La petite annonce sur le Bon coin peut ressembler à une sorte de blague :
"Les parents élus de l'école d'Hilsenheim, commune rurale de 2646 habitants, recherchent des enfants 👶👧🧒 à scolariser en maternelle (de 3 à 5 ans) avec leur famille de préférence 😄."
En réalité, ces parents font tout pour garder les classes ouvertes pour leurs enfants et ceux qui viendront après eux. Car si une classe ferme avec 88.5 élèves, elle ne rouvre qu'à partir de 93 élèves.
De son côté, l'adjoint aux affaires scolaires de la mairie estime que "cela n'aurait pas de sens de fermer une classe juste pour répondre au quotas, sachant que le foyer social La Providence peut inscrire des élèves tardivement, que le taux de natalité est en hausse et que plusieurs maisons sont en cours de construction sur la commune. Ce qui amènera de nouvelles familles."
"On a même contacté des agences immobilières, pour voir si des familles avec enfants comptent s'installer dans la ville, pour les prévenir qu'ils doivent s'inscrire très rapidement."
Laura BoinotDéléguée de parents d'élus et tête de liste
D'autres moyens ont été recherchés, les parents faisant tout pour trouver ces enfants manquants. "On a même contacté des agences immobilières, pour voir si des familles avec enfants comptent s'installer dans la ville, pour les prévenir qu'ils doivent s'inscrire très rapidement", continue Laura Boinot.
Au Rectorat, la comptabilité est arrêtée au 15 juin et la décision est rendue cinq jours plus tard. Trop tôt pour ces parents inquiets car le foyer ne peut pas présager du nombre d'enfants placés durant l'été et donc à scolariser à l'école maternelle. Il faudrait attendre septembre et obtenir une reconnaissance réelle, avec un statut, de la particularité de cette école de Hilsenheim.
24 heures après la publication de la petite annonce, il n'y a pas encore eu de candidature, mais rien n'est joué. À l'Inspection d'Académie, on assure être conscients de la situation. Enseignants et parents sont en attente d'une réponse. Ils se demandent même si les salles de classe de leur école seraient en capacité d'accueillir tous les élèves, si une classe devait fermer.